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Lucia D, musicienne de Fontenay.

Certains jours, la vie réserve des surprises. Venue nous déposer elle-même son premier album, Lucia Dorlet alias Lucia D est une musicienne fontenaysienne, guitariste-chanteuse en l’occurence. « Amiam« , titre de son premier opus musical, est enregistré en formation restreinte, puisque ne dépassant pas trois musiciens maximum. Elle y est en effet accompagnée de Léonce Langlois Favier au piano, et Julien Guerouet aux choeurs.

« Amiam » est donc composé de 7 titres, le premier étant « mes poèmes », le dernier « Sous mille feux ». Ce qui frappe d’entrée, outre la voix douce et légère de Lucia (photo ci-dessus), parfois même haut perchée, c’est la qualité d’écriture des textes pour décrire un ressenti, un amour perdu (« Amiam »). Dans « Fontenay-sous-Bois », elle évoque avec nostalgie ces souvenirs d’un temps passé dans notre ville, sur fond de piano. « Better days », seul titre chanté en anglais de l’album, soutenu de sa seule guitare acoustique, démarre doucement puis s’emballe un peu avec l’arrivée du piano et des choeurs. De quoi donner un peu d’épaisseur au morceau. « Ibrahim », raconte encore un amour, mais pour le cas, en plusieurs langues, français, espagnol, arabe, et avec un piano certes présent mais sans en faire trop. « Claire », une belle ode à sa soeur. Là encore l’écriture est très soignée, précise, presque littéraire. Pour finir ce premier mini album de 7 titres, Lucia D nous offre « Sous mille feux ». Une chanson sur un amour renaissant de ses cendres. Le piano se fait lyrique, superbe. L’ensemble de « Amiam » est agréable à l’écoute mais je ne peux m’empêcher de penser que la présence d’une basse ou contrebasse, voire parfois d’une guitare électrique, pourraient donner plus de densité à ce répertoire tout en gardant son aspect intimiste. Si cette jeune artiste se produit non loin de chez vous, poussez la curiosité, n’hésitez pas à la découvrir sur scène. Nul doute que vous passerez un joli moment.
Guillaume.
Sélène Saint-Aimé entre dans la danse.

« Mare Undarum » est le premier opus que concocte, pour notre plus grand plaisir d’auditeurs-trices mélomanes la contrebassiste-chanteuse française Sélène Sain-Aimé. Si à l’origine, Sélène se prédestinait davantage au chant qu’à la contrebasse, lorsqu’elle vit Avishai Cohen, elle a eu comme une révélation, au festival de jazz de Sannois, alors qu’elle y travaille en tant que bénévole. C’est l’occasion de la découverte du jazz. Donc, désormais la contrebasse qui aura ses faveurs. D’autant que selon elle, cet instrument pourtant massif, offre la possibilité de jouer très rapidement en groupe, que ce soit en duo, trio ou plus. détestant les étiquettes, elle refuse obstinément, et je trouve qu’elle a cent fois raison d’être comparée à la contrebassiste américaine Esperanza Spalding. Chacune possède une démarche, un univers bien distinct. Spalding navigue depuis près de dix ans dans le monde du jazz, Sélène Saint-Aimé y débarque discographiquement, bien qu’ayant déjà bénéficié de collaborations prestigieuses telles que celles de Ron Carter ou Steve Coleman, qu’elle avait rencontré à Montreuil, en région parisienne, lors d’une master class, avant de le suivre à New-York et de bénéficier de ses conseils avisés, de sa rigueur, de son approche musicale.

Cette musicienne curieuse de sonorités diverses, s’envolera pour Cuba, le Maroc ou la Martinique, terre de ses racines, sans oublier quelques incursions en terrain classique avec des adaptations de Villa-Lobos ou Moussorgsky. Et le « Mare Undarum » est le résultat de ces voyages, de ces nourritures sonores ingurgitées, digérées patiemment, tranquillement. Mais justement arrêtons-nous dessus.
C’est justement « Mare undarum, part.1 » qui ouvre l’album. Ce qui frappe d’entrée l’auditeur est l’aspect free, un brin éclaté du morceau, avec d’abord la voix puis la contrebasse et ensuite le reste des instruments qui s’insèrent, conférant une ambiance des plus étranges. « Feuillée et Beer » est sur cette même lancée, cependant ici Sélène Saint-Aimé nous convie à un dialogue entre la voix et la contrebasse. Avec « Paene Umbra : Chez Rosa B. », la contrebassiste laisse parler son imposant instrument. Très beau. Avant de s’exprimer de manière très courte, puis de laisser son instrument reprendre le lead. Elle lui laisse libre cour, le rendant très expressif. D’abord intimiste, le morceau se termine sur un aspect fanfare, qui laisse à penser qu’en live, ça peut vite aller plus loin. « Valsa Choro » est donc une valse, lente pour le coup sur laquelle vient se poser la voix de Sélène en un langage inventé. Après, c’est un « Rings of Neptune », morceau ou percussions et trompette sont en lead, entraînant, presque envoûtant. Sur « Partialis », elle nous offre sa voix en ouverture, d’abord en vocalises puis cela s’enchaîne avec le deuxième chapitre de « Mare Undarum », sur fond de contrebasse et percussions, elle se fait récitante, puis la voix se retire, un violon prend place, plaintif, blessé. Fidèle à sa démarche Sélène Saint-Aimé, nous emmène par sa voix, dans des sphères proches de la folie, tandis que les instruments agissent en contrepoint. Dans « Totalis », elle conserve cette dualité musique-voix chantée, ce caractère mystérieux. Comme sur le reste du disque, l’ambiance se veut très aérée, épurée même parfois. Enfin pour terminer son album, la contrebassiste nous propose un « Cum mortuis in lingua mortua », ce qui pour moi ressemble à une sorte de marche funèbre. Une fin étrange et bien sombre pour un album plutôt lumineux, aérien, prometteur, qui donne envie d’écouter la suite le plus vite possible. L’ensemble de cet album est très agréable à écouter, parfois déroutant, mais il nous amène vers des rivages sonores et rythmiques inattendus. Et c’est ce qui parfois fait le sel des découvertes, la belle surprise. Car ce disque révèle l’évidence : Sélène Saint-Aimé possède talent et personnalité.
Guillaume.
Shemekia Copeland is back !

Cette chanteuse, que j’avais rencontré dans une autre vie (dans les années 90’s), pour un entretien, au hard-rock Café près d’Opéra à Paris, avant qu’elle ne s’y produise pour un set promotionnel, étant alors inconnue en France, a fait un sacré et bon bout de chemin depuis. Devenue une artiste plus que confirmée, une chanteuse reconnue dans le milieu du blues, portant le lourd héritage patronymique et musical de son défunt et talentueux père, le guitariste-chanteur Johnny Copeland. Une carrière jalonnée de succès, des tournées qui sont pleines, bref tout va bien. Ou pourrait aller bien. Car aux Etats-Unis, ces dernières années, pour Shemekia Copeland, comme pour nombre de ses concitoyens noirs, la vie n’a pas été des plus facile. Bavures, émeutes, chômage qui ne baisse pas, pauvreté stagnante, voire qui s’accroit, jusqu’au triste épisode du Capitole en janvier dernier. Musicienne, mais citoyenne engagée et vigilante, Shemekia Copeland n’hésite jamais à donner de la voix (qu’elle a puissante). Deux ans après « America’s child (2018), qui montrait déjà la voie, elle publie « Uncivil War« , son dernier album, sorti l’an dernier, c’est encore le cas. Elle sort les crocs.
Dès le premier titre, « Clotilda’s on fire », elle donne le ton. Vocalement et musicalement. Un blues électrique lourd, gras, et cette voix qui se fait le porte-voix des petites-gens en colère. L’album se poursuit avec le très beau « Walk until I ride » soutenu par des choeurs et des orgues hammond, façon gospel d’église, avant d’accélerer. Rafraîchissant. Dans « Uncivil war », elle traite des douleurs liées au conflit permanent entre les communautés qui déchirent régulièrement son pays. Mais elle se veut optimiste. Elle milite pour une cohabitation pacifique plutôt que pour des affrontements violents, qu’ils soient verbaux, physiques. Avec « Money makes you ugly », Shemekia Copeland dénonce le pouvoir de l’argent qui parfois rend les gens moches, du jour au lendemain. Attention à ce miroir aux alouettes dit-elle. Le tout avec une voix toujours aussi précise, investie, vindicative. Puis arrive sans crier gare une superbe reprise du stonien « Under my thumb », immortalisé par la voix de Mick Jaggersur l’album « Aftermath » en 1966 et dont la version la plus célèbre reste celle du fameux et triste concert d’Altamont en 1969. Ici c’est un travail tout en douceur, acoustique, avec guitare, tambourin, percussion, et la voix de Copeland qui se régale sur ce standard.
Puis s’en vient « Apple Pie and a .45 », blues rugissant, avec guitare saturée. « Give God the Blues », qui suit est une chanson sur la tolérance, sur le fait que Dieu aime toutes les religions, les types de pensées, philosophies, bref tout le monde, mais que ce qui se passe ici-bas sur Terre, doit filer lui le Blues. Un titre un peu simpliste, qui n’est pas mon préféré car musicalement, cela s’en ressent. Derrière, ça repart sur les chapeaux de roues, avec « She don’t wear pink ». L’histoire d’une femme mariée, qui décide de changer de vie, de plus s’habiller en rose. Elle explore alors différentes choses. Copeland exprime ici la liberté de la femme de ne pas répondre à des stéréotypes sociaux, sociétaux, de se forger, se tracer un parcours comme elle l’entend, le ressent, même si cela provoque, choque, déstabilise autrui, famille, relations, collègues, et pour finir la société dans son ensemble. Pour terminer, elle nous offre d’abord « In the dark », une chanson d’amour, sur un couple en plein doute, puis ensuite un bon blues teinté de sonorités des années 50-60, une chanson où il est question de partage de la musique (ici le blues) dans sa maison, entre amis, de passer du bon temps, à chanter des chansons d’amour d’où le titre « Love song ».
Ce « Uncivil War » est un bon album, très agréable à écouter. Et cette artiste, à la personnalité forte et riche, intéressante, vaut qu’on la découvre, si ce n’est déjà fait, et qu’on la suive.
Guillaume.
Pour Ben Harper, la saison des amoureux, c’est l’Hiver.

Benjamin Chase Harper, alias Ben Harper, né il y bientôt 52 ans ( il les aura le 29 octobre prochain) à Claremont en Californie, est un guitariste-auteur-compositeur-interprète, se produisant tantôt en solo, tantôt accompagné de groupes comme les Innocent Criminals, Blind Boys of Alabama, ou Relentless Seven. Aux confluences de divers musiques, à la manière d’un Lenny Kravitz, ou même d’un Prince auparavant, Ben Harper ne se gêne pas pour aller sur divers terrains musicaux, qu’il s’agisse du reggae, de la folk music, du blues, du gospel, du rock ou de la funk. Son spectre musical est très vaste, le gars ne s’interdit rien. Il se sent libre de tout faire, il ose tout. Sa carrière jusqu’ici jalonnée de succès jamais démentis, en témoignent ses concerts devant des salles remplies, est des plus riche artistiquement.
En 2020, en pleine période de confinement généralisé, il s’est offert de publier » Winter is for lovers’ « . Et moi qui croyais que la saison des amours était naturellement le printemps voire l’été, voilà que ce gaillard nous assène que non, pour lui, tout se passe en hiver, au chaud des alcôves. Fidèle à ses habitudes, Ben Harper a enregistré cet album de manière très sobre, presque artisanale. Voilà vingt-huit ans que ce grand musicien trimballe sa carcasse et son sourire un peu partout dans le monde, depuis la sortie de « Pleasure and Pain » en 1992, suivi des deux albums à succès « Welcome to the cruel world » en 1994 et « Fight for your mind » dans la foulée en 1995.
Car Harper, très vite s’est identifié comme un musicien-citoyen à l’instar des Bob Dylan, Bruce Springsteen, Neil Young, Joan Baez, ou encore le légendaire Johnny Cash. Ben Harper le musicien est également un vrai conteur, parfois débarrassé des oripeaux de la star adulée qui empli les salles et les stades. Non il préfère les ambiances intimes, la proximité, la relation vraie à l’humain. C’est pourquoi aussi il fait rarement parler de lui en dehors de son activité musicale. Il sépare pleinement le professionnel et le privé.
Mais revenons au disque. Chacun des titres de cet album est une référence pour Ben Harper. Tantôt à l’enfance et aux quartiers où il a grandi avec « Inland Empire », mais aussi au désert de « Joshua Tree », pour le coté quasi hypnotique et mystique de l’endroit. Il évoque aussi évidemment un des hauts lieux du jazz de New-York, le quartier de Harlem, qui a été très important dans la renaissance de ce courant musical. Et puis bien sûr, il fait allusion à Londres, ville berceau de tant de guitaristes anglais de talents, dont le grand Jimmy Page notamment. Sur cet album d’une pureté absolue, très dépouillé musicalement, Ben Harper s’en donne à coeur joie et nous régale de son talent. Il nous fait un joli cadeau en terminant son disque avec une chanson sur Paris, ville qui pour lui signifie plus jamais le printemps, la vie, après l’hiver vécu dans le grand nord américain, new-yorkais ou canadien.
Ben Haper, tout jeune, eût la chance, grâce à son père qui tenait un magasin de guitare à Claremont, sa ville natale, le « Folk Music Center », de croiser des musiciens prestigieux tels que Ry Cooder ou Taj Mahal, qui deviendra son vrai mentor et l’emmènera même en tournée à ses débuts. Il voue d’ailleurs une reconnaissance éternelle à son mentor, sans qui rien n’aurait été possible selon Ben Harper.
« Winter is for lovers » est un projet musical que Ben Harper murissait dans sa tête depuis dix ans. Il souhaitait tant mettre en avant et mixer les cultures blues, amérindiennes, hawaïennes. Le résultat est bluffant de qualité. Je vous invite à l’écouter tant cet artiste propose ici un projet musical sans faille.
Guillaume.
Après Prince, Jimi, Bob et David, voici John Lennon version Jazz.

Dans la série « que valent le répertoire de vos idoles en mode jazz? », j’ai déjà ici donné mon point de vue sur les disques concernant Prince, Bob Marley ou Jimi Hendrix et plus récemment David Bowie. Voilà maintenant que c’est le tour de la légende John Lennon, ex-Beatles, devenu chantre de la paix et de l’amour dans le monde aux côtés de Yoko Ono dans les années 70’s, jusqu’à son assassinat le 8 décembre 1980, de « subir » cet assaut musical de jazzmen et jazzwomen pour réinterpréter son répertoire. Toujours à la baguette, le talentueux Lionel Eskenazi a rassemblé pour l’occasion des noms prestigieux tels que le saxophoniste-guitariste et chanteur Curtis Stigers, le chanteur anglais Joe Jackson, le guitariste et chanteur de blues Lucky Peterson (disparu en 2020), NGuyen Lê (déjà présent sur la version hommage à Jimi Hendrix), le guitariste Al di Meola, la chanteuse-pianiste brésilienne Tania Maria et le pianiste, compositeur et chanteur italien Stefano Bollani, pour les plus connus. Bref, du très lourd! Voyons maintenant ce que ça donne. L’album s’ouvre avec la voix plaintive et bluesy de Curtis Stigers qui chante un très beau « Jealous Guy ». Ça sent la douleur, la tristesse. Le tout accompagné d’un tres bon trio piano-batterie-contrebasse. Superbe. Ensuite c’est une fille, entendez « Girl » qui s’invite à nos oreilles, magnifiquement chantée par le vétéran de la pop anglaise Joe Jackson, dans un registre piano-voix que je ne lui connaissait pas. Bluffant. Après quoi les Pink Turtle (les Pink..Floyd étaient pas disponibles😉) revisitent le tube mondial « Imagine » en mode instrumental ambiance funk cool. Ça fonctionne. Retour au Blues avec l’immense et regretté Lucky Peterson qui chante l’évidence même « Yes Blues ». Un régal.
Puis arrive sans crier gare une voix féminine qui m’est inconnue, celle de Daria, qui interprète « Strawberry fields forever » avec délicatesse, souplesse vocale sur fond de musique indienne. Plaisir. A peine suis-je sorti de ce morceau que déboule un pianiste de jazz finlandais, IIro Rantala qui m’attrape et joue un « oh my love » tout en subtilité comme savent le faire les musiciens nordiques qui ont une sensibilité vraiment particulière. Ce titre figure sur l’album « My working class hero » qu’il avait composé en hommage à John Lennon en 2015. Je vais me dépêcher de découvrir sa discographie. Après cet amour en mode finlandais, Nguyen Lê, guitariste, nous trimballe en Inde pour un « Comme together » étonnant, sur lequel il laisse son expression se dérouler, ce qui donne une très belle couleur au titre. De plus il est accompagné de 3 chanteurs (2 hommes, 1 femme). L’aspect jazz-fusion du morceau le rend totalement neuf. Superbe. Un autre virtuose de la guitare succède à Nguyen Le, il s’agit de Al di Meola. Sa version de « Dear Prudence », sur des tonalités quasi flamencas, est très belle. Son jeu est fluide. On entend presque ses doigts courir sur le manche. Sorti de cet instant gracieux, revoilà Jen Chapin et le Rosetta trio, entendue sur l’opus dédié à David Bowie, elle y chantait « Starman ». Là c’est un « nobody told me » presque intimiste qu’elle interprète avec guitare, et une contrebasse. Magique. Je parlais plus de la Finlande. C’est maintenant les forêts norvégiennes que nous visitons grâce au piano de Stefano Bollani. Ça vous transporte. De là-haut j’entend la voix de la brésilienne Tania Maria qui nous dit « Imagine ».. Le tout sur un rythme de jazz cool… Ça groove en douceur, c’est juste beau.
Après ce très joli moment, un guitariste nommé Stephen Bennett (rien à voir avec Tony Bennett) nous gratifie d’un « Because » tout en touché et musicalité. Entendre ce morceau joué ainsi est vraiment spécial. Puis la voix lancinante et timbrée de Muriel Zoe, chanteuse allemande néée à..Hambourg (ville où les Beatles ont joué à leurs débuts hors Angleterre) donne à entendre une version toute en retenue du classique « A hard day’s night ». « Nowhere man » qui suit est joué sur un rythme très cool, de presque fin de jour, ou fin de nuit, selon votre humeur d’écoute, par un duo de jazzmen allemands, les frères Roman (piano) et Julian (trompette) Wasserfuhr. Une belle découverte. Un « Beautiful Boy » est ensuite appelé, sussuré devrais-je plutôt dire ici par la chanteuse Laura Crema. Une chanson en mode jazz cool. Avec un piano qui dialogue avec le chant de belle manière. Pour vraiment terminer ce bel hommage à John Lennon, place à un instrumental, qui parfois nous emmène dans les étoiles. Ici c’est carrément un voyage « Across the Universe » qui est suggéré par le piano aérien de Bill Anschell. Comme un dernier salut à l’artiste, mais aussi à l’ange bienveillant que se voulait être John Lennon vis à vis de ses condisciples humains.
Guillaume.
David Bowie version Jazz, qui l’eût crû ?

Après Prince, Bob Marley, et Jimi Hendrix, dont les répertoires musicaux en version jazz ont déjà été évoqués ici, voici donc venu le tour du grand David Bowie d’être passé à la moulinette de ce genre musical. Lui, enfin surtout son répertoire. Pour cela, Lionel Eskenazi, qui chapeaute chacun de ces projets, a réuni une belle brochette de talents. Jugez plutôt : le pianiste Bojan Z, le trompettiste Eric Le Lann, le guitariste Pierre Jean Gaucher, ou encore les chanteuses Laîla Biali, Cinzia Bavelloni, la française Keren Ann, parmi beaucoup d’autres. Cet album, « David Bowie In Jazz » est sorti en 2020.
Cet hommage au dandy anglais démarre par une superbe version du tube « Let’s dance ». Ça commence par une intro voix-contrebasse, puis le piano, les claviers s’installent très vite et tout s’emballe. La voix souple et chaleureuse de Laila Biali, chanteuse canadienne qui a travaillé avec Sting, et l’ambiance installée, forment une très belle entrée en matière. Nul doute que Thin White Duke eut apprécié cette version. Dans la lignée, c’est une autre chanteuse qui prend la suite, Cinzia Bavelloni. Elle s’attaque à « Lady Stardust », sur un mode smooth jazz des plus agréables à écouter. La trompette qui prend le solo (dommage que nous n’ayons pas le détail des accompagnateurs…), puis le xylophone nous transporte vers un rivage qu’on imagine calme et paisible. Bojan Z (Zulfikarpasic de son vrai nom), que j’avais découvert à l’Européen à Paris voilà 15ans, revisite en mode trio le classique « Ashes to Ashes ». Le résultat, subtil, est très beau. Bojan Z y met toute sa musicalité.
Vient ensuite une chanson écrite en hommage à Andy Warhol, ici interprétée par la chanteuse Caecilie Norby, soutenu par un trio de haute qualité. Sa voix se promène sans souci, se faisant transmetteuse de l’administration éprouvée par Bowie envers Warhol. On enchaîne ensuite avec « The Jean Genie », chanson maintes fois reprise, ici jouée façon blues avec guitare dobro et harmonica par le groupe Yelloworld, spécialiste des reprises de David Bowie. Très belle version. Puis le trompettiste Eric Le Lann, accompagné d’un solide trio, revisite « Lire on Mars ? », chanson qui résonne étrangement à l’heure des explorations de la planète rouge, de son sol, son atmosphère, en vue de futurs voyages. Mais revenons à la musique. La trompette de Le Lann joue comme chantait Bowie, dans une forme de complainte. C’est très réussi. « The man who sold the world », ici pris en voix par Miriam Aida, est joué sur un rythme flamenco et chanté en mode jazz. Le mariage des 2 vaut l’écoute. Puis arrive l’un des titres phares de la carrière de Bowie, « Space Oddity », qui démarre par ces fameux mots « Ground Control To Major Tom ». S’il est difficile, là plus que sur les autres titres déjà évoqués, de ne pas « entendre » la voix de Bowie quand la chanteuse Grazzia Giu se coltine ce titre, elle s’en sort plus que bien, remplaçant le côté dramatique initial voulu par Bowie, par une longue plainte, une douleur retenue, sentiment renforcé par cette voix qui tient sur un fil, en équilibre, celui de la vie. Superbe. S’en vient ensuite « Aladdin Sane » ici joliment rendu par le talentueux guitariste Pierre-Jean Gaucher dans une version mi jazz cool mi jazz fusion. Federica Zammarchi offre une version « club de de jazz » de « Lady grinning soul ». La voix est là, tout est en place, mais aucune émotion ne sort de cette interprétation. Gâchis. Tout l’inverse avec Jen Chapin et le Rosetta trio sur « Starman », c’est enlevé, léger, la voix est appliquée sans trop appuyer, le timbre légèrement aiguë ajoute une petite touche très agréable à ce morceau virevoltant. Puis on tombe sur une interprétation déroutante de « Heroes », par le Delta Saxophone Quartet. C’est lent, presque méconnaissable. Déroutant au possible. Heureusement arrivent les Yelloworld, spécialistes ès Bowie. Ils nous embarquent pour un « Moonage daydream » de haute tenue. Le voyage musical est réussi. Tiens revoilà Cinzia Bavelloni, sur un fond de trio jazz très swinguant, avec « DJ ». On se croirait transporté dans les 30’s.
Après avoir eu droit à la superbe version vocale par Grazzia Giu, c’est maintenant Franck Wolf, pianiste, qui nous donne son interprétation de « Space Oddity ». Tout en subtilité, en douceur. Le groupe vocal Puppini Sisters revisite « Changes » en y donnant un aspect swing assez ravissant. Pour terminer cet hommage au génial David Bowie, c’est Mike Garson qui se colle à la tâche. Le pianiste s’amuse et ça se sent en revisitant le célébrissime « Let’s dance », déjà chanté en ouverture du disque par Laîla Biali.
Enfin en bonus track, la belle voix de Keren Ann chante « Life on Mars » dans une orchestration à cordes superbe. De quoi très bien terminer ce bel opus qui rend hommage au talent de chanteur-compositeur-interprète de David Bowie. Quoiqu’il en soit, le résultat est bluffant par moment, surprenant à d’autres, déroutant aussi, mais la qualité des interprètes donne à ce projet une densité que n’aurait sans doute pas renié David Bowie.
Guillaume.
Kevin Morby, La Folk Tranquille.

« Sundowner » sorti en 2020 est le sixième album de Kevin Morby, né à Kansas City dans le Missouri (ville de Casinos pendant la période de la prohibition), depuis le tout premier intitulé « Harlem river »(2013), qui faisait référence à son séjour new-yorkais dans les années 2000. Kevin Morby, au look d’étudiant attardé, un peu à la manière des regrettés Kurt Cobain, chanteur de Nirvana disparu en 1994, et de Jeff Buckley, disparu en 1997.
La pochette de l’album le représente assis sur un lit, dans un décor de chambre, le tout au milieu d’un champs de hautes herbes sur fond de ciel orageux. Pas engageant à priori. Mais annonciateur du climat minimaliste dans lequel cet auteur-compositeur américain veut nous accueillir.
J’avoue, avant d’écouter « Sundowner », je ne connaissais pas du tout cet artiste américain, dont la voix fait irrémédiablement penser à Bob Dylan jeune, de même que ce style de folk minimaliste, qui laisse place à l’histoire, soutenue par les instruments. Cette influence dylanienne est tellement présente qu’on l’entend sur « Wander », avec l’harmonica, la voix placée de telle manière, ce phrasé légèrement trainant… bref ça sent le biberonage intensif au Zimmerman quand Morby était jeune enfant.
Les titres s’enfilent comme des perles, le disque craque même un peu, à la manière des 33 tours d’autre fois, ce qui n’est pas pour me déplaire. Chaque titre ressemble, par sa structure, à une complainte ou un cri de colère légèrement feutré. Il n’est qu’à écouter « Sundowner », Wander », « Don’t underestimate midwest american sun ». Les chansons sont très épurées, sans artifices, sans parasites qui viendraient encombrer le climat du disque. L’exigence est là. Peu mais efficace, essentiel. Il le prouve encore sur « Jamie », et l’instrumental au piano « Velvet highway » nous prouve que Kevin Morby ne contente pas de chanter, jouer de la guitare et de l’harmonica. La garçon est poly-instrumentiste avec talent.
Avec ce disque, j’ai fait une belle découverte, d’un artiste talentueux, qui va au plus simple. Le résultat est au bout.
Je vous invite à le découvrir sans attendre.
Guillaume.
Cabrel, le citoyen derrière le musicien.

Sorti de sa retraite discographique, le troubadour d’Astaffort, alias Francis Cabrel, est revenu en 2020, en pleine année pandémique et confinée, avec un album intitulé « A l’aube revenant« . Il y a longtemps que j’avais laissé de côté ce chanteur-compositeur-interprète, sans doute parce que lui même s’était un peu retiré du monde, à l’abri des regards, reclus dans son refus, entouré des siens. Mais comme pour les marins, l’appel du large a été le plus fort. Ici celui de retourner en studio, de rappeler sa vieille garde de complices de longue date, pour revenir à l’essentiel, écrire, composer, matière essentielle pour ce ciseleur de mots et de musiques, qui nous enchante depuis bientôt cinq décennies. Restait donc à voir ce que donnerait ce nouvel album, enregistré, je le disais plus haut avec sa bande habituelle, à savoir Denis Benarrosch (percussions), Laurent Vernerey (contrebasse), Michel Amsellem (piano), Claude Égéa (trompette), Gérard Bikialo (orgue hammond, piano), Michel Françoise (réalisation), et les trois voix féminines de Himiko Paganotti, Julia Sarr et Olyza Zanatti. Claude Sicre, membre des Fabulous Troubadors, chanteur occitan, a participé également à cet album.
Dans ce nouvel album, Francis Cabrel évoque des thèmes qui lui sont habituels, comme ceux de l’amour et l’écologie avec « jusqu’aux pôles « , mais année 2020 et contexte particulier oblige, il ne pouvait pas ne pas évoquer la crise sanitaire démarrée en février 2020. Il le fait à travers trois titres, « les beaux moments sont trop courts », « Peuple des Fontaines », qui évoque superbement l’absence du public, la fermeture des lieux de cultures et « parlons-nous », qui traite de l’isolement dû au Covid, isolement contre lequel il faut lutter en se parlant. Il traite de la relation père-fils très joliment dans » Te ressembler », qui parle de son père mort trop jeune pour avoir vu son fils connaître une existence heureuse, après un choix hasardeux dû à la rencontre avec une guitare. En amoureux des mots, de la mangue française, il fait un détour par le moyen-âge pour rendre hommage aux troubadours, ces « rock-stars du Moyen Age » comme il les nomme. Le tout sur fond d’orchestre à cordes. Il faut savoir que quatre des chansons de cet album sont inspirées de textes du Moyen-Age. Et parce que les mots sont sa nourriture quotidienne, son breuvage essentiel depuis plus de cinq décennies, il s’insurge avec une belle dérision mélangé de colère de la disparition des librairies pendant le premier confinement (heureusement depuis elles ont été déclarées « produits de première nécessité » par le gouvernement…ouf !). Après avoir adressé une tendre lettre à un Jacques qui vit en Corse entouré de ses chats ( il s’agit évidemment du dandy, de la vieille canaille, Jacques Dutronc himself), il termine sa nouvelle production en adressant deux lettres d’amour, les deux sans doute destinées à sa femme.
Vous allez me dire, « Bon ok mais la musique dans tout ça ? ». Hé bien, je dirai que si le bonhomme s’est assagi, très loin de « ma place dans le traffic » ou de « la corrida », cela reste de bonne facture mais franchement à en être autant ciselée, précise, je me crois revenu à « samedi soir sur la Terre », album empli de mélancolie, de tristesse, de nostalgie déjà. Ici ça ne décolle quasiment jamais, l’ambiance générale est à la proximité, l’intimité. Les mélodies sont toujours très ciselées, les arrangements aux petits oignons. La voix, certes quasi intacte parvient encore à surprendre, mais globalement, moi qui fut grand fan de Francis Cabrel, là j’avoue être déçu. Les compositions sont pourtant variée, riches, mais la magie n’a pas opéré en moi. Sans doute les adorateurs-trices du chanteur se régaleront-ils-elles.
Guillaume.
Lettuce, du groove qui résonne plein pot.

Originaire de la ville de Boston (comme les groupe de hard-rock Aerosmisth cher à Joe Perry et Steven Tyler, et bien sûr.. Boston), Lettuce, combo de musique funk au groove extrêmement fondé en 1992, contient six musiciens, nous a proposé da dernière galette musicale l’an dernier, intitulée « Resonate« . Le titre de ce septième album du groupe (depuis Outta here, 2002) est plus que bien choisi tant la musique de ce quintet groove avec une efficacité redoutable, un sens rhythmique qui vous emmène dès la première mesure du premier morceau « Blaze ». C’est ultra puissant. Les titres s’enfilent comme des perles, sans jamais se reposer.

Moi qui ne qui ne connaissais pas ce groupe avant d’écouter cet album, je suis sous le charme. C’est puissant, coloré, varié. Après « Blaze »qui sert d’entrée en matière, viennent « Good Morning Mr. Shmink », le très beau « Ndugu », puis « Checker Wrecker », le doux « Silence is golden », et pour moi l’un des plus beaux morceaux du disques, « Moksha », aux influences indiennes, que restituent parfaitement guitare et claviers, mais aussi la présence très subtile d’un sitar et d’un tabla. C’est juste magnifique. On se croit immédiatement transporté au pays des Maharadjahs, du Taj Mahal, bref c’est vraiment un bonheur que d’écouter ce morceau. On sent que les gaillards ont soit voyagé là-bas, soit beaucoup écouter Ravi Shankar, George Harrison (qui lui-même a voyagé là-bas et influencé la musique des Beatles à son retour), le guitariste John McLaughlin et le percussionniste Trilok Gurtu… la durée du morceau, plus de sept minutes en est la plus belle expression. Après on passe à un « Mr. Dynamite » qui évoque forcément James Brown. avec cependant des sons de claviers un brin expérimentaux, et ce groove funky omniprésent que Father of Soul n’aurait pas renié pour danser dessus. Le dialogue entre la guitare et la trompette est très joli à écouter. Avec « Remember the children », on retombe dans un funk pur des années 70, époque George Clinton, James Brown, Tower of Power. Là, en plus des instruments, viennent se greffer des voix. Pas essentielles à mon sens… mais bon. Puis cela enchaine avec « Lude », petit intermède qui débouche sur le funky-disco » House of Lett », qui aurait eu toute sa place dans les boites de nuit des années 70 et 80. A entendre ce morceau, comme le reste de l’album, on n’a qu’une envie, se lever du canapé, direction le dance-floor, et laisser aller nos corps en rythmes (n’est-ce pas cher Laurent…😉). Ca fait tellement de bien. Pour clore le disque, « Resonate » qui donne son nom à l’album est un morceau au groove des plus planant, un peu spatial… mais très agréable pour finir cette production 2020.
Il faut noter que ce groupe, pour maitriser son travail de bout en bout, a créé son propre label, Lettuce Records, sur lequel il a enregistré plusieurs albums tels que : « Crush » (2015), « Mont Crushmore » (2016), « Elevate » (2019) ainsi que l’album live « Witches stew » (2017). Alors si vous aimer cet album, n’hésitez pas à vous plonger dans la discographie de ces bostoniens au groove chevillé au corps.
Cet album donne la pêche, le sourire, et par les temps qui courent, ça fait un bien fou. Reste plus qu’à les voir oeuvrer sur scène… mais ça, va falloir être patient encore un peu.
Guillaume.
Rymden, marins de l’espace…musical.

Vétéran de la scène musicale nordique, norvégienne en l’occurence, le pianiste-compositeur et producteur Bugge Wesseltoft (photo ci-dessous) s’est associé au duo Dan Berglund (contrebasse)-Magnus Oström (batterie), qui officiait naguère aux côtés du génial pianiste suédois Esbjörn Svensson avant que celui-ci ne disparaisse tragiquement dans un accident de plongée en 2008. Le nouveau trio, qui oeuvre sous le nom de Rymden, publie, après « Reflections & Odysseys » sorti en 2019, son nouvel album, intitulé « Space sailors« . Ce disque est une plongée dans l’univers musical nordique, entre jazz et musique contemporaine, une ballade spatio-temporelle qui si elle peut paraître au décollage, finit par vous embarquer, tant le talent des trois gaillards est au service du projet, la musicalité d’abord. Un magnifique hommage également à Esbjörn Svensson, dont l’ombre plane sur le disque.

Mais plongeons-nous au plus près de ce disque. Ca démarre fort, sans fioriture avec « The life and death of Hugo Brax », un titre qui plante le décor d’entrée. L’ambiance est spatiale, aérée, avec une contrebasse omniprésente. Le trio virevolte au gré du morceau, et Wesseltoft s’en donne à coeur joie au clavier de son piano. Pour rester sur la notion d’espace, le trio nous embarque ensuite dans l’univers des 70’s avec un « Spacesailor », qui est une sorte de couloir à remonter le temps. Ca sonne très pop, presque proche également de la musique répétitive un brin lancinante avec ce rythme donné par la batterie de Magnus Oström. Derrière, avec « Sondan », c’est un ambiance minimaliste, avec un jeu très progressif de Wesseltoft, qui donne à ce morceau une couleur très intime, presque introspective. « Terminal One » nous change de registre et offre une couleur dansante, jusqu’ici absente, au disque. C’est chaloupé. Ca swingue tranquillement. Le trio se régale, s’envole doucement et nous avec… c’est juste beau. « Final goodbye » propose un univers mélangé de percussions et de bruits étranges, sur lesquels le piano va se greffer, en douceur, posant des mélopées de notes, sans jamais se noyer dedans et nous avec. Toujours la subtilité d’abord. C’est un plaisir à écouter.
« Pligrimstad », qui suit, démarre par un thème à la contrebasse, superbement tenue par le talentueux Dan Berglund, puis piano et batterie rentrent doucement. Progressivement. C’est un régal d’écouter les trois musiciens dialoguer ensemble, chose qui ne se dément pas avec les deux morceaux qui suivent, » Arriving at Ramajay, Part 1″ et « Arriving at Ramajay, Part 2 ». Là, si Wesseltoft, via ses synthés, nous concocte un univers sonore très futuriste (mais surtout très emprunt de ce qui se faisait chez les groupes pop des 70’s, je pense ici à Barclay James Harvest, Yes, Genesis période Peter Gabriel des débuts…. ), je dois avouer que ça fonctionne très bien, c’est efficace. Il ne manque plus que les combinaisons de cosmonautes et nous sommes partis… ailleurs. « The Actor », sur fond de basse-batterie bien posées, est un morceau qui pourrait servir de générique à une série ou du moins de thème à un personnage de série policière. Ca roule, c’est efficace, puis bien bientôt, Wesseltoft rebascule dans l’antre des 70’s. Obsession. « My life in a mirror » est un très beau morceau, plein de lyrisme, de douleur exprimée, de nostalgie (un clin d’oeil à Esbjörn Svensson??). Enfin les deux morceaux qui terminent le disque sont « Free as a bird » (non pas une reprise du titre de Supertramp, encore moins celui des Beatles ou de John Lennon !), et par « Sondan Outro », qui est la suite et la fin de « Sondan ». Ces deux titres achèvent bien l’écoute de ce très bel album, au contenu très épuré, parfois planant, maitrisé par trois musiciens de grand talent.
Maintenant que j’ai découvert ce trio, qui est dans l’esprit de ce que faisait le regretté Esbjörn Svensson, mais aussi à l’instar de l’univers musical de Trygve Seim, autre grande figure du jazz nordique contemporain, je vais suivre ce groupe de près. Je vous invite à en faire de même.
Guillaume.
Victor Wainwright, long train Blues… and more.

Sur la pochette de leur dernier album, une locomotive ancienne lancée à pleine vitesse, toute fumée dehors. Cela annonce clairement les choses. Victor Wainwright and The Train ne sont pas là pour plaisanter.
Ce chanteur-pianiste-organiste américain et son groupe nous proposent d’entrée de jeu sur leur nouvel album « Memphis Loud » paru l’an dernier, un blues puissant, cuivré, mâtiné de plein de sources musicales, comme le boogie-woogie, le blues, la soul, et même des sons issus de la Nouvelle-Orléans.
Dès le début donc, c’est un hommage au Mississippi, terre de blues s’il en est et qui vit naitre nombre de grands noms du genre. Ensuite il se souvient de la ville de Memphis. Aretha Franklin ou encore Booker T. Jones, sont nés dans cette ville. Les bluesmen John Lee Hooker, B.B.King; Muddy Waters, Howlin’Wolf sont également nés dans les environs, au sein de ce Mississippi alors frappé, comme les autres états du sud des Etats-Unis, par le ségrégationisme officiel, qui ne sera abrogé qu’en 1968. Ville historique de la musique américaine, et considérée comme le berceau historique du Blues, c’est aussi une ville où se trouve la fameuse Beale Street, qui rassemble nombre de clubs dédiés à cette musique, dont ceux de B.B.King et Buddy Guy.
Mais Memphis est aussi un berceau du rock puisque Elvis Presley a vu le jour à quelques encablures de cette mythique cité. Sans parler des nombreux studios d’enregistrement qui s’y trouvent, comme les fameux Sun Records, fondés par Sam Phillips dans les années 50, lui qui fut le premier découvreur de Presley lorsque celui-ci fit sa version de « That’s all right Mama ». D’autres grands noms du rock émergeront grâce à Sun Records, je veux parler ici de Carl Perkins, Jerry Lee Lewis, Johnny Cash. Des bluesmen comme James Cotton, B.B.King ont également enregistré des albums sous la direction de Sam Phillips. Memphis voit défiler dans ses studios depuis des décennies tout ce qui compte de stars de la chanson, de la pop, du jazz, de la soul music ( notamment dans les studios Stax et Hi Records, où passeront Booker T. and the MG’s., Otis Redding, Carla Thomas, Isaac Hayes, Al Green. Bref Memphis, vous l’aurez compris, est partie incontournable de l’histoire de la musique américaine des 70 dernières années.
Mais revenons à l’album qui nous occupe. On retrouve l’évocation de cette ville dans le troisième morceau de l’album, morceau qui démarre sur les chapeaux de roues, celui d’un train qui arrive en gare (peut-être un hommage lointain au fameux premier film projeté par les frères Lumières dans un hangar, devant un public incrédule). C’est du blues nerveux, bien servi, sans fioritures. Wainwright possède par ailleurs une voix un peu nasale qui n’est pas sans rappeler parfois celle du célèbre pianiste-chanteur de la Nouvelle-Orléans, Dr. John. La musique développée est gorgée de couleurs, de cuivres, de sueurs, on se sent transporté dans ce sud des Etats-Unis historique, berceau de la musique américaine. Mieux vaut s’attacher au siège, le voyage démarre fort, avec donc l’enchainement « Mississippi »-« Walk the walk »-« Memphis Loud ». Moi qui ne connaissait pas ce musicien et son groupe, je me régale.
Après un départ en fanfare, les gaillards changent de registre. En effet sur « Sing », c’est un esprit fanfare qui prédomine. On se croirait à un carnaval (oui je sais dur à imaginer par les temps qui courent ). Puis vient une ballade, « Disappear », qui permet à Wainwright de nous offrir un autre aspect de sa voix puissante. Ici elle est plus posée. La musique d’abord tranquille, se fait plus présente via les cuivres et le piano, et une section rythmique qui veille au grain. Ensuite c’est un « Green don’t rise » entamée tambours battant qui nous tend les bras. Un blues-rock sans temps morts, mené à l’allure d’une locomotive lancée plein pot, les instruments prenants efficacement leur place dans ce tourbillon bluesy. « Golden rule », qui suit, est un morceau aux sonorités davantage pop, voire soul des années 70, comme un hommage à la Motown et certaines de ses grandes figures. Avec « America », Wainwright dresse un constat amer de son pays, renforcé par les évènements survenus en 2020, les émeutes. Il prêche pour un respect de l’autre, d’où qu’il vienne. « South end of a North bound mule », fleure bon le blues du sud, il me fait penser à des morceaux de Robben Ford, ou de Calvin Russell, deux bluesmen que j’adore et vous recommande si vous ne les connaissez déjà. Le jeu de guitare est ici fin et précis, la voix de Wainwright presque joyeuse et joueuse. Un bon boogie-blues. « My Dog Riley », avant-dernier morceau de l’album, nous ramène à un boogie-blues mélangé à une pincée de fanfare, ca swingue, ça balance, c’est entrainant au possible. Ca Roll’ comme ils disent là-bas. Pour finir, Wainwright nous propose le très beau « Reconcile ». Une chanson en forme de blues plaintif… soutenue par une guitare et des cuivres. Superbe.
Personnellement, une belle découverte que cet artiste à travers cet album.
Alors si vous aimez la musique en forme de cocktail bien secoué, ce disque est pour vos oreilles.
Guillaume.
Quand le Jazz s’empare du Roi Marley.

Vous le savez, je l’ai déjà dit ici, de grands noms de la chanson française tels Serge Gainsbourg, Georges Brassens, Claude Nougaro, ou du rock comme John Lennon, Prince, Jimi Hendrix ont déjà vu leurs oeuvres musicales revisitées par des talents issus du jazz. C’est au tour cette fois-ci de Bob Marley, Dieu vivant du temps de sa splendeur entre les années 70 et 80, période laquelle il a fait émerger la Jamaïque de l’ombre, imposant un reggae festif et militant, oui c’est à son tour d’être « revisité » par la patte musicale de jazzmen et jazzwomen de tous horizons. Ainsi est né « Marley in Jazz: A tribute To Bob Marley » publié par le label Act Music en 2020. On retrouve à ce joli rendez-vous des noms aussi différents que Sly & Robbie, Pink Turtle (groupe habitué à faire des reprises de qualités), Nguyen Lê entre autres.

Pour démarrer cet hommage au génie jamaïquain, le groupe Pink Turtle s’attaque au célèbre « Get up, Stand up »sur une rythmique qui n’est pas sans rappeler « Hit the road Jack » de Ray Charles. Le son y est rond, chaud, les cuivres et les choeurs métronomiques. Bref tout ça part très bien. S’en suit le légendaire « Buffalo soldier » entonné par les fameux Sly & Robbie, plus habitués à nous offrir de la musique soul-funk de haute volée. Là, le groupe a choisi de nous offrir une version instrumentale du titre, et ça tourne très bien. Mais c’est vrai que j’aurai aimé entendre la voix se poser dessus. Après quoi, nous avons droit à « Concrete Jungle » en mode blues, superbement joué et interprété par The Holmes Brothers, dont le jeu de guitare est limpide, juste, fin, et le chant profond, plaintif. Un vrai beau morceau. Attention, écueil ! quand comme moi, vous avez grandi avec la version originale puis la version d’Eric Clapton de « I shot the Sheriff », c’est délicat d’entendre celle de Sébastien Lovato. Un orgue Hammond omniprésent, une ryhtmique un peu lourdingue, le tout faisant penser à une musique expérimentale ou d’ambiance ascenseur, loin, très loin, de ce que Marley avait imaginé pour ce titre, de sa signification. Un gâchis, d’autant que là encore, le chant est mis de côté, ce qui enlève une grosse partie de son intérêt au morceau. « Waiting in Vain », marque le retour au chant, grâce au talent de Xavier Desandre Navarre, accompagné de Vincent Peirani. A la manière des chants chorals de gospels, ce titre est joliment interprété, soutenu par une section rythmique sans faille. Le morceau tient une musicalité de haute volée. Ensuite, c’est le guitariste Nguuyen Lê qui prend le relais, accompagné de la chanteuse Julia Sarr, pour offrir une subtile et aérienne version de « Redemption song ». Nguyen Lê joue tout en finesse, offrant des nappes de notes, quasi spatiales. Julia Sarr s’appuie dessus sans en rajouter et nous laisse découvrir sa jolie voix.
Viennent alors les morceaux qui m’ont interpellés, à savoir la reprise du fameux « Exodus » par Alexis Bosce, le « Jammin » exécuté par Kim Waters, le superbe « Is this love » par Peter Sprague en compagnie de Leonard Patton et enfin pour clore ce bel hommage au Roi Marley, un « Could you be loved » de grande qualité. La version de « Exodus » est très jazz-fusion, avec une trompette qui fait penser à Miles Davis. Le « Jammin’ » façon Kim Waters résonne à mon sens trop commercial, le son est trop « propre ». « Is this love » est superbement chanté par Peter Sprague, qui met le feeling là où il faut sans en rajouter. Derrière lui, les musiciens sont parfaits. Ca tourne rond. Pour finir donc, « Could you be loved » joué entièrement au xylophone.. étonnant, mais cela donne une superbe couleur à ce morceau.
En somme, cet album hommage à Bob Marley est vraie réussite. Il ravira les puristes, réjouira les curieux-curieuses du mélange des genres (jazz, reggae). Je vous laisse avec une sélection de 3 morceaux. Bonne découverte à vous.
Guillaume.
GOGO PENGUIN, EPISODE V.

Le trio irlandais de jazz Gogo Penguin, a sorti en 2020 son cinquième opus au titre éponyme « Gogo Penguin ». J’avais découvert ce groupe en 2018, lors de son passage à la salle Jacques Brel de Fontenay-sous-Bois, lorsque le trio était venu y présenter « A hundrum star« , sorti cette année-là. Le concert avait été magique. Intense. Le public présent ce soir-là réservant d’ailleurs une ovation au trio irlandais en fin de concert.
Alors quid de « Gogo Penguin », cinquième avatar musical du trio britannique ?
Hé bien, franchement, je dois avouer que ce cru 2020 est dans la droite lignée de « Hundrum Star » et ses prédécesseurs. Il brille par cette unité et cette signature sonore qui rend désormais le trio irlandais reconnaissable, fait d’intensité, d’espace et de mélodies savamment travaillées, triturées. Les trois compères, Chris Illingworth (piano), Rob Turner (batterie), Nick Blacka (contrebasse) s’entendent à merveille. La musique est parfois spatiale, en tous cas très épurée, encore une fois dans le droit fil de leurs productions précédentes, mais sans jamais se laisser aller à une quelconque facilité commerciale ni de production. Tout est soigné, au cordeau. Le son léché donne à leur univers musical une ampleur unique. Les titres qui défilent ne faiblissent pas,
« Atomised » qui ouvre l’album nous indique tout de suite que le trio n’est pas là pour faire n’importe quoi. Le piano de Illingworth est d’entrée des plus hypnothiques, soutenu magistralement par ses compères Rob Turner et Nick Blacka. Ca tourne magistralement. La musicalité du groupe est toujours là. C’est puissant, précis, mélodique, entêtant.. Une mélodie qui vous emmène vers des contrées lointaines. Immédiatement. Le suivant « Signal in the noise » démarre de manière métronomique, un base rythmique vant soutenir sans faille la cadence infernale imposée par le piano. La machine Gogo Penguin, ultra rodée, s’entend à merveille et cela se ressent. Et le reste est à l’avenant. Une farandole de notes, de rythmes maitrisés, avec des embardées sonores parfois inattendues comme dans « Kora » aux accents électro teintés d’ambiance asiatique.
Par la suite, des morceaux comme « Totem », « To the Nth », « Don’t go » restent dans le droit fil de ce que sait faire avec brio ce trio irlandais. Avec parfois un petit sentiment de répétition…mais léger.
Egoïstement, j’attends le jour où ils intégreront un nouvel élément instrumental (guitare, saxophone) à leur groupe, pour élargir le champ des possibles.
J’ajoute que ce jazz très maîtrisé n’aurait sans doute pas déplu à un grand musicien récemment disparu, Chick Corea, ou à un autre grand nom du jazz, Esbjorn Svensson, disparu tragiquement en 2008. Pureté, minimalisme, mélodies sont au rendez-vous de ce « Gogo Penguin », qui est un album à écouter, découvrir.