Désormais… Aznavour est en haut de l’affiche pour l’éternité.
Le légendaire chanteur français Charles Aznavour (de son vrai nom Shahnour Varinag Aznavourian) s’en est allé discrètement, en ce début octobre 2018. Le dernier monstre sacré, arpentant inlassablement les scènes du monde entier (il était encore à Tokyo quelques jours avant de revenir en France dans sa maison des alpilles, où La Grande Faucheuse est venue le chercher dans son sommeil) est donc parti. Il devait bientôt entamer une énième tournée mondiale. Le rideau ne se lèvera donc plus pour lui.
Auteur-compositeur-interprète-comédien, Charles Aznavour (1924-2018) a connu une carrière de plus de 60 ans très dense, riche en rencontres avec de grandes figures de la chanson française, (Eddy Mitchell, Claude Nougaro, Johnny Hallyday, Francis Cabrel , Jean-Jacques Goldman, mais aussi Jacques Brel , Jean Ferrat, Georges Brassens, Léo Ferré, Serge Reggiani et Serge Gainsbourg), du jazz (Count Basie, Duke Ellington, Oscar Peterson, Nancy Sinatra, Liza Minnelli ou encore Frank Sinatra-il était d’ailleurs considéré comme le « french Frank Sinatra »… par les américains), du monde classique également (voire ses duos avec Luciano Pavarotti, Andrea Bocelli. Il n’arrêtais jamais de travailler, passant d’une tournée à un enregistrement d’album, à l’écriture d’une comédie musicale, d’un livre, de chansons pour d’autres interprètes (j’en parle un peu plus bas).
Aussi loin que je me souvienne, j’ai dû entendre sa voix de crooner alors que j’avais onze-douze ans. C’était dans la voiture familiale ou à la maison. Très vite je vais aimer ce chanteur, sa voix, son phrasé inimitable, son sens du swing, qui d’ailleurs se retrouvait dans ses chansons et ses orchestrations. Il fera ses premiers pas sur scène à l’âge de 8-9 ans. Plus tard, couvé à ses débuts par la grande Edith Piaf pour qui il écrira des chansons, qui fut également la mentor de Yves Montand, il va trouver la force et le courage de se lancer dans la carrière de chanteur. En 1954, après avoir été remarqué par le directeur du Moulin Rouge, lors d’une précédente tournée au Maroc, Aznavour est embauché pour chanter au célèbre cabaret. L’année d’après il fera ses premiers pas sur la scène de l’Olympia. Le voilà désormais lancé, lui qui fut moqué à ses débuts pour sa voix chevrotante, son physique d’écorché vif. Il va pourtant s’accrocher, ne rien lâcher, convaincre les plus sceptiques, les professionnels et le public. Contrairement à nombre de ses collègues contemporains, il va comprendre l’importance de parler plusieurs langues étrangères, qui vont le rendre très populaire lors de ses tournées hors France. Chanter en italien, espagnol, japonais, anglais, russe lui permettra d’être compris par ses auditoires. La revanche est là. Hier conspué par la critique, il devient alors une vedette internationale. Le plus célèbre chanteur français à l’étranger. Preuve de sa renommée hors de France, ses chansons ont été chantées ou reprises par des gens comme Frank Sinatra, Bing Crosby, Ray Charles, Bob Dylan, Tom Jones, Petula Clark ou Nina Simone, Shirley Bassey. Excusez du peu!!!
Insatiable défenseur de la langue française, il verra l’arrivée du rap en France, comme une forme nouvelle de la poésie, qui aura son appui. Ainsi des artistes tels que Kery James sur le titre « à l’ombre du show business », plus récemment Grand Corps Malade, sur le morceau « Tu es donc j’apprends » qui figure sur l’album « 3ème Temps », auront eu le privilège d’un duo avec le maître. Kool Shen, membre du duo infernal NTM et précurseur du rap en France (avec les rivaux marseillais d’IAM), sera ainsi défendu par Aznavour en personne lors d’un débat avec des hommes politiques. Rare pour être souligné.
Chose méconnue chez lui, il écrivait donc beaucoup pour les autres. Ainsi des artistes tels que Johnny Hallyday (« retiens la nuit »), Sylvie Vartan (« la plus belle pour aller danser »), Edith Piaf bien sûr (« Plus bleu que tes yeux »), Francis Lemarque (« J’aime Paris au mois de Mai »), Eddy Mitchell (« Tu n’es pas l’ange que j’attendais »), Juliette Gréco (« Je hais les dimanches ») ou Marcel Amont (« Le mexicain »), ont tous bénéficié de la plume de Charles Aznavour.
S’il était homme de chanson, auteur de tous ses textes, il fut également un comédien, dès 1936, côtoyant des réalisateurs comme Jean-Pierre Mocky, Henri Verneuil, François Truffaut, Claude Chabrol, Pierre Granier-Deferre, Wolker Schlondörff, et comédiens tels que Danielle Darrieux, Anouk Aimée, Pierre Brasseur, Lino Ventura, Maurice Biraud, Nicole Garcia, Jacques Villeret ou encore André Dussolier… la liste est très longue! Les films? « La Guerre des Gosses » (1936), son premier, sera suivi de plusieurs films marquants dans lesquels il aura des rôles de premier choix : « Tirez sur le pianiste »(1960), « Un taxi pour Tobrouk »(1960), « Les lions sont lâchés »(1961), »La métarmorphose des cloportes » (1965), « Le Tambour »(1979), « Le fantôme du chapelier » (1982). En 2002, il jouera dans le film d’Atom Egoyan « Ararat », qui traite du génocide arménien, pour la reconnaissance-(ce qui n’est toujours pas le cas à ce jour!!!!!!) duquel Aznavour s’est inlassablement mobilisé toute sa vie. En France, la reconnaissance ne date que de 2001. La Turquie refuse toujours à ce jour de reconnaitre le martyr infligé en 1915 au peuple arménien.
Pour l’anecdote, Charles Aznavour était cousin avec Mike Connors (de son vrai nom Krékor Ohanian), acteur américain, rendu célèbre par la série « Mannix » dans les années 70’s.
A 94 ans, Charles Aznavour part en laissant une œuvre riche et foisonnante de 1200 chansons, parsemées de standards. Nul doute que Là-Haut (également titre d’un film animé ou son personnage-déjà- s’envole dans le ciel enfermé dans une cabane-), il va s’asseoir à la table qu’occupe déjà Trenet, Ferré, Brel, Brassens, Higelin, Gainsbourg, Reggiani, Barbara, Piaf, pour faire ensemble des battle de rimes. A ce petit jeu-là, Charles Aznavour, durant 65 ans de carrière, a prouvé qu’il n’était pas le dernier. Un pan de l’histoire de la chanson française se referme. Il nous restera donc ses chansons, dont je vous propose un florilège, chantées en solo ou en duo, en français, italien, russe, anglais.
Guillaume.
Publié le 7 octobre 2018, dans Chroniques, et tagué Arménie, chanson française, Chanteur, Charles Aznavour, comédien, duos, Edith Piaf, jazz, Nina Simone, Ray CHarles. Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.
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