Archives Mensuelles: juin 2021

Bad Company court toujours.



Bad Company, groupe phare de la scène hard-rock du début des 70’s, puisque formé en 1973 par le chanteur Paul Rodgers et le batteur Simon Kirke, tous deux anciens membres du groupe Free, auxquels se joignent le guitariste Mick Ralphs, ancien membre de Mott The Hoople, et Raymond Burell, ancien bassiste de King Crimson, a publié en 1979, un live enregistré lors d’une tournée dans le Maryland aux Etats-Unis. Le disque s’intitule « Still running« . Le groupe a enregistré 12 albums studios en 22 ans de carrière entre, 1974 et 1996, plus huit albums live bien sûr, dont celui qui nous occupe aujourd’hui.

Ce qui frappe d’entrée à l’écoute du disque, c’est la qualité plus que moyenne du son. Mais c’est souvent le cas lors des albums enregistrés en live en plein air, ce qui est le cas ici, hélas, trois fois hélas!. La voix de Paul Rodgers, pourtant puissante, semble parfois lointaine, et le son saturé des guitares  de manière permanente. Pas facile dans ces conditions de se mettre à apprécier ce groupe. Pourtant il est clair que celui-ci déploie une énergie réelle, face à une foule très nombreuse (voir photo intérieure du disque), que l’on entend en fond sonore entre les morceaux.

Alors côté musique justement. A l’égal de ce qui se faisait au début des 70’s avec Deep Purple, Led Zeppelin, Black Sabbath, et quelques autres, Bad Company propose un hard-rock efficace, ramassé, sans fioritures. Paul Rodgers dirige vocalement tout cela avec une maîtrise totale. Sur « Still running », les morceaux s’enchainent en cadence, depuis « Bad Company », jusqu’au terminal « Can’t get enough » véritable stéréotype du morceau hard de l’époque, puissant et mélodique, en passant par des perles telles que « Movin’on », les bluesy « Shooting stars », « Rhythm machine », la ballade « Feel like makin’ love », le prenant « Rock’n’roll fantasy », la belle version de « Hey Joe » de Jimi Hendrix.

Bref ce live est mal servi par sa qualité sonore qui gache vraiment le plaisir de l’écoute (quelle honte pour les producteurs-distributeurs qui l’ont ressorti en 2020, de ne pas avoir retravailler le son, dépoussiéré les bandes, de façon à rendre plus audibles les morceaux!). Mais malgré ce désagrément, il reste le plaisir tout de même d’écouter de bons morceaux d’un groupe de hard, qui s’il continue de tourner, a tout de même l’essentiel de sa carrière derrière lui.

Guillaume.

Pour Ben Harper, la saison des amoureux, c’est l’Hiver.



Benjamin Chase Harper, alias Ben Harper, né il y bientôt 52 ans ( il les aura le 29 octobre prochain) à Claremont en Californie, est un guitariste-auteur-compositeur-interprète, se produisant tantôt en solo, tantôt accompagné de groupes comme les Innocent Criminals, Blind Boys of Alabama, ou Relentless Seven. Aux confluences de divers musiques, à la manière d’un Lenny Kravitz, ou même d’un Prince auparavant, Ben Harper ne se gêne pas pour aller sur divers terrains musicaux, qu’il s’agisse du reggae, de la folk music, du blues, du gospel, du rock ou de la funk. Son spectre musical est très vaste, le gars ne s’interdit rien. Il se sent libre de tout faire, il ose tout. Sa carrière jusqu’ici jalonnée de succès jamais démentis, en témoignent ses concerts devant des salles remplies, est des plus riche artistiquement.

En 2020, en pleine période de confinement généralisé, il s’est offert de publier  » Winter is for lovers’ « . Et moi qui croyais que la saison des amours était naturellement le printemps voire l’été, voilà que ce gaillard nous assène que non, pour lui, tout se passe en hiver, au chaud des alcôves. Fidèle à ses habitudes, Ben Harper a enregistré cet album de manière très sobre, presque artisanale. Voilà vingt-huit ans que ce grand musicien trimballe sa carcasse et son sourire un peu partout dans le monde, depuis la sortie de « Pleasure and Pain » en 1992, suivi des deux albums à succès « Welcome to the cruel world » en 1994 et « Fight for your mind » dans la foulée en 1995.

Car Harper, très vite s’est identifié comme un musicien-citoyen à l’instar des Bob Dylan, Bruce Springsteen, Neil Young, Joan Baez, ou encore le légendaire Johnny Cash. Ben Harper le musicien est également un vrai conteur, parfois débarrassé des oripeaux de la star adulée qui empli les salles et les stades. Non il préfère les ambiances intimes, la proximité, la relation vraie à l’humain. C’est pourquoi aussi il fait rarement parler de lui en dehors de son activité musicale. Il sépare pleinement le professionnel et le privé.

Mais revenons au disque. Chacun des titres de cet album est une référence pour Ben Harper. Tantôt à l’enfance et aux quartiers où il a grandi avec « Inland Empire », mais aussi au désert de « Joshua Tree », pour le coté quasi hypnotique et mystique de l’endroit. Il évoque aussi évidemment un des hauts lieux du jazz de New-York, le quartier de Harlem, qui a été très important dans la renaissance de ce courant musical. Et puis bien sûr, il fait allusion à Londres, ville berceau de tant de guitaristes anglais de talents, dont le grand Jimmy Page notamment. Sur cet album d’une pureté absolue, très dépouillé musicalement, Ben Harper s’en donne à coeur joie et nous régale de son talent. Il nous fait un joli cadeau en terminant son disque avec une chanson sur Paris, ville qui pour lui signifie plus jamais le printemps, la vie, après l’hiver vécu dans le grand nord américain, new-yorkais ou canadien.

Ben Haper, tout jeune, eût la chance, grâce à son père qui tenait un magasin de guitare à Claremont, sa ville natale, le « Folk Music Center », de croiser des musiciens prestigieux tels que Ry Cooder ou Taj Mahal, qui deviendra son vrai mentor et l’emmènera même en tournée à ses débuts. Il voue d’ailleurs une reconnaissance éternelle à son mentor, sans qui rien n’aurait été possible selon Ben Harper.

« Winter is for lovers » est un projet musical que Ben Harper murissait dans sa tête depuis dix ans. Il souhaitait tant mettre en avant et mixer les cultures blues, amérindiennes, hawaïennes. Le résultat est bluffant de qualité. Je vous invite à l’écouter tant cet artiste propose ici un projet musical sans faille.

Guillaume.

Dom La Nena garde le Tempo.


Cette artiste brésilienne de son vrai nom Dominique Pinto, qui a commencé la musique en étudiant le piano dès l’âge de 5 ans, puis le violoncelle dès 8 ans, tirera son nom de scène du fait qu’elle était la plus jeune (La Niña ce qui donnera La Nena en portugais) élève de sa classe de violoncelle à Buenos Aires, dirigée par la violoncelliste Christine Walevska, qui l’avait repérée plus jeune et lui avait suggérée de venir étudier en Argentine.

Bien que violoncelliste, Dom La Nena est aussi chanteuse, que certains et certaines d’entre vous ont pu découvrir lors de sa venue en 2013 sur les planches du festival des Aventuriers à Fontenay-Sous-Bois, a l’Espace Gérard Philipe, nous a publié « Tempo » en 2018, dont elle a composé tous les titres. A seulement 32 ans, cette artiste brésilienne a su tracer son parcours de façon très singulière et méticuleuse, en allant parfois vers des collaborations inattendues comme avec des artistes comme Jane Birkin, Jeanne Moreau, Camille, ou encore Étienne Daho, puis le musicien Piers Facini, qui lui propose d’enregistrer dans son studio des Cévennes son futur album « Ela » sorti en 2013,, avant en 2014 de rencontrer Rosemary Standley (chanteuse du groupe Moriarty) et de fonder avec elle le duo Birds on a wire. Dom La Nena se frotte sans hésiter à des univers musicaux loin de sa culture initiale ou de son apprentissage classique.

Mais passons donc à « Tempo », album enregistré en 2018.

Billie Holiday, une vie de Blues pour cette Lady.


Le livre qui nous occupe ici, « Lady sing the Blues« (Editions Parenthèses, collection Eupalinos), dont le titre est une référence à l’un des titres phares du répertoire de la chanteuse, est différent de celui écrit par Philippe Broussard en 2015 aux éditions Stock, intitulé « Vivre cent jours en un« , car c’est une autobiographie, co-écrite avec l’aide de William Dufty, publiée en 1956. Ce qui change également, c’est que Billie Holiday, contemporaine d’Ella Fitzgerald, s’exprime ici à la première personne dans le livre, donc nous sommes, nous lecteurs, dès le début embarqués dans son sillage, dans ses aventures d’enfant ballotée, puis on la suit lors de son départ seule à New-York, dans le quartier de Harlem, dans un appartement de deux pièces, avec un piano droit, pensant échapper à la misère, aux sévices masculins, au racisme, bref à tout ce qu’elle a subi depuis le début de sa vie. Billie Holiday nous raconte également son arrière grand-mère, maîtresse d’un propriétaire terrien blanc, qui possédait des plantations et nombre d’esclaves. Elle nous parle des clubs interdits aux noirs, tels le fameux Cotton Club(photo ci-dessous), sauf aux musiciens et danseurs venus là pour distraire les blancs qui souhaitent s’encanailler et passer du bon temps en dépensant leur argent.

Personnage important du livre et de sa vie, sa mère, qui est tout pour elle, qui détestait la solitude et s’arrangeait toujours pour avoir la compagnie des hommes, et quand ceux-ci n’étaient pas là, dans celle de l’alcool. Cette mère à qui, bien qu’ayant très tôt quitté l’école, Billie va, par le biais de jeux scolaires, apprendre à lire et écrire. Son père disparu de la circulation très tôt dans sa vie, elle en aura des nouvelles de temps en temps par courrier, ce dernier évoquant alors sa fierté envers le devenir de sa fille. Puis un soir de 1937, tout bascule. Alors qu’elle s’apprête à rentrer en scène, un téléphone sonne et la demande. Un voix lointaine demande si elle se nomme bien Eleanore Billie Holiday, ce qu’elle confirme, et si son père s’appelle Clarence Holiday. Double confirmation. Cette voix lointaine lui annonce alors le décès de son père et demande si elle souhaite récupérer le corps. Bref, des moments très difficiles à vivre. Et puis au détour d’une anecdote, Billie Holiday évoque comment lui est venu le nom de « Lady Day ». « C’est Lester Young, mon saxophoniste, qui à côté de « Lady » a rajouté la syllabe day de mon nom, ce qui a donné « Lady Day » et c’est resté ».

Son entrée dans l’orchestre du grand Count Basie (surnommé la machine à swing de Kansas City, sa ville natale), pour gagner en expérience et se faire des sous. Mais sur ce côté là, déception, elle ne touchera que quatorze des trente-cinq dollars promis. Elle dit sans détours son aversion pour la routine des tournées, la monotonie qu’elles engendrent, et qu’elle a failli quitter le groupe avec Lester Young, lassée de cette vie et des accusations de mettre la pagaille dans la troupe en séduisant tous les musiciens, ce dont elle s’est fortement défendue. Nous révèle les vicissitudes vécues lors d’une tournée, à Detroit, en période de ségrégations raciales. Le propriétaire du théâtre où devait se produire Basie et son orchestre avec Lady Day, exigea d’elle, trop pâle à son goût, qu’elle se fonça le teint, sinon pas de concerts!!! Ulcérée, mais collégiale, Holiday finit par obtempérer. Ou la remarque d’un patron de club à Chicago, un certain Joe Glaser, qui lui demanda de maigrir si elle voulait un contrat ! Le sexisme dans toute sa splendeur!!!! Outre tous ces désagréments, Billie Holiday a retenue de son expérience avec Count Basie un bagage formidable, des rencontres humaines de qualité et surtout la somme de titres travaillés et qui désormais constituaient le répertoire du Count.

Au delà de ces faits, et de beaucoup d’autres narrés avec justesse, émotion, colère, drôlerie parfois, déception aussi, le lecteur découvre les multiples facettes de Billie Holiday. Ce récit nous retranscrit très bien tout cela, nous replonge au côté de cette grande dame du jazz, dans cette période sombre de l’Amérique, où la ségrégation régnait à plein, où les noirs, hommes ou femmes n’avaient que peu droit de cité, bref où la vie était un vrai enfer pour elles, pour eux. Le seul moyen d’en sortir, de se faire respecter des blancs, était de s’imposer dans le monde artistique, ici le jazz, verrouillé pourtant à l’époque par des hommes. La vie de cette diva qui n’aura vécu que 44 ans, tout en nous laissant des titres inoubliables comme bien sûr « Lady sing the Blues », » Strange fruit »(chanson créée en 1939, au Café Society à New-York, un des premiers clubs ne pratiquant pas de discrimination raciale), « I’m a fool to want you », « My man » et beaucoup d’autres, est ici contée sans détours, ni commisération, juste avec la bonne distance et le ton sincère d’une artiste qui se livre, en confiance.

Tout au long du livre, le lecteur se régale, car au delà des moments glaçants, il est rempli d’anecdotes drôles tendres, on la suit aussi dans sa carrière musicale, on est avec elle quand elle doute, quand elle retombe dans ses travers, quand elle chante. Bref c’est une belle évocation, très fidèle, qui prend parfois le lecteur aux tripes, car Billie Holiday s’avère être un personnage attachant, sensible, malgré ses fragilités, ses cicatrices de vie. Elle fait face, non sans mal, dans ce monde d’hommes qu’est le Jazz, le Business, aux musiciens, producteurs, agents, directeurs de clubs ou de casinos, bref à tous ceux qui pourraient avoir une position de pouvoir sur elle. Mais elle sait aussi reconnaître leur talent quand il est là, leur honnêteté, leur bienfaisance si elle est réelle. Reste que parfois, sa naïveté lui a joué de sacrés tours, tant sur le plan privé que professionnel. Cela l’emmenait alors vers des paradis artificiels que sont l’alcool et la drogue.

A celles, ceux qui ne connaitraient pas encore cet immense artiste, l’une des plus grandes voix du jazz du vingtième siècle, je conseille sans hésiter de lire ce livre, pour s’approcher au plus près de la légende, de la vie bien remplie loin d’avoir été un long fleuve tranquille (hé oui, Laurent et Carine, j’ai placé une belle référence cinématographique .. pour le plaisir..) de celle qui a tout subi, vécu, déboires, gloire, avant la déchéance et finir dans la misère, éloignée de tous, jusqu’à être enterrée dans un cimetière à l’écart de New-York, ville de ses triomphes. Comme si on voulait oublier l’immense artiste qu’elle a été. Comme un ultime affront. Heureusement nous reste ses disques, sa voix, en guise de patrimoine, de témoignage ultime.

Pour celles et ceux qui voudraient découvrir cet immense artiste, il existe plusieurs pistes :

CD :

-Solitude / Billie Holiday.

-Billie Holiday : Jazz blues collection / Editions Atlas.

-The centennial collection / Billie Holiday.

-Lady sing the Blues / Billie Holiday.

Livres :

-Lady in Satin : Billie Holiday, portrait d’une diva par ses intimes / Julia Blackburn (Editions Rivage Rouge, 2015).

-Vivre Cent jours en Un » / Philippe Broussard (Editions Stock, 2016).

-BD : Billie Holiday / Muñoz & Sampayo (Editions Casterman, 1991).

Bande dessinée Jazz :

-Billie Holiday / Claire Braud (Editions Nocturne). 2 cd + Bd de 16 pages.

-Lester Young & Billie Holiday / Jean-Charles Baty (Editions BD Music). 2cd + Bd de 24 pages.

-Count Basie / Michel Conversin (Editions Nocturne). 2 cd + Bd de 19 pages.

DVD :

-Billie Holiday, Lady Day / Philippe Koechlin.

-Le film « Lady sing the Blues », réalisé en 1972 par Sydney J.Furie,  avec la chanteuse Diana Ross dans le rôle titre. Elle sera nommée aux Oscars cette année-là pour l’Oscar de la meilleure actrice.

-Le film « Billie Holiday, une affaire d’Etat » de Lee Daniels, (sorti juin 2021), avec l’actrice Andra Day dans le rôle titre (nomination aux Oscars pour la meilleure actrice).

-Un dvd documentaire intitulé « Billie » de James Erskine (2020).

Guillaume.

Après Prince, Jimi, Bob et David, voici John Lennon version Jazz.


Dans la série « que valent le répertoire de vos idoles en mode jazz? », j’ai déjà ici donné mon point de vue sur les disques concernant Prince, Bob Marley ou Jimi Hendrix et plus récemment David Bowie. Voilà maintenant que c’est le tour de la légende John Lennon, ex-Beatles, devenu chantre de la paix et de l’amour dans le monde aux côtés de Yoko Ono dans les années 70’s, jusqu’à son assassinat le 8 décembre 1980, de « subir » cet assaut musical de jazzmen et jazzwomen pour réinterpréter son répertoire. Toujours à la baguette, le talentueux Lionel Eskenazi a rassemblé pour l’occasion des noms prestigieux tels que le saxophoniste-guitariste et chanteur Curtis Stigers, le chanteur anglais Joe Jackson, le guitariste et chanteur de blues Lucky Peterson (disparu en 2020), NGuyen Lê (déjà présent sur la version hommage à Jimi Hendrix), le guitariste Al di Meola, la chanteuse-pianiste brésilienne Tania Maria et le pianiste, compositeur et chanteur italien Stefano Bollani, pour les plus connus. Bref, du très lourd! Voyons maintenant ce que ça donne. L’album s’ouvre avec la voix plaintive et bluesy de Curtis Stigers qui chante un très beau « Jealous Guy ». Ça sent la douleur, la tristesse. Le tout accompagné d’un tres bon trio piano-batterie-contrebasse. Superbe. Ensuite c’est une fille, entendez « Girl » qui s’invite à nos oreilles, magnifiquement chantée par le vétéran de la pop anglaise Joe Jackson, dans un registre piano-voix que je ne lui connaissait pas. Bluffant. Après quoi les Pink Turtle (les Pink..Floyd étaient pas disponibles😉) revisitent le tube mondial « Imagine » en mode instrumental ambiance funk cool. Ça fonctionne. Retour au Blues avec l’immense et regretté Lucky Peterson qui chante l’évidence même « Yes Blues ». Un régal.

Puis arrive sans crier gare une voix féminine qui m’est inconnue, celle de Daria, qui interprète « Strawberry fields forever » avec délicatesse, souplesse vocale sur fond de musique indienne. Plaisir. A peine suis-je sorti de ce morceau que déboule un pianiste de jazz finlandais, IIro Rantala qui m’attrape et joue un « oh my love » tout en subtilité comme savent le faire les musiciens nordiques qui ont une sensibilité vraiment particulière. Ce titre figure sur l’album « My working class hero » qu’il avait composé en hommage à John Lennon en 2015. Je vais me dépêcher de découvrir sa discographie. Après cet amour en mode finlandais, Nguyen Lê, guitariste, nous trimballe en Inde pour un « Comme together » étonnant, sur lequel il laisse son expression se dérouler, ce qui donne une très belle couleur au titre. De plus il est accompagné de 3 chanteurs (2 hommes, 1 femme). L’aspect jazz-fusion du morceau le rend totalement neuf. Superbe. Un autre virtuose de la guitare succède à Nguyen Le, il s’agit de Al di Meola. Sa version de « Dear Prudence », sur des tonalités quasi flamencas, est très belle. Son jeu est fluide. On entend presque ses doigts courir sur le manche. Sorti de cet instant gracieux, revoilà Jen Chapin et le Rosetta trio, entendue sur l’opus dédié à David Bowie, elle y chantait « Starman ». Là c’est un « nobody told me » presque intimiste qu’elle interprète avec guitare, et une contrebasse. Magique. Je parlais plus de la Finlande. C’est maintenant les forêts norvégiennes que nous visitons grâce au piano de Stefano Bollani. Ça vous transporte. De là-haut j’entend la voix de la brésilienne Tania Maria qui nous dit « Imagine ».. Le tout sur un rythme de jazz cool… Ça groove en douceur, c’est juste beau.

Après ce très joli moment, un guitariste nommé Stephen Bennett (rien à voir avec Tony Bennett) nous gratifie d’un « Because » tout en touché et musicalité. Entendre ce morceau joué ainsi est vraiment spécial. Puis la voix lancinante et timbrée de Muriel Zoe, chanteuse allemande néée à..Hambourg (ville où les Beatles ont joué à leurs débuts hors Angleterre) donne à entendre une version toute en retenue du classique « A hard day’s night ». « Nowhere man » qui suit est joué sur un rythme très cool, de presque fin de jour, ou fin de nuit, selon votre humeur d’écoute, par un duo de jazzmen allemands, les frères Roman (piano) et Julian (trompette) Wasserfuhr. Une belle découverte. Un « Beautiful Boy » est ensuite appelé, sussuré devrais-je plutôt dire ici par la chanteuse Laura Crema. Une chanson en mode jazz cool. Avec un piano qui dialogue avec le chant de belle manière. Pour vraiment terminer ce bel hommage à John Lennon, place à un instrumental, qui parfois nous emmène dans les étoiles. Ici c’est carrément un voyage « Across the Universe » qui est suggéré par le piano aérien de Bill Anschell. Comme un dernier salut à l’artiste, mais aussi à l’ange bienveillant que se voulait être John Lennon vis à vis de ses condisciples humains.

Guillaume.

David Bowie version Jazz, qui l’eût crû ?


Après Prince, Bob Marley, et Jimi Hendrix, dont les répertoires musicaux en version jazz ont déjà été évoqués ici, voici donc venu le tour du grand David Bowie d’être passé à la moulinette de ce genre musical. Lui, enfin surtout son répertoire. Pour cela, Lionel Eskenazi, qui chapeaute chacun de ces projets, a réuni une belle brochette de talents. Jugez plutôt : le pianiste Bojan Z, le trompettiste Eric Le Lann, le guitariste Pierre Jean Gaucher, ou encore les chanteuses Laîla Biali, Cinzia Bavelloni, la française Keren Ann, parmi beaucoup d’autres. Cet album, « David Bowie In Jazz » est sorti en 2020.

Cet hommage au dandy anglais démarre par une superbe version du tube « Let’s dance ». Ça commence par une intro voix-contrebasse, puis le piano, les claviers s’installent très vite et tout s’emballe. La voix souple et chaleureuse de Laila Biali, chanteuse canadienne qui a travaillé avec Sting, et l’ambiance installée, forment une très belle entrée en matière. Nul doute que Thin White Duke eut apprécié cette version. Dans la lignée, c’est une autre chanteuse qui prend la suite, Cinzia Bavelloni. Elle s’attaque à « Lady Stardust », sur un mode smooth jazz des plus agréables à écouter. La trompette qui prend le solo (dommage que nous n’ayons pas le détail des accompagnateurs…), puis le xylophone nous transporte vers un rivage qu’on imagine calme et paisible. Bojan Z (Zulfikarpasic de son vrai nom), que j’avais découvert à l’Européen à Paris voilà 15ans, revisite en mode trio le classique « Ashes to Ashes ». Le résultat, subtil, est très beau. Bojan Z y met toute sa musicalité.

Vient ensuite une chanson écrite en hommage à Andy Warhol, ici interprétée par la chanteuse Caecilie Norby, soutenu par un trio de haute qualité. Sa voix se promène sans souci, se faisant transmetteuse de l’administration éprouvée par Bowie envers Warhol. On enchaîne ensuite avec « The Jean Genie », chanson maintes fois reprise, ici jouée façon blues avec guitare dobro et harmonica par le groupe Yelloworld, spécialiste des reprises de David Bowie. Très belle version. Puis le trompettiste Eric Le Lann, accompagné d’un solide trio, revisite « Lire on Mars ? », chanson qui résonne étrangement à l’heure des explorations de la planète rouge, de son sol, son atmosphère, en vue de futurs voyages. Mais revenons à la musique. La trompette de Le Lann joue comme chantait Bowie, dans une forme de complainte. C’est très réussi. « The man who sold the world », ici pris en voix par Miriam Aida, est joué sur un rythme flamenco et chanté en mode jazz. Le mariage des 2 vaut l’écoute. Puis arrive l’un des titres phares de la carrière de Bowie, « Space Oddity », qui démarre par ces fameux mots « Ground Control To Major Tom ». S’il est difficile, là plus que sur les autres titres déjà évoqués, de ne pas « entendre » la voix de Bowie quand la chanteuse Grazzia Giu se coltine ce titre, elle s’en sort plus que bien, remplaçant le côté dramatique initial voulu par Bowie, par une longue plainte, une douleur retenue, sentiment renforcé par cette voix qui tient sur un fil, en équilibre, celui de la vie. Superbe. S’en vient ensuite « Aladdin Sane » ici joliment rendu par le talentueux guitariste Pierre-Jean Gaucher dans une version mi jazz cool mi jazz fusion. Federica Zammarchi offre une version « club de de jazz » de « Lady grinning soul ». La voix est là, tout est en place, mais aucune émotion ne sort de cette interprétation. Gâchis. Tout l’inverse avec Jen Chapin et le Rosetta trio sur « Starman », c’est enlevé, léger, la voix est appliquée sans trop appuyer, le timbre légèrement aiguë ajoute une petite touche très agréable à ce morceau virevoltant. Puis on tombe sur une interprétation déroutante de « Heroes », par le Delta Saxophone Quartet. C’est lent, presque méconnaissable. Déroutant au possible. Heureusement arrivent les Yelloworld, spécialistes ès Bowie. Ils nous embarquent pour un « Moonage daydream » de haute tenue. Le voyage musical est réussi. Tiens revoilà Cinzia Bavelloni, sur un fond de trio jazz très swinguant, avec « DJ ». On se croirait transporté dans les 30’s.

Après avoir eu droit à la superbe version vocale par Grazzia Giu, c’est maintenant Franck Wolf, pianiste, qui nous donne son interprétation de « Space Oddity ». Tout en subtilité, en douceur. Le groupe vocal Puppini Sisters revisite « Changes » en y donnant un aspect swing assez ravissant. Pour terminer cet hommage au génial David Bowie, c’est Mike Garson  qui se colle à la tâche. Le pianiste s’amuse et ça se sent en revisitant le célébrissime « Let’s dance », déjà  chanté en ouverture du disque par Laîla Biali.

Enfin en bonus track, la belle voix de Keren Ann chante « Life on Mars » dans une orchestration à cordes superbe. De quoi très bien terminer ce bel opus qui rend hommage au talent de chanteur-compositeur-interprète de David Bowie. Quoiqu’il en soit, le résultat est bluffant par moment, surprenant à d’autres, déroutant aussi, mais la qualité des interprètes donne à ce projet une densité que n’aurait sans doute pas renié David Bowie.

Guillaume.

 

Blue Oyster Cult, toujours vivant.


Depuis 1967 (très bonne année!), année de sa création, le groupe américain Blue Oÿster Cult, qui évolue dans un style musical allant du hard-rock au rock progressif, au métal, n’a eu de cesse de se renouveler, de se réinventer autant que possible à travers les décennies, toujours dans la perspective de plaire à son public et bien sûr d’en attirer de nouveau. En 1994, le groupe publie « Cult Classic« , qui regroupe un certain nombre de titres phares de leur répertoire depuis toutes ses années d’existence. C’est d’ailleurs sur l’un d’entre eux que s’ouvre « Cult Classic ». En effet, « Don’t Fear the Reaper » a été, à l’époque de sa sortie, un vrai tube du groupe, tout comme « Godzilla », « Burnin’ for You ». Sur cet album best-of qui date donc de 1994, figure d’autres morceaux remarquables comme « E.T.I », « Astronomy », « Flaming telepaths », tous joués dans un style hard-rock ou rock progressif très maitrisé. Les orchestrations sont très belles, et la voix d’Eric Bloom, soutenue par les choeurs, fait merveille. Cela donne un hard-rock chatoyant, mélodique, aéré, totalement dans l’air de ce qui se faisait au début des 70’s, avant la double tornade venue d’Angleterre Led Zeppelin-Deep Purple. Mais là franchement, c’est un plaisir de se replonger dans leur musique. Tous les morceaux sont de haute tenue, rien ne vient perturber l’écoute ni la qualité de ce disque. Un titre comme « Cities on flame with rock’n’roll », qui figurait sur le premier album du groupe sorti en 1972, ne prend pas une ride. Incisif, guitares rageuses, voix bien placée, et ce son imuable des années 70, avec des micros parfois trop éloignés des instruments comme pour les batteries, par exemple, et une légère saturation toujours présente.. mais c’était le bon temps. Les titres qui suivent, « Harvester of eyes », « Buck’s boogie », et les deux reprises de « Don’t fear the reaper » et « Godzilla » permettent à l’auditeur qui découvrirait ce groupe de confirmer que Blue Oyster Cult est groupe à ne pas louper, et qui, s’il vient à passer un jour prochain sur une scène parisienne, vaudra assurément le détour.

Si le groupe a forgé sa solide réputation dans les années 70’s, en tournant dès 1972, après la parution de leur premier album « Blue Oÿster Cult », avec qui connaitra un joli succès populaire, avec des groupes commes Mahavishnu Orchestra, Alice Cooper ou encore lThe Byrds, c’est l’arrivée au début des années 80’s de la chaine musicale MTV en 1981, véritable robinet à clips vidéos, qui a bouleversé la donne et permis à B.O.C. de développer encore davantage son audience auprès du public.

En 1973, le groupe sort un album magistral « Tyranny and Mutation ». Sur ce disque, figurent des titres comme « The Red and the Black » ou la collaboration avec Patti Smith, « Baby Ice Dog ». Un très bon album que je conseille à celles et ceux qui voudraient découvrir le groupe à cette époque-là.. L’année suivante,

Après cette période, notamment marquée par un album live « Extraterrestrial Live! (1982) et deux albums studios que je considère comme moyens, à savoir « Club Ninja » (1985) et « Imaginos »(1988), ce qui engendrera une période de déclin inévitable, le groupe va reprendre du poil de la bête avec les 3 albums qui ont suivi « Cult Classic », à savoir « Heaven Forbid »(1998), le très réussi « Curse of hidden mirror » (2001), et enfin l’an dernier avec « The symbol remains ».

Il faut noter que la formation la plus emblématique de B.O.C., celle qui a enregistré le plus de disques ensemble, fut composée de Donald « Buck Dharma »Roeser (guitare, chant), Eric Bloom (chant), Allan Lanier (claviers, guitare rythmique, choeurs), Joe Bouchard (basse, choeurs), Albert Bouchard ( batterie, percussions, choeurs). Mais au cours des années, des noms du hard-rock comme le batteur Bobby Rondinelli (membre de Rainbow, Doro, Quiet Riot, Black Sabbath) ou le bassiste Rudy Sarzo (qui a joué au sein des groupes Whitesnake, Quiet Riot, aux côtés d’Ozzy Osbourne, de Ronnie James Dio ou encore avec le groupe américain de métal progressif Queensrÿche époque Geoff Tate) ont fait partie du groupe à une époque. Il en fut de même pour le grand batteur Jimmy Wilcox, qui rejoint le groupe pour terminer l’album « Ninja », en 1985. C’est dire la popularité de B.O.C.

Dans les années 2000, plusieurs avatars perturbent la vie du groupe. Au milieu d’incessants reports de tournées, départs du groupe (Allan Lanier, Rudy Sarzo), la sortie d’un album solo de Joe Bouchard en 2013, le décès du producteur Sandy Pearlman en 2016, la maison de disques Sony Legacy avait sorti en 2012 un coffret de 17 cd, sobrement appelé « The Complete Columbia Albums Collection », qui rassemblait les versions remasterisées de « On your feet or on your knees », « Mirrors », « Cultosaurus Erectus », « Fire of unknown origin », « Extraterrestrial Live! », « The Revolution by Night », « Club Ninja », « Imaginos ». Un joli résumé de la carrière de ce grand groupe.

Mais le « Cult Classic » dont je vous ai parlé peut déjà vous mettre l’eau à la bouche.

Guillaume.

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