Archives Mensuelles: juin 2016
Il joue du piano debout
Le 4ème album de General Elektriks est paru pour notre grand plaisir en ce début d’année 2016, cinq ans après Parker Street.
Dans cet album To be a Stranger, General Elektriks, de son vrai nom Hervé Salters nous plonge dans des explorations diverses, des ambiances variées, en mixant les genres et les époques. Expatrié à San Francisco dans les années 2000, puis à Berlin, Hervé Salters a la curiosité d’explorer les genres, et de se laisser influencer tantôt par la soul, la funk, tantôt par le hip hop voir le jazz.
L’ensemble est pourtant cohérent, imaginatif et intelligent. Hervé a écrit, arrangé et réalisé ce cd, et c’est Mike Cresswell qui l’a mixé. Une place importante est donnée aux claviers et plus précisement aux clavinets (qui se substituent parfois à la guitare rythmique) ainsi qu’à d’autres claviers vintage.
C’est un album pour danser, mais pas uniquement. General Elektriks réussit encore une fois avec sa voix haut perchée, son énergie décalée à nous apporter de la bonne humeur et surtout du swing.
Michèle
Avec « Border Lines », Stéphane Tsapis dépasse les frontières.
La vie est curieuse. Je me retrouve dans la position de vous parler du nouvel album de Stéphane Tsapis, membre de ma famille, que j’ai vu grandir pendant quelques années, avant de le perdre de vue, puis de le retrouver au sein de Norig, de le reperdre de vue, pour enfin le « retrouver » à l’occasion de son nouvel album « Border Lines« , en mode trio. Dans cette aventure musicale, Stéphane est accompagné du contrebassiste Marc Buronfosse, du batteur Arnaud Biscay. Le sujet central de ce disque, pour moi tourne autour d’un thème : la Famille, les familles. Je m’explique.
C’est d’abord lié à l’histoire de sa famille : Stéphane à grandi, nourri à la double culture hellénique (par son père) et française (par sa mère). C’est sans doute son album le plus personnel, important, au regard des ses origines, de son parcours, des lien familiaux et culturels qui le nourrissent.
Ensuite c’est une histoire de musiques : il a démarré le piano sur les genoux de son grand-père à l’âge de 3 ans (!) (je fus témoin de ces jeunes années), étudie d’abord l’instrument par la voie classique. Par la suite,tombé sous le charme de Duke Ellington et son sens de l’improvisation il délaisse alors le classique et s’oriente vers le jazz et ses différentes couleurs, qui lui offrent davantage l’occasion d’improviser, ce qu’il aime. Lauréat du concours… Duke Ellington en 2012, il est passé par les cours et conseils de Benjamin Moussay. Après cet apprentissage, il démarre en tant que sideman (Norig), évolue dans des formations différentes, (Kaïmaki ; duo Nakano) qui lui correspondent. Puis il forme son trio, y jouant une musique plus personnelle. Aujourd’hui, il est un musicien sans frontières, allant jouer partout où c’est possible. Histoire humaine enfin : le titre « Border lines » n’est pas choisi au hasard. Outre son parcours personnel, et un hommage à ses racines helléniques, c’est aussi un clin d’œil à la situation d’un pays (La Grèce), des hommes, femmes et enfants, qui ont subi une grave crise économique, sociale.
Au fil d’un jeu tout en subtilité, en douceur, en maîtrise éprouvée, il nous délivre une carte de la géographie musicale de la Grèce. D’entrée il nous dit « Welcome to my country », dans ce pays berceau de la culture moderne, carrefour des cultures entre Orient et Occident. La suite, un régal de feeling, d’intelligence, de complicité avec ses deux acolytes. Stéphane nous livre son univers musical, à travers les pièces issues de la culture hellénique, macédonienne, moyen-orientale. A l’écouter jouer, je lui trouve des similitudes avec Shaï Maestro, Or Solomon, Gilad Atzmon ou Ahmad Jamal… finesse, légèreté, musicalité, sens de la mélodie.
Stéphane est également compositeur de musiques pour le cinéma. « Khaos, les visages humains de la crise grecque » (2012), pour lequel il fut récompensé, ainsi que « Chaplin, The Immigrant » (2016) sont les plus récentes. Stéphane Tsapis livre avec « Border Lines » un album sans frontières musicales de très belle facture! J’attend déjà la suite de l’histoire de ce trio.
Guillaume.
Nos samples rendez-vous #3 : Madonna et ABBA
Comment faire 2 hits avec la même boucle ? Démonstration avec « Hung up » et « Gimme gimme gimme »
Leçon n°1 : Vous vous appelez Madonna et ça aide un peu pour pouvoir demander l’autorisation en direct aux auteurs/compositeurs du morceau original : Benny Andersson et Björn Ulvaeus les 2 artisans du groupe ABBA.
Leçon n°2 : Vous utilisez le sample intelligemment, masqué derrière un bon beat electro qui accrochera tout de suite la nouvelle génération, mais suffisamment reconnaissable pour ceux qui aimaient déjà le morceau original d’ABBA.
Et voilà, vous obtenez « Hung up », le tube interplanétaire de Madonna en 2005 !
C’était osé, même pour la reine de la pop, d’utiliser une boucle aussi connue et pourtant, quel succès ! Même moi qui ne suis pas fan de ce type de musique, ça ne m’a pas empêché de remuer sur ce morceau.
Il faut dire aussi que le clip a bien aidé et malgré sa surexposition, on avait quand même envie de danser avec la Madonne à tous les coups !
Comme quoi, le sampling n’est pas utilisé que dans le rap et mais on y reviendra prochaînement…
Laurent
Poum tchak et Wap doo wap
Je vous avais parlé en octobre 2015 de Parov Stelar, fameux DJ autrichien, figure de proue de l’électroswing. Mais chez nous, nous avons LA référence française, nous avons l’incontournable Caravan Palace, qui vient de sortir son 3ème album <I°_°I> (The Icon).
Ce groupe parisien est né de la rencontre de 3 musiciens électro passionnés de jazz manouche : Charles Delaporte (contrebasse), Arnaud de Bosredon (guitare) et Hugues Payen (violon). Se sont ajoutés une chanteuse, un clarinettiste, un tromboniste et un guitariste DJ. Et tout ce petit monde nous fait swinguer depuis 2007. Leur nom ? Caravan pour évoquer l’univers gitan, et Palace en hommage à la célèbre discothèque parisienne.
Pour ce 3ème opus Caravan Palace nous propose toujours une électro swing punchy et groovy, avec un peu plus d’influences diverses, tel que le hip hop, voire le rap (Lone Digger). Ils mêlent le passé et le futur, les cordes rétros et l’électro dancefloor.
Préparez-vous à une musique que l’on fait tourner en boucle, des rythmes effrénés sur lesquels vos pieds, vos jambes, et votre bassin ne pourront résister. Une musique décalée qui ne prend pas la tête et qui peut vous aider à bien commencer la journée.
Michèle.
Le Big Band ne fait pas tout !
Pour son retour à la scène cette année (mais n’avait-il pas promis qu’il la quittait définitivement voilà 2 ans et demi?), Eddy Mitchell a décidé de le faire dans la formule qu’il adore : outre son groupe habituel, il est accompagné d’un big band (15 cuivres !) et 4 choristes ! C’est dans cette formation qu’il a enregistré l’album éponyme « Big Band ». Moi qui suit fan du chanteur, là j’avoue, j’ai été dérouté, sinon déçu, voire très déçu ! Oui le retour est raté !
La raison ? : des orchestrations qui sonnent très 5O’s-une voix qui hélas par moments fait défaut, et des textes pas toujours très intéressants ! Il n’est qu’à écouter « Quelque chose à changé », « Je n’ai pas d’amis » (sur le phénomène Facebook, Twitter…), ou le texte sur les journalistes et le métier des critiques en tous genres « Journaliste et critique »… pour s’apercevoir, que malgré le côté acerbe, désabusé qu’il aime à cultiver depuis longtemps, Claude Moine n’est pas plus en phase avec le monde qui l’entoure, à la manière d’un Jean Gabin qui détestait le monde tel qu’il changeait.
Alors bien sûr, les musiciens sont parfaits, bien sûr les arrangements encore et toujours opérés par le saxophoniste et complice Michel Gaucher, devraient nous transporter… mais cette fois-ci rien n’y fait, je n’ai pas été « embarqué » par cette cuvée musicale 2016. De plus, lui qui adore Franck Sinatra, le seul chanteur qui trouve grâce à ses yeux, il se permet de chanter « Fly me to the moon » dans une version francisée, qui devient alors « Promets-moi la Lune »… Et là, comme il le dit si bien dans « Couleur menthe à l’eau »…. le charme est tombé… la magie n’opère pas du tout!!!
Vous l’aurez compris, au final, « Big Band » un album qui me déçoit beaucoup!
Reste seule la magie de la scène, et des standards inaltérables tels que : « Sur la route de Memphis », « Couleur menthe à l’eau », « Le cimetière des éléphants », « La dernière séance » ou « Pas de Boogie Woogie ».
Guillaume.
Viens voir le docteur…
Après plus de 15 ans d’attente et de report à répétitions, voici donc (enfin) le 3ème album studio de Dr.Dre. Si en tant que producteur, le docteur du rap US est resté ultra-présent dans les casques (Beats by Dre) des auditeurs de Rap, notamment pour Kendrick Lamar, Eminem et autres, l’artiste, lui a été plus que discret sur la scène rap US. Seuls quelques sons sortis à la sauvette avec ses compères Snoop dogg et Eminem, mais pas grand-chose de plus à se mettre sous la dent.
La sortie du film retraçant l’histoire du groupe N.W.A, « Straight outta Compton » l’an dernier était LE coup marketing pour mettre en avant son film et son album. Et ça a marché, outre atlantique en tout cas, car dans l’hexagone le film a eu un succès plus modeste que l’album. Il faut dire que même si l’histoire reste assez fidèle, Dre et Ice Cube (magnifiquement interprété par son fils) se réservent quand même les beaux rôles et que quelques détails plus obscurs ont été omis. Cela dit, ça ne m’a pas empêché d’aimer le film.
Revenons à la musique, car si l’attente a été longue, ça valait le coup ! L’album est de qualité et s’imbrique parfaitement comme B.O de « Straight outta Compton » malgré la sonorité différente des 2 époques. Comme à son habitude Dre a su s’entourer des meilleurs Mc’s de la côte Ouest avec des featurings de Snoop, The Game Kendrick Lamar ou Eminem, mais aussi quelques talents en devenir comme King Mez, BJ the Chicago Kid ou Marsha Ambrosius, l’ancienne lead de Floetrry.
L’album sonne West Coast, pas de doutes, mais Andre Young, prend quand même des risques avec quelques morceaux presque Rock comme « One shot one kill » où l’on n’avait pas entendu un Snoop aussi tranchant depuis longtemps et aussi du Dub step sur quelques tracks. C’est un opus qui s’écoute sans véritables hits, mais parfaitement orchestré par le docteur. 2 morceaux ressortent malgré tout pour moi : « Talking to my diary », l’introduction du film et «It’s all on me » ou Dre retrace sa carrière en 3minutes 48, que du bonheur !
Laurent
Une palette de couleurs
Le premier album Colors de Samba de la muerte me fait avant tout penser à un kaléidoscope.
Déjà dans le livret il y a un visuel associé à chacun des 10 morceaux qui composent cet album tout en couleurs et en collages superposés, imaginés par la graphiste Sarah Guillain, qui a su reproduire l’ambiance épurée et minimaliste tout en étant très colorée de la musique de ce quatuor caennais.
Samba de la Muerte, c’est avant tout Adrien Leprêtre, que l’on retrouve dans les groupes Concrete Knives et Kuage. Il s’est entouré de 3 compères, et ensemble ils ont réussi un album complet, réussi, riche et bigarré. Lauréat du FAIR 2016 (Fonds d’action et d’initiative rock).
On nous propose ici des textes en anglais et en français ( ce qui d’abord surprend et puis qui séduit), des compositions globalement électro, mais aussi folk, indie pop, afrobeat.
Des atmosphères douces et parfois intenses, des musiques inspirées du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest (Ghadir, Tanger), mais aussi de nos régions (Le vent, l’Aber). Je vous le dis c’est un album chamarré, riches en influences, avec des arrangements pesés avec minutie.
Laissez-vous inviter à ce voyage sonore, à cette bouffée d’oxygène made in Normandie.
Michèle
Mr Miller, retour vers ses racines
Tout récemment, l’immense bassiste-producteur-musicien Marcus Miller, était de passage à Paris (Olympia) pour deux concerts exceptionnels, suite à la sortie de son album « Afrodeezia« , qui marque un retour aux racines africaines, aux rythmes et mélopées issus de ce continent si riche en variétés musicales, du nord au sud.
Je ne m’étendrai pas sur le concert, qui fut un pur régal musical, humain (il a invité Aziz Shamaoui et ses musiciens qui assuraient la première partie, à intégrer le band pour prendre part à son récital, qui plus est en lui laissant la place parfois !). Deux heures de bonheur, de chaleur humaine, de voyage en musique entre l’Europe, l’Afrique et les Etats-Unis. Jazz-rock, mélodies traditionnelles africaines, simplicité, fraternité, maestria des musiciens, présence d’une kora, d’un oud, tout y était !
« Afrodeezia« , dernier opus en date de Marcus Miller, est donc un embarquement pour l’Afrique, sa richesse musicale, rythmique, culturelle. C’est aussi un hommage à l’histoire des esclaves noirs, transportés vers les Etats-Unis, qui, pour échapper à leur condition, se mirent à chanter et inventèrent le blues, le gospel, les spirituals, le jazz, le rhythm’n’ blues.
De « Hylife », qui ouvre l’album, à « I can’t breathe », qui clot l’album, il démontre toute l’étendue de son répertoire, sa musicalité, son sens de l’improvisation aussi, sur cet instrument qui semble être un prolongement naturel de lui-même. Sur cet album, figurent des invités (qui accompagnent également Marcus Miller sur scène) tels que Cherif Soumano (Kora), Etienne Charles (trompette). Deux musiciens, deux talents qui ont toute leur place dans l’univers musical du maestro. Le très beau « B’S river », qui évoque une rivière de son enfance, sa version de « Papa was a Rolling stone » des Temptations, et « Water dancer » ont ma préférence.
A 56 ans, le bassiste-compositeur-producteur tient la grande forme et sa musique est de plus en plus riche, profonde.
Vivement le prochain album !
Guillaume.
Nos samples rendez-vous #2 : Kendrick Lamar et Boom clap bachelors
Si dans la 1ère édition, je faisais un flashback dans ma jeunesse au collège et mes insomnies pour enregistrer mes clips préférés sur VHS (Coup de vieux instantané !!!), cette fois, je retourne dans le présent, la « Youtube era », avec un de mes artistes favoris actuellement : K.Dot, le seul et l’unique KENDRICK LAMAR !!!
Le nouveau king de la West coast, petit protégé de Dr.Dre a été bercé aux sons de son mentor, des Snoop Dogg et autres Ice Cube, tous des fervents utilisateurs de samples dans leurs morceaux (à part Dre qui a pris l’habitude de rejouer les boucles qui lui plaisaient, le petit malin !) Pourquoi alors ne pas reprendre une formule qui marche pour le nouveau prodige du rap US ?
Je vais donc vous parler d’un des morceaux qui l’a fait exploser au grand public, sur son 1er album « Good Kid Maad City », le fameux « Bitch don’t kill my vibe » où K.dot parle de cette mauvaise énergie qui l’entoure due à son succès fulgurant, il est soudainement aimé de tous, lui, le petit gars lambda de Compton, qui essaie juste de s’en sortir, il sent bien, que tout ce nouvel entourage est intéressé et lui causera plus de soucis qu’autre chose.
Pour ce morceau, au départ prévu avec Lady gaga, le natif de Compton s’est servi d’une boucle d’un groupe de pop/électro Danois, les Boom Clap Bachelors et leur chanson : Tiden Flyver. Vous allez voir, c’est troublant comme la même boucle peut sonner si différente selon l’artiste qui l’utilise. En tout cas, je vous invite à découvrir l’univers de ce groupe méconnu dans l’hexagone, mais bien sympa.
Comme quoi, le hip hop sait encore piocher le talent là où il est, même bien caché, surtout quand c’est Dr. Dre qui est aux manettes. A savoir, qu’un excellent remix avec Jay-Z est sorti quelque temps après, sur la réédition de l’album.
Laurent