Archives du 19 janvier 2021

Peirani-Parisien, duo pour un Abrazo bienvenu.


A l’occasion de l’album « Sulamadiana » enrégistré par le percussionniste martiniquais Mino Cinelu et le trompettiste norvégien Nils Petter Molvaer, chroniqué ici-même il y a peu, j’évoquais la notion de dialogue, de discussion, mais aussi d’espace entre deux musiciens. C’est exactement ce que proposent Vincent Peirani (accordion) et Emile Parisien (saxophone soprano), à l’occasion de leur nouvel album « Abrazo« , publié sur le label ACT. Ces deux musiciens se sont rencontrés en 2014, autour du projet musical « Belle époque« . Depuis, c’est une aventure duo ou en trio qu’ils mènent régulièrement. Suite à « Belle époque »(2014), ils ont poursuivis avec un nouveau projet en trio avec la venue du batteur Yoann Serra pour le disque « Living being » (2015), qui sera suivi en 2018 d’un deuxième volet « Living being 2 ». 2020 marque donc le retour à leur duo avec « Abrazo » (prendre dans ses bras,faire une accolade, en espagnol). Mais ici pour les deux musiciens, qui poussent leur complicité musicale au plus haut, il s’agit « d’interagir comme des anges qui mélangeraient leurs ailes ». Le résultat est plutôt réussi.

Dès son entame avec « The Crave », les deux musiciens instaurent un dialogue superbe. Le saxophone soprano de Emile Parisien fixe le thème et Vincent Peirani fait tourner son accordion autour, comme un serpent de notes. Le tout dans des sonorités joyeuses. Sur « Temptation », c’est l’inverse, Peirani ouvre la voie et Parisien vient se greffer dessus, dans des phrases qui résonnent comme des mélopées langoureuses. Dès « Fuga y mysterio », les chevaux s’emballent, la connexion évidente entre les deux musiciens éclate aux oreilles de l’auditeur, sur fond de musique argentine, empreinte de joie et de mélancolie mélangées. « Between T », un tango superbement joué par le duo, une invitation à danser, et l’aspect dramatique très bien mis en relief. « Deus Xango » démarre par une phrase lente du saxophone, soutenue en délicatesse par l’accordion, et tout du long du morceau, dans une sorte de blues, les deux instruments se répondent, s’entrelacent. Changement d’atmosphère avec « Memento », Vincent Peirani et Emile Parisien jouent tour à tour sur des tempi très rapides, avant de ralentir, comme une pause, et repartent de plus belle. Une farandole de notes, ça danse, nous pourrions même imaginer des gens rires chanter, en tous cas ça cavale. « A bebernos los vientos », résonne comme un plainte, un cri sourd, magnifiquement interprété. « Nouchka » nous entraine dans la musique slave, sinon russe. Là aussi, l’aspect nostalgique souvent très présent dans la musique russe, et slave, est très bien rendu. On y sent même poindre un peu de désespoir, de fatalité. Sentiments qu’ont du éprouver les peuples du bloc d’Europe de l’Est jusqu’en 1989 et la chute du mur de Berlin. Pour terminer en beauté ce disque, Peirani et Parisien, nous proposent « F.T », c’est à dire un funky tango, et un « army dreamers », tout en nuances, souplesse.

Tout au long de ce disque, même si c’est parfois difficile à saisir, tant le dialogue est riche entre les deux instrumentistes, chacun laisse l’autre respirer, s’exprimer avec un bonheur palpable. Le résultat est une musique magnifique, une accolade partagée par ces deux virtuoses. Si vous aimez les ambiances à la fois légères et survoltées, si vous aimez les duos et le dialogue entre instruments, nul doute que ce disque vous ravira.

Guillaume.

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