Mino Cinelu & Nils-Petter Molvaer, duo en jazz majeur.

Un dialogue Nord-Sud, entre les origines glacées de l’Ile de Sula d’où arrive le trompettiste Nils Petter Molvaer, et la terre chaleureuse de la Martinique (Madiana), ici représentée par le percussionniste Mino Cinelu. Le nom de leur projet musical est donc la fusion des noms de leurs îles respectives : « Sulamadiana« . Voilà ce que nous proposent ces deux grands musiciens, chacun ayant un parcours, une « carrière » bien spécifique, mais qui donc ici, unissent leurs talents pour ce disque.

Tout commence en douceur, dans « Le monde qui change », où le dialogue s’installe doucement entre les deux instruments, les percussions de Mino Cinelu et la trompette minimaliste de Nils Petter Molvaer. Déjà la notion d’espace est présente. « Sulamadiana », qui enchaîne » est un morceau aux sonorités africaines, en hommage à Manu Dibango photo ci-dessous), saxophoniste décédé du Covid-19 en mars 2020. Des voix viennent compléter les deux instruments. Comme un chant de prière. Superbe. Ensuite, « Xingu », nous entraîne dans les confins de la forêt amazonienne, en hommage au chef Raoni, qui sillonne depuis des années la planète via ses médias et les plus hautes instances mondiales pour plaider à sa préservation et à celles des tribus qui y vivent. Mino Cinelu restitue parfaitement l’ambiance tribale, et une flûte traversière, à l’égal de celle entendue dans la musique du film Mission, signée de Ennio Morricone, vient compléter ce tableau musical. La trompette de Molvaer, quant à elle, virevolte. Arrive ensuite la reprise réussie de « Take the A train », standard de jazz signé Duke Ellington. Puis dans la foulée, nous avons droit à « Theories of dreaming » et « Indianala ». Ce dernier morceau, joué avec trompette et tabla indien, onomatopées, nous balance dans les contrées de l’Inde, ses musiques lancinantes, envoûtantes. Dans tous les morceaux, ce qui est fascinant c’est le niveau de jeu, d’écoute, entre les deux musiciens. Un dialogue qui s’élève sans cesse, une qualité toujours tenue. Exercice difficile, mais parfaitement maitrisé par les Cinelu et Molvaer. Je parlais d’espace tout à l’heure. Là, chacun laisse l’autre respirer, jouer. Cette notion d’espace est omniprésente dans ce disque. Le sentiment de grands espaces ici illustrés est évident, qu’ils soient nordiques, amazoniens, martiniquais, déserts africains, ou contrées indiennes. Il n’est qu’à écouter « Kanno Mwen » où la trompette de Molvaer se fait lancinante, et une voix plaintive vient s’y ajouter. Merveille. Sur « Rose of Jericho », cette fois c’est la trompette qui donne le ton, Mino Cinelu ne faisant que répondre et proposer ainsi un dialogue intense. Superbe.


Pour terminer leur album, les deux compères nous offrent tout d’abord le très fort « Song for Julie », dédié au batteur de jazz Tony Allen (photo ci-dessus), décédé le 30 avril 2020 à Paris. Un bijou musical de 3 minutes 35 qui démarre doucement, pis dont la pulsation, accélère, menée tambours battant par Mino Cinelu. Le morceau final, « Sulamadiana, part.2 » est la suite de « Sulamadiana ». Tout aussi limpide, éthéré. Il clôt en beauté ce superbe disque. Assurément l’un des plus beaux que j’ai eu à écouté depuis longtemps.
Guillaume.
Publié le 16 janvier 2021, dans Chroniques, et tagué 2020, jazz, Mino Cinelu, Nils Petter Molvaer, Percussions, Sulamadiana, trompette. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
Poster un commentaire
Comments 0