Archives du 23 avril 2021

Cabrel, le citoyen derrière le musicien.


Sorti de sa retraite discographique, le troubadour d’Astaffort, alias Francis Cabrel, est revenu en 2020, en pleine année pandémique et confinée, avec un album intitulé « A l’aube revenant« . Il y a longtemps que j’avais laissé de côté ce chanteur-compositeur-interprète, sans doute parce que lui même s’était un peu retiré du monde, à l’abri des regards, reclus dans son refus, entouré des siens. Mais comme pour les marins, l’appel du large a été le plus fort. Ici celui de retourner en studio, de rappeler sa vieille garde de complices de longue date, pour revenir à l’essentiel, écrire, composer, matière essentielle pour ce ciseleur de mots et de musiques, qui nous enchante depuis bientôt cinq décennies. Restait donc à voir ce que donnerait ce nouvel album, enregistré, je le disais plus haut avec sa bande habituelle, à savoir Denis Benarrosch (percussions), Laurent Vernerey (contrebasse), Michel Amsellem (piano), Claude Égéa (trompette), Gérard Bikialo (orgue hammond, piano), Michel Françoise (réalisation), et les trois voix féminines de Himiko Paganotti, Julia Sarr et Olyza Zanatti. Claude Sicre, membre des Fabulous Troubadors, chanteur occitan, a participé également à cet album.

Dans ce nouvel album, Francis Cabrel évoque des thèmes qui lui sont habituels, comme ceux de l’amour et l’écologie avec « jusqu’aux pôles « , mais année 2020 et contexte particulier oblige, il ne pouvait pas ne pas évoquer la crise sanitaire démarrée en février 2020. Il le fait à travers trois titres, « les beaux moments sont trop courts », « Peuple des Fontaines », qui évoque superbement l’absence du public, la fermeture des lieux de cultures et « parlons-nous », qui traite de l’isolement dû au Covid, isolement contre lequel il faut lutter en se parlant. Il traite de la relation père-fils très joliment dans  » Te ressembler », qui parle de son père mort trop jeune pour avoir vu son fils connaître une existence heureuse, après un choix hasardeux dû à la rencontre avec une guitare. En amoureux des mots, de la mangue française, il fait un détour par le moyen-âge pour rendre hommage aux troubadours, ces « rock-stars du Moyen Age  » comme il les nomme. Le tout sur fond d’orchestre à cordes. Il faut savoir que quatre des chansons de cet album sont inspirées de textes du Moyen-Age. Et parce que les mots sont sa nourriture quotidienne, son breuvage essentiel depuis plus de cinq décennies, il s’insurge avec une belle dérision mélangé de colère de la disparition des librairies pendant le premier confinement (heureusement depuis elles ont été déclarées « produits de première nécessité » par le gouvernement…ouf !). Après avoir adressé une tendre lettre à un Jacques qui vit en Corse entouré de ses chats ( il s’agit évidemment du dandy, de la vieille canaille, Jacques Dutronc himself), il termine sa nouvelle production en adressant deux lettres d’amour, les deux sans doute destinées à sa femme.

Vous allez me dire, « Bon ok mais la musique dans tout ça ? ». Hé bien, je dirai que si le bonhomme s’est assagi, très loin de « ma place dans le traffic » ou de « la corrida », cela reste de bonne facture mais franchement à en être autant ciselée, précise, je me crois revenu à « samedi soir sur la Terre », album empli de mélancolie, de tristesse, de nostalgie déjà. Ici ça ne décolle quasiment jamais, l’ambiance générale est à la proximité, l’intimité. Les mélodies sont toujours très ciselées, les arrangements aux petits oignons. La voix, certes quasi intacte parvient encore à surprendre, mais globalement, moi qui fut grand fan de Francis Cabrel, là j’avoue être déçu. Les compositions sont pourtant variée, riches, mais la magie n’a pas opéré en moi. Sans doute les adorateurs-trices du chanteur se régaleront-ils-elles.

Guillaume.

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