Archives Mensuelles: août 2015
Un disque ni aimable, ni facile
L’été est l’occasion aussi de se remémorer quel est mon album de la mi-année. Sans hésitation, l’album rap de l’année c’est bien sûr To pimp a butterfly de Kendrick Lamar. Sorti au printemps, j’avais hésité à lui consacrer une chronique, étant tellement porté aux nues par les critiques, il était évident que vous ne passeriez pas à côté de ce chef-d’oeuvre. Mais depuis je l’ai écouté, réécouté un nombre de fois incalculable. C’est sûrement le CD de l’année. Ce jeune rappeur californien a sorti son 3ème album et c’est véritablement la marque d’un artiste intelligent et talentueux. C’est un album à la fois politique, social et philosophique, il a des choses à dire, c’est un retour à un rap engagé, reconnecté au quotidien des gens. Grâce à cet éclairage il redonne des repères à la nouvelle génération, des repères musicaux aussi, car c’est un rap, qui revisite le jazz, la funk, la soul…
Des +++ à King Kunta, qui résume à lui seul l’état d’esprit de l’album, +++ aussi à Institutionalized avec Bilal, Anna Wise et Snoop Dogg, et +++ pour le dernier morceau Mortal Man qui évoque les fantômes de Nelson Mandela et de 2PAC.
Un album exceptionnel, mais je suis sûre que vous en étiez déjà convaincus.
Michèle
Fantaisie des maîtres ou de l’élève
David Fray est né à Tarbes en 1981. Très vite il a obtenu de très nombreuses récompenses, il est entré au Conservatoire National Supérieur de Paris dans la classe de Jacques Rouvier en 1999 à l’âge de 18 ans. Aujourd’hui il joue avec des orchestres internationaux.
Comme il le dit lui même Bach et Schubert sont les piliers de sa vie musicale. Cet album est un hommage à Schubert dont il partage la sensibilité. Pour jouer avec lui les pièces à 4 mains, il a convié le temps de 2 pièces, la fantaisie en fa mineur et l’allegro en la mineur « Lebensstürme« , son maître et ami Jacques Rouvier. La musique de Schubert est touchante, pleine d’émotion et cette interprétation est superbe.
Françoise.
De la Tribal-House ou de l’Ethno-Techno
J’avais envie de vous parler d’un cd qui a marqué un tournant, a influencé par la suite mon univers musical personnel. Un cd paru en 2008 : Moonshout de Transglobal Underground.
Cet album n’était pas leur premier ni le dernier. Mais il a représenté pour moi le brassage des musiques du monde mais aussi des genres. En effet ce groupe londonien s’inspire de la musique indo-pakistanaise, de chants arabes, d’accordéon cajun, de reggae mais ausi de la musique électronique, du dub, du hip-hop, de la soul…
Il est composé d’Alex Kasier, Tax D et Hamid Man Tu, et la chanteuse qui depuis connaît un succès international en solo n’est autre que Natacha Atlas.
A l’écoute de ce cd, j’ai reçu une véritable claque des cultures, un concentré de la mondialisation, en quelques minutes je faisais le tour du monde. Un véritable brassage d’influences puisées aux quatre coins du monde.
Si à l’époque vous étiez passé à côté de ce groupe, il n’est jamais trop tard.
Michèle
L’orgue Hammond orphelin d’Eddy Louiss.
Parti discrètement, en juin dernier, Eddy Louiss n’arpentera plus les scènes en ce bas monde.
Nul doute que Duke Ellington, Jimmy Smith, Oscar Peterson, Michel Petrucciani, et tous les autres l’auront joyeusement accueilli, pour agrandir le « Paradise Piano Orchestra ».
Issu d’une famille de musiciens, Eddy Louis fera des études de piano et … trompette, sans doute influencé par le père lui-même trompettiste, dont il intègrera, adolescent, l’orchestre. Dans les années 60, il intègre le groupe Les Doubles Six, fondé par Mimi Perrin, qui comptera aussi en ses rangs Christiane Legrand, sœur de Michel Legrand. Ce groupe connaitra un vrai succès international. Après cette expérience vocale, Eddy Louiss se tourne vers l’orgue Hammond, puis collabore avec des pointures telles que le saxophoniste Johnny Griffin, les trompettistes Dizzy Gillespie, Stan Getz.
Se lançant alors en solo, il va multiplier les rencontres, les expériences musicales, jusqu’en 2011. Au cours de sa riche carrière, il va bien sûr produire des disques en leader tels que » Eddy Louiss, Kenny Clarke, Réné Thomas » (1968), « Louiss Trio » (1991), « Sang mêlé » (1987), « Louissiana » (1995), parmi beaucoup d’autres.
Il va croiser la route de musiciens avec lesquels il va mener de belles aventures musicales ou humaines : le violoniste Stéphane Grappelli pour un duo « Grappelli-Louiss », sorti en 1970, le pianiste Michel Petrucciani pour deux disques en duo « Conférence de presse, volume 1 & 2 » (1995), l’accordéoniste Richard Galliano pour « Face to face » (2001), sans oublier « Créole Swing » (1995), enregistré en duo avec son père. Il fondera également en 1989, un collectif musical, le Multicolore Feeling Fanfare. Avec cet ensemble riche de 60 musiciens, il enregistra un album « Multicolore Feeling Fanfare » en 1989 ainsi qu’un album live, trace de ce projet particulier, simplement intitulé « Live », en 1991. En 2010, qui le verra célébrer 50 ans de carrière à l’Olympia, l’ensemble musical se reformera pour l’occasion.
Il a également côtoyé le monde de la chanson française, en tant que musicien accompagnateur. Il a joué aux côtés de Henri Salvador, Charles Aznavour, Barbara, Serge Gainsbourg, ou encore Jacques Higelin. Avec Claude Nougaro, il collaborera sur « Locomotive d’Or » (1974) et sur le titre « L’enfant phare », extrait de l’album « Embarquement Immédiat »(1997). Il fera d’ailleurs partie des musiciens, avec Maurice Vander, Richard Galliano ou encore Bernard Lubat, qui rendront hommage au petit taureau gascon, à l’homme des mots entremêlés, sur l’album intitulé « O Toulouse » (2004).
« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage » dit l’adage. Eddy Louiss, musicien aux multiples facettes, en a fait de nombreux, en des territoires musicaux variés. Du haut de son étage Paradisiaque, il éprouve sûrement ce sentiment, nous laisse orphelins de son talent, laissant derrière lui un sillage riche de ses mélodies superbes.
Guillaume.
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Dans la famille CHANCE
Donnez-nous le chanteur Antoine. De son vrai nom Antoine Geluck, fils de l’illustrateur belge Philippe Geluck ( le chat). Quel rapport avec la chance me direz-vous, et bien Geluck en flamand veut dire chance. Et celle-ci lui sourit : une participation aux Francofolies, un album aux textes écrits par les plus grands (Jacques Divall, Marcel Kanche). De la chance soit mais aussi beaucoup de travail, une musique naviguant entre la pop et la chanson française. Pas sûr qu’Antoine soit si fou que cela.
Françoise
Un virage bien pris ?
Très critiqué depuis sa sortie au mois de mai, je me suis décidée à écouter le 3ème album de Mumford & Sons Wilder Mind, qui crée tant de polémiques. C’est un cd qui marque un vrai virage dans la progression musicale de ce groupe, adieu la folk, son banjo et son accordéon, bonjour l’électricité !
Bon OK ce n’est pas une perle rare cet album, loin de là, c’est une pop agréable qui parle des sentiments amoureux. Un disque bien fait, lisse mais sans originalité.
On retrouve quand même le voix si particulière et si reconnaissable de Marcus Mumford, on y ressent aussi le plaisir qu’il ont à jouer ensemble. C’est en fait un bon disque de pop, avec certains morceaux très agréables : la ballade Cold Arms, Hot Gates tout en progression et le côté sombre de Broad-Shouldered beasts.
Bon, et si pour le prochain album on reprenait le banjo, même électrique…
Michèle
5 Août 2014, Marciac… Ahmad Jamal en état de grâce!
Ce soir du 5 août 2014, les 6000 personnes présentes sous le grand chapiteau du festival Jazz In Marciac ont assisté à une soirée magique : le pianiste vétéran Ahmad Jamal (84 printemps), accompagné de son trio composé du discret autant qu’efficace Reginald Veal à la contrebasse, du métronome Herlin Riley aux baguettes et de Manolo Badrena, seigneur des percussions (ce soir-là un peu exilé sur scène par rapport aux autres musiciens), a donné un récital d’une rare et grande virtuosité, de sensibilité.
Après Tommy Flanagan (concert de 1993 publié en .. 2010), Brad Mehldau (2011) et Roberto Fonseca (2010), c’est donc le concert d’Ahmad Jamal à Marciac en 2014 qui a l’honneur d’être publié par le label Harmonia Mundi, qui a astucieusement ajouté le DVD du concert, ce qui permet à l’auditeur de profiter pleinement de cette soirée magique en terre marciacaise.
D’entrée, « Sunday afternoon » nous embarque et montre que Ahmad Jamal est en forme ce soir-là. Suivent « The Shout » et le très rythmé « Dynamo », avant de nous emmener dans « Gypsy », morceau très classique et aux ruptures brutales. « Strollin' », morceau composé par Horace Silver, est l’occasion pour Reginald Veal de nous offrir une palette de son talent, sous le regard attentif et paternel de Ahmad Jamal. Un joli moment.
Les deux morceaux qui clôturèrent le récital ce soir-là, « Blue Moon » et « Autumn Rain », permirent d’apprécier la virtuosité technique et rythmique de Manolo Badrena aux percussions, pendant que le maestro promène ses mains agiles sur le piano, maintenant la cadence. Le duo Riley-Veal tout au long de cette parenthèse enchantée, ont fait étalage de leur complicité, de leur maitrise.
Je suis sorti de cette soirée magique, enthousiasmé par le jeu précis, la joie de jouer, la virtuosité de Ahmad Jamal. Durant 90 minutes, le maître du clavier, un brin cabot, redevient un jeune homme simplement heureux de jouer, transmettre et partager sa passion de la musique, du piano, du jazz, avec ses acolytes ou avec le public.
Ne loupez pas ce moment!
Guillaume.
Sombre mais si vrai
Emile Proulx Cloutier est un artiste québécois qui possède de nombreuses facettes. Acteur (au cinéma, L’autre maison / Mathieu Roy en 2013, au théâtre. Frères / Francesco Sylvestri en 2012. Réalisateur : Choisir la terre en 2013. Et enfin auteur, compositeur, chanteur et musicien. Dans cet album où chaque chanson est mise en scène telle une tragédie : un garçon de 12 ans dans « Aimer les monstres », un homme en cavale dans « Votre cochon s’évade », à propos des mains d’un paysan dans « les mains d’Auguste »etc, l’univers sonore sert de toile de fonds à ces scénettes et permet aux personnages d’évoluer, d’aller au devant de vie. Scènes de vie pas très gaies, un album sombre, noir qui retranscrit la dure réalité de notre époque. A écouter… Mais pas les jours où vous avez le cafard.
Françoise
Toujours au Top !
Drones, le 7ème album de Muse parut en juin, nous rappelle le son du début de ce groupe rock avant tout. Je le trouve meilleur que les deux précédents. La thématique reste la même, ce n’est pas là que réside le changement : la théorie du complot, une vision noire du monde, la domination de l’homme, la menace d’apocalypse, on y retrouve tout ça dans ce cd.
Mais on y retrouve un rock nerveux, agressif, plus électrique qu’électronique, des solos de guitare qui sont de véritables moments de bonheur. Le producteur d’ACDC y est pour quelque chose, c’est certain. C’est du Muse de toute façon, les Inrocks ne les aiment toujours pas d’ailleurs. Les fans je pense aimeront, et les amateurs des débuts de ce groupe, comme moi, aussi.
Un bel album, accompagné d’un DVD. Mes morceaux préférés : Dead inside, Reapers, et The handler.
Michèle