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Charlie Watts, métronome des Rolling Stones, ne battra plus la mesure.


C’est une bien triste nouvelle qui est tombée en ce soir du 24 août 2021. En effet, Charlie Watts, membre et batteur des Rolling Stones depuis 1963, est décédé à l’âge de 80 ans à Londres. Malade, il avait refusé de repartir en tournée américaine avec son groupe de toujours ces derniers mois. Amateur patenté de jazz, mais aussi de dessin (il réalisera quelques pochettes d’albums des Stones), il a toujours été là, présent, traînant sa grande silhouette et son visage anguleux et énigmatique derrière les deux joyeux lurons que sont Mick Jagger et Keith Richards

Sur disque comme sur scène, il agissait en véritable maître du temps, du tempo. C’est d’ailleurs sur lui que se reposait, se calait le virevoltant Mick Jagger. J’en ai eu la preuve à deux reprises. La première fois, en 1995, à l’Olympia, dans une salle chauffée à blanc, qui voyait arriver Darryl Jones à la basse en lieu et place de Bill Wyman. Watts, installé derrière sa batterie, donnera ce soir-là un récital de justesse, de précision. Un régal. La deuxième fois, c’était à l’automne 2017, pour l’inauguration l’Arena de Nanterre, plus grande salle couverte d’Europe (40.000 places). Les Rolling Stones faisaient l’ouverture . 2h15 de show, un Jagger déchaîné, un Richards cabot mais en forme, Ron Wood appliqué dans ses rythmiques et pendant que Darryl Jones faisait le boulot à la basse, Charlie Watts, lui, assurait imperturbable, le rythme du groupe, telle une horloge de précision, sans jamais ou presque pourtant montrer un rictus de plaisir. Concentration maximum. Pour leur retour les Pierres qui Roulent avalent frappé fort, malgré le son parfois difficile de la salle.

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Avant d’intégrer le groupe en 1963, Charlie Watts avait mené une carrière de descinateur publicitaire, jusqu’à sa rencontre avec Brian Jones, alors chanteur et guitariste des Rolling Stones, en 1962.  A la suite du décès de Jones, c’est donc Mick Jagger qui reprendra le micro, pour ne plus jamais le lâcher. Watts, depuis son entrée au sein du groupe a participé à tous les albums studios, de même qu’aux multiples tournées de plus en plus rentables et attirant sans cesse un public toujours plus nombreux au fil des décennies. Mais je me souviens d’une de ses déclarations lors d’une interview dans les années 90 je crois, au cours de laquelle il disait que « jouer avec les Rolling Stones était une récréation, mon vrai métier étant musicien de jazz ». Incroyable mais vrai. Dans un entretien accordé au magazine Télérama en 1998, à l’occasion de la sortie de l’album live « No security », il évoque nombre de sujets comme sa  vie au sein des Stones, la relation Jagger-Richards « Tant qu’ils seront ensemble, les Stones existeront », la popularité lors des présentations sur scène « C’est un immense compliment » disait-il, le peu de souvenir de son premier concert avec les Stones au Flamingo Jazz Club de Londres, en janvier 1963, mais garde un « merveilleux souvenir » de sa première tournée avec Bo Diddley, Les Everly Brothers, Little Richard. Il raconte également devoir à Alexis Korner, rencontré dans les années 60, son entrée dans la musique via le groupe Blues Incorporated. Charlie Watts n’avait à cette époque jamais écouté, entendu de blues (qu’il assimilait à la tristesse de Charlie Parker), aussi le son d’un harmonica fut pour une révélation. Viendra donc ensuite sa rencontre avec Brian Jones, au sein de ce groupe, puis les rencontres avec Mick Jagger et Keith Richards, ce dernier venant voir son pote chanter sur scène. Au sein de ce groupe protéiforme, à l’époque, on croise aussi Jack Bruce (contrebasse) et Ginger Baker (batterie), deux futurs membres de Cream (avec Eric Clapton).

Charlie Watts disait ne conserver qu’un vague souvenir des années 60-70, ce qui signifie qu’il n’a sans doute pas apprécié cette période de multiples expériences, en tous genres, auxquelles n’ont pas échappé ses camarades de jeu. Lui le discret, semblait peu goûter le barnum des stades, qu’il comparait à des « jeux du cirque », leur préférant cent fois l’intimité d’un club de jazz ou d’une petite salle de rock. la proximité, C’était son plaisir. l’échange, le partage. De la précédente tournée stonienne, en 2017, il ne gardait que le souvenir des personnes lui indiquant quoi faire ou bien où se rendre. Lassant. Lassé. et sans doute déjà atteint par la maladie qui le rongeait de l’intérieur.

Lui le jazzman d’origine, Il n’aura pourtant que peu eu l’occasion de faire son vrai métier puisqu’il n’a enregistré que de rares albums de jazz, entre deux tournées et albums des Stones. Lui qui se rêvait en musicien de jazz, ayant eu comme idole le batteur Kenny Clarke, avec l’envie de jouer aux cotés des plus grands maîtres du jazz. Il a donc enregistré des albums de jazz tout au long de sa carrière, comme par exemple « Vol pour Sydney » en 1986, avec des participants comme Evan Parker, Elvin Jones, Michel Doneda, Taj Mahal, excusez du peu! … ou celui consacré à Charlie Parker en 1992 « Tribute to Charlie Parker with strings », puis avec Jim Keltner Project  (photo ci-dessous) en 2000. Jim Keltner ayant notamment participé aux deux albums des Travelling Wilburys (super groupe composé de Jeff Lynne, Bob Dylan, Tom Petty, Roy Orbison, George Harrison), tout comme il joué aussi sur l’album solo de Mick Jagger « Wandering Spirit » en 1993, et sur Bridges to Babylon » des Rolling Stones en 1997 entre beaucoup d’autres. Charlie Watts lui, En 2004,  avec son Tentet Watts, enregistre un album de reprises jazz de Miles Davis et Duke Ellington, qui contient aussi version revisitée de « Satisfaction », enfin celui avec le Danish Radio Big Band en 2017.

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Loin des exubérances de Jagger, Richards et Wood, pendant que Wyman se cantonnait au rôle de mémoire de l’histoire du groupe vu de l’intérieur, Charlie Watts  était lui le membre le plus flegmatique, discret, secret des Rolling Stones. Il n’en a pas moins été le socle, la pierre fondamentale, sans laquelle, pendant plus de 60 ans, ce groupe mythique n’aurait pas tenu la dragée haute, malgré les changements (après le départ de Bill Wyman en 1993 notamment remplacé par le talentueux Darryl Jones), car il était le véritable métronome du groupe, permettant aux autres de se reposer, se caler sur lui. Charlie Watts avait pour habitude de jouer sur un kit de batterie ridiculement petit par rapport aux standards devenus habituels chez ses confrères du rock ou du jazz. Ca ne l’empêchait pas de jouer de façon fine et précise, ou de marteler quand il fallait. Son style, sa sonorité de frappe resteront uniques. Il n’est qu’à écouter les albums des Rolling Stones ou ses disques solo pour s’en convaincre.

Il va désormais reposer au paradis des batteurs, pouvoir discuter avec Kenny Clarke, Alvin Jones, Ginger Baker, John Bonham. Nul doute qu’il sera bien accueilli. Je vous laisse avec une sélection de morceaux, des Rolling Stones bien sûr, mais aussi de sa période jazz. Savourez.

Guillaume.

Bertrand Tavernier, le cinéma chevillé au corps.


Né à Lyon en 1941, Bertrand Tavernier, est le fils d’un romancier et résistant, qui protégea notamment Elsa Triolet et Louis Aragon pendant la seconde guerre mondiale. Il optera très vite pour la voie du cinéma, sa véritable passion., découverte à l’occasion d’un séjour dans un sanatorium pour soigner une tuberculose. Il a alors 12 ans. Plus tard, après des études de droits à la Fac, où il fondera un journal spécialisé dans le cinéma (« L’Etrave »), il monte un ciné-club, pour y mettre en avant des films de genres du cinéma hollywoodien . Ainsi y verra-t-on westerns, films noirs ou encore comédies musicales.. Il a connu mille vies avant de passer lui-même derrière la caméra et réaliser ses propres films. Ainsi fut-il assistant-réalisateur, puis attaché de presse du grand Stanley Kubrick (Spartacus, Les Sentiers de la Gloire-deux films avec Kirk Douglas-, Orange Mécanique, 2001 l’Odysée de l’Espace…), avec qui il travaillera pendant 10 ans (1964-1974) notamment sur deux films précités, « 2001, l’Odyssé de l’Espace » (1968), « Orange Mécanique(1971) avec Malcom Mc Dowell, Patrick Magee et « Barry Lyndon » (1975), avec Ryan O’Neal et Marysa Berenson. Il cessera sa collaboration avec Kubrick en lui adressant le mot suivant : « Comme artiste, vous êtes génial, comme patron vous êtes un imbécile ». Péremptoire et définitif. Avant cela, il avait fait ses armes auprès du grand Jean-Pierre Melville sur le tournage de « Léon Morin Prêtre » (1961), avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle principal. En 1965, il se retrouve à travailler aux côté de Jean-Luc Godard, qui tourne « Pierrot Le Fou », avec toujours Jean-Paul Belmondo, mais aussi Anna Karina, Jean-Pierre Léaud.

Dans les années 60, cet amoureux du cinéma américain va profiter de ses collaborations à des revues de critiques cinématographiques pour mettre en avant les réalisateurs américains qu’il affectionne, tels Raoul Walsh (« La Piste des géants », 1930- « Une corde pour te pendre », 1951), John Ford(« Le fils du désert », 1948 ; « La prisonnière du désert », 1956″; « La Conquête de l’Ouest » 1962 ; L’Homme qui tua Liberty Valence », 1962 ) John Huston (« Faucon Maltais », 1941 ; « Key Largo », 1948 ; « Quand la ville dort », 1950 ; « Les désaxés », 1961 ; « A nous la Victoire »,1981) ; ou encore Budd Botticher (« Les rois du rodéo », 1952 ; « La cité sous la mer », 1953 ; « Sept hommes à abattre », 1956 ; « La chute d’un caïd », 1960).

Il fonde aussi un ciné-club, le Nickel Club, pour y diffuser westerns, polars et comédies musicales. A la fin des années 60, quand survient le mouvement social de mai 68 en France mais aussi ailleurs dans le monde Bertrand Tavernier choisit de ne pas s’adjoindre aux réalisateurs français qui boycottent le festival de Cannes, veulent instaurer une « nouvelle vague » et de fait ringardiser le cinéma d’avant, les auteurs et scénaristes d’avant. Son choix fort en ce sens, sera d’ailleurs d’aller chercher le scénariste Jean Aurenche, lorsqu’il commencera à réaliser ses propres films. Ce scénariste-dialoguiste, qui a prêté son talent pour des films comme « Le diable au corps » de Claude Autant-Lara (1947), « La Traversée de Paris » (1956, et son inoubliable trio Gabin-Bourvil-De Funès), le nom moins fameux « Notre-Dame de Paris » (1956, avec Anthonny Quinn et Gina Lolobrigida), a donc travaillé avec Bertrand Tavernier sur plusieurs de ses films dont il a écrit les scénarii : « L’horloger de Sain-Paul (1974), « Que la fête commence » (1975), « Le juge et l’assassin » (1976). Il obtiendra d’ailleurs les césars du meilleur scénario en 1976 et 1977, pour « Que la Fête commence » et « Le juge et l’assassin »(face à face Noiret-Galabru). Il récidivera en 1982 pour le fameux « Coup de torchon », film avec Philippe Noiret, Jean-Pierre Marielle, Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Eddy Mitchell, Guy Marchand… C’est dire la qualité du bonhomme avec le quel travaille Tavernier.

Bertrand Tavernier, réalisateur, était un vrai conteur, un passionné de l’humain, de l’histoire avec un grand H, c’est pourquoi tout au long de sa riche carrière il ne s’est interdit aucun genre cinématographique ou presque. Ainsi il a exploré le polar ( « L.627 » ; « L’Appât » ), le film historique avec « Capitaine Conan » et « La vie et rien d’autre » ayant comme toile de fond la guerre de 14-18, « La guerre sans nom » en 1992, ayant pour thème la guerre d’Algérie, les films d’époque, La fille de D’Artagnan » (19994) et « La princesse de Montpensier »(2010), le film politique avec « Quai d’Orsay » (2013), le genre musical aussi puisqu’il est fan de jazz et il a rendu hommage superbement à Charlie Parker, dans le film « Autour de minuit » (1986) en offrant le rôle au saxophoniste Dexter Gordon, avec à ses côtés François Cluzet. Vient aussi le colonialisme avec « Coup de torchon » (1981), le tueur en série avec « Le juge et l’assassin » (1976). Il va également aussi tourner à l’étranger, à l’occasion de l’un de ses films les plus réussis à mes yeux, « Dans la brume électrique » véritable polar mené dans le sud des Etats-Unis, avec le grand Tommy Lee Jones dans le rôle titre. On y voit même le légendaire guitariste de blues Buddy Guy jouer lors d’une séquence.

Tout au long de sa carrière, Bertrand Tavernier, infatigable passionné du cinéma américain et français, n’a donc cessé de communiquer son amour pour le 7ème Art, les vieux films, le patrimoine. C’était un transmetteur, un conteur, à la manière d’un Jean-Claude Carrière ou encore différemment, d’un Jean-Loup Dabadie. Il a dirigé devant sa caméra nombre de comédiens et comédiennes français(es) ou américains. Outre son acteur Philippe Noiret ( cinq films ensembles), Isabelle Huppert (3), il y a eu Jean-Pierre Marielle (« Coup de torchon »), Sabine Azéma (« La vie et rien d’autre »), Stéphane Audran (« Coup de torchon »), Michel Galabru (« Le juge et l’assassin », Philippe Torreton (« Capitaine Conan »), Didier Bezace (« L.627″), Gaspard Ulliel (La Princesse de Montpensier »), Sophie Marceau, Claude Rich, Samy Frey (La fille de D’Artagnan), Marie Gillain, Bruno Putzulu, Richard Berry (L’Appât), Niels Arestrup, Thierry Lhermitte (« Quai d’Orsay »), Tommy Lee Jones, John Goodman (« Dans la brume électrique »).

Bertrand Tavernier était autant une figure qu’une voix du cinéma français. Il ne manquait pas une occasion de prendre position pour défendre sa profession lorsque celle-ci était mise à mal par celles et ceux qui gouvernent, quelle que soit l’époque. Il était connu et reconnu à l’étranger, ses films étant régulièrement primés, depuis 40 ans, dans les plus festivals tels que la Mostra de Venise, la Berlinale, mais aussi à San Sébastian, aux BAFTA britanniques, ou en France au Festival de Cannes et lors de la cérémonie des Césars. Il avait reçu le prix Louis Delluc en 1973 pour son film « l’Horloger de Saint-Paul ». Au sujet de ce film, une anecdote, un horloger installé dans le quartier de Saint-Paul à Lyon avait sollicité Bertrand Tavernier pour lui demander l’autorisation d’appeler son magasin « L’Horloger de Saint-Paul », en hommage au film du réalisateur. Touché par la démarche, Tavernier avait accepté. C’est dire la qualité de l’homme. En 2015, il avait été honoré d’un lion d’Or pour l’ensemble de sa carrière. Preuve ultime de la reconnaissance de ses paires hors des frontières françaises.

Lui qui avait le cinéma chevillé au corps, à l’âme, Il laisse une filmographie dense, de qualité, et riche en sujets traités. Un réalisateur à (re)découvrir.

Guillaume.

Chick Corea, légende du jazz, laisse son piano muet.


Ce vendredi 12 février 2021, la nouvelle est tombée. sèchement. Totalement inattendue. Elle annonçait au monde entier la disparition brutale d’une légende du jazz, emporté par le cancer, trois jours plus tôt. Chick Corea, 79 ans, ne nous régalera plus de son talent. Son allure juvénile, son regard espiègle cachée derrière d’éternelles lunettes, ne déambulera plus dans les salles de concerts ou sur les scènes des festivals de jazz du monde entier. Ses mains magiques ne parcouront plus les claviers de piano.

Lui qui pendant près de 60 ans se consacra au piano, au jazz, laisse une oeuvre immense, enregistrée entre 1968 et la sortie de « Tones for Joan’s Bones« , et « Trilogy 2 » sorti en 2019, soit plus de 90 albums, studios et live confondus, et des collaborations variées. Retour sur une carrière magistrale.

Son père trompettiste dans un orchestre dixieland, pendant les années 30 et 40, va mettre le petit Armand Anthony dit « Chick » au piano dès ses 4 ans révolus. Le gamin semble doué et apprécie ce que son père lui fait écouter découvrir : ke trompettiste Dizzy Gillespie (photo du dessous), les saxophonistes Charlie Parker (deuxième photo ci-dessous) et Lester Young, les pianistes Bud Powell et Horace Silver. Un socle de solides références pour appréhender la musique jazz, qui ça occuper toute sa vie. A 8 ans, il délaisse un temps le piano pour la batterie. Le temps d’en apprendre les rythmiques et l’aspect percussions, qui vont plus tard influencer sa manière de jouer du piano, instrument qu’il retrouve très vite pour ne plus le lâcher de toute sa carrière.

Après avoir entamé des études à New-York en 1959, il se rend un soir au fameux club de jazz « Birdland » et là c’est le choc, la révélation. Il assiste à un concert regroupant Miles Davis et John Coltrane qui jouent notamment une reprise de la chanson « Les feuilles mortes », immortalisée en France par Yves Montand. Il decide de facto de stopper ses études pour se lancer dans la musique. Son premier album sort en 1968 sous le titre « Tones for Joan’s bones », suivi la même année de « Now he sings now he sobs », enregistré avec le batteur Roy Haynes et contrebassiste Miroslav Vitous. Mais avant d’enregistrer ses 2 premiers albums, Chick Corea fera ses armes sous la direction du génial et fantasque Cab Calloway  mais aussi en côtoyant les musiciens de jazz latin comme Herbie Mann ou le percussionniste Mongo Santamaria.

Avant la décade 70 qui s’annonce, il va en 1968, remplacer Hetbie Hancock au sein du groupe de Miles Davis (photo ci-dessous). Ainsi participera t-il aux enregistrements de « Files de Kilimandjaro », « In a silent way », « Bitches Brew » au cours desquels il expérimentera des pianos électriques, des sons nouveaux pour l’époque. Il restera avec Miles Davis jusqu’en 1970, y côtoiera Keith Jarrett,  autre virtuose du piano. Dans les années 70, apres un passage par le free jazz avec le groupe Circle, il fonde en 1971 le groupe Return to Forever, dont le fond musical est un retour au jazz-rock, jazz-fusion. Il s’inscrit ainsi dans ce nouveau courant né quelques années auparavant. Ce groupe, qui existera jusqu’en 1977, aura deux formations dont les piliers seront Chick Corea et le contrebassiste Stanley Clarke.

S’il est un homme de groupe, Chick Corea ne se refuse pas à des projets solo et il existe plusieurs traces, à l’égal d’un Keith Jarrett, d’enregistrements solos du génie américain. Je citerai « piano impro »(1971), »piano impro 2″(1972), « Solo piano-Originals »(2000), « Solo piano-Standards » (2000), enfin « Solo piano-Portraits »(2014). 

Chick Corea maîtrisait aussi pleinement l’art de l’improvisation. D’ailleurs  il aimait à dire souvent que avant d’entrer sur scène, lors de concerts solo, il ne savait pas forcément ce qu’il allait jouer.  Cela, j’ai eu la chance de l’observer un soir d’août 2014 au festival de jazz de Marciac. La soirée s’annonçait belle. Chapiteau rempli de 6000 spectateurs venu admirer quatre virtuoses du jazz. En deux duos, le premier composé de Chick Corea et de son complice Stanley Clarke, puis en deuxième partie, Hetbie Hancock et Wayne Shorter. Plateau exceptionnel !
Donc, en premier, celui qui nous interesse ici, le duo Corea-Clarke. Les deux hommes, 70 ans passés, affichent belle santé. Corea s’installe à son.piano, Clarke enlace sa contrebasse. Démarre alors un dialogue musical tout en improvisation et question-réponse de très haut niveau.  Corea est dans un grand soir, ses mains virevoltent sur le clavier de son piano, il sourit, jette à peine un oeil à Clarke qui le suit , le précède ou le rattrape au gré des improvisations. Magistral! Bien sûr,  les deux compères nous gratifieront de morceaux de l’époque Return To Forever,  et Stanley Clarke jouera même une adaptation de « Waltz for Debbie » dédiée à sa femme. Un moment sublime de virtuosité,  d’émotion, sous le regard admiratif autant qu’amical de Chick Corea.
Une heure quinze durant, les deux compères musiciens avaient régalé l’auditoire par leur talent, leur générosité, leur complicité musicale nourrie de tant d’années à jouer ensemble. Je me rappelle être sorti de cette soirée chamboulé par ce que j’avais vu, entendu. Un de mes grands souvenirs de concerts.

Tout au long de sa carrière,  Chick Corea a multiplié les rencontres et les concerts avec de très grands musiciens de jazz.  Hormis ceux déjà cités, on peut noter les guitaristes Pat Metheny,  Paco de Lucia, John Mac Laughlin, Mike Stern, le batteur Steve Gadd, le percussionniste Vinnie Colaiuta, le saxophoniste Michael Brecker, le contrebassiste Avishai Cohen et j’en oublie…tellement la liste est longue. Il était curieux, voulait rencontrer, découvrir de nouveaux musiciens, explorer de nouvelles formes de composition musicale.

Si Chick Corea a consacré l’essentiel de sa vie et de sa carrière au jazz, à l’écriture, il a également, mais de manière moindre joué des morceaux du répertoire classique, sans jamais y consacrer de disque entier.

Chick Corea laisse un vide immense dans le monde du jazz, mais sa musique, son talent, sa maîtrise technique de l’instrument, resteront gravés sur tous les disques qu’il a enregistré entre 1968 et 2019. Une trace indélébile. Un témoignage sublime d’un talent hors norme d’un.musicien qui aura marqué la deuxième partie du vingtième siècle et le début du vingt-et-uniéme.

Merci pour tout Chick Corea.

Je vous laisse avec une sélection de morceaux enregistrés, joués par ce virtuose.
Par ailleurs, quelques-une de ses albums sont à retrouver à la médiathèque :
Innée Space ; The Musician ; Improvisations childrens ; Two ; The Enchantement  ; Chinese butterfly  ; Forever  ; Children of Forever.

Guillaume.

https://www.youtube.com/playlist?list=PLwaqz1wV9_eWnkQtWjMHet9hHH-fsoNSS
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