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Bertrand Tavernier, le cinéma chevillé au corps.

Né à Lyon en 1941, Bertrand Tavernier, est le fils d’un romancier et résistant, qui protégea notamment Elsa Triolet et Louis Aragon pendant la seconde guerre mondiale. Il optera très vite pour la voie du cinéma, sa véritable passion., découverte à l’occasion d’un séjour dans un sanatorium pour soigner une tuberculose. Il a alors 12 ans. Plus tard, après des études de droits à la Fac, où il fondera un journal spécialisé dans le cinéma (« L’Etrave »), il monte un ciné-club, pour y mettre en avant des films de genres du cinéma hollywoodien . Ainsi y verra-t-on westerns, films noirs ou encore comédies musicales.. Il a connu mille vies avant de passer lui-même derrière la caméra et réaliser ses propres films. Ainsi fut-il assistant-réalisateur, puis attaché de presse du grand Stanley Kubrick (Spartacus, Les Sentiers de la Gloire-deux films avec Kirk Douglas-, Orange Mécanique, 2001 l’Odysée de l’Espace…), avec qui il travaillera pendant 10 ans (1964-1974) notamment sur deux films précités, « 2001, l’Odyssé de l’Espace » (1968), « Orange Mécanique(1971) avec Malcom Mc Dowell, Patrick Magee et « Barry Lyndon » (1975), avec Ryan O’Neal et Marysa Berenson. Il cessera sa collaboration avec Kubrick en lui adressant le mot suivant : « Comme artiste, vous êtes génial, comme patron vous êtes un imbécile ». Péremptoire et définitif. Avant cela, il avait fait ses armes auprès du grand Jean-Pierre Melville sur le tournage de « Léon Morin Prêtre » (1961), avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle principal. En 1965, il se retrouve à travailler aux côté de Jean-Luc Godard, qui tourne « Pierrot Le Fou », avec toujours Jean-Paul Belmondo, mais aussi Anna Karina, Jean-Pierre Léaud.
Dans les années 60, cet amoureux du cinéma américain va profiter de ses collaborations à des revues de critiques cinématographiques pour mettre en avant les réalisateurs américains qu’il affectionne, tels Raoul Walsh (« La Piste des géants », 1930- « Une corde pour te pendre », 1951), John Ford(« Le fils du désert », 1948 ; « La prisonnière du désert », 1956″; « La Conquête de l’Ouest » 1962 ; L’Homme qui tua Liberty Valence », 1962 ) John Huston (« Faucon Maltais », 1941 ; « Key Largo », 1948 ; « Quand la ville dort », 1950 ; « Les désaxés », 1961 ; « A nous la Victoire »,1981) ; ou encore Budd Botticher (« Les rois du rodéo », 1952 ; « La cité sous la mer », 1953 ; « Sept hommes à abattre », 1956 ; « La chute d’un caïd », 1960).
Il fonde aussi un ciné-club, le Nickel Club, pour y diffuser westerns, polars et comédies musicales. A la fin des années 60, quand survient le mouvement social de mai 68 en France mais aussi ailleurs dans le monde Bertrand Tavernier choisit de ne pas s’adjoindre aux réalisateurs français qui boycottent le festival de Cannes, veulent instaurer une « nouvelle vague » et de fait ringardiser le cinéma d’avant, les auteurs et scénaristes d’avant. Son choix fort en ce sens, sera d’ailleurs d’aller chercher le scénariste Jean Aurenche, lorsqu’il commencera à réaliser ses propres films. Ce scénariste-dialoguiste, qui a prêté son talent pour des films comme « Le diable au corps » de Claude Autant-Lara (1947), « La Traversée de Paris » (1956, et son inoubliable trio Gabin-Bourvil-De Funès), le nom moins fameux « Notre-Dame de Paris » (1956, avec Anthonny Quinn et Gina Lolobrigida), a donc travaillé avec Bertrand Tavernier sur plusieurs de ses films dont il a écrit les scénarii : « L’horloger de Sain-Paul (1974), « Que la fête commence » (1975), « Le juge et l’assassin » (1976). Il obtiendra d’ailleurs les césars du meilleur scénario en 1976 et 1977, pour « Que la Fête commence » et « Le juge et l’assassin »(face à face Noiret-Galabru). Il récidivera en 1982 pour le fameux « Coup de torchon », film avec Philippe Noiret, Jean-Pierre Marielle, Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Eddy Mitchell, Guy Marchand… C’est dire la qualité du bonhomme avec le quel travaille Tavernier.
Bertrand Tavernier, réalisateur, était un vrai conteur, un passionné de l’humain, de l’histoire avec un grand H, c’est pourquoi tout au long de sa riche carrière il ne s’est interdit aucun genre cinématographique ou presque. Ainsi il a exploré le polar ( « L.627 » ; « L’Appât » ), le film historique avec « Capitaine Conan » et « La vie et rien d’autre » ayant comme toile de fond la guerre de 14-18, « La guerre sans nom » en 1992, ayant pour thème la guerre d’Algérie, les films d’époque, La fille de D’Artagnan » (19994) et « La princesse de Montpensier »(2010), le film politique avec « Quai d’Orsay » (2013), le genre musical aussi puisqu’il est fan de jazz et il a rendu hommage superbement à Charlie Parker, dans le film « Autour de minuit » (1986) en offrant le rôle au saxophoniste Dexter Gordon, avec à ses côtés François Cluzet. Vient aussi le colonialisme avec « Coup de torchon » (1981), le tueur en série avec « Le juge et l’assassin » (1976). Il va également aussi tourner à l’étranger, à l’occasion de l’un de ses films les plus réussis à mes yeux, « Dans la brume électrique » véritable polar mené dans le sud des Etats-Unis, avec le grand Tommy Lee Jones dans le rôle titre. On y voit même le légendaire guitariste de blues Buddy Guy jouer lors d’une séquence.
Tout au long de sa carrière, Bertrand Tavernier, infatigable passionné du cinéma américain et français, n’a donc cessé de communiquer son amour pour le 7ème Art, les vieux films, le patrimoine. C’était un transmetteur, un conteur, à la manière d’un Jean-Claude Carrière ou encore différemment, d’un Jean-Loup Dabadie. Il a dirigé devant sa caméra nombre de comédiens et comédiennes français(es) ou américains. Outre son acteur Philippe Noiret ( cinq films ensembles), Isabelle Huppert (3), il y a eu Jean-Pierre Marielle (« Coup de torchon »), Sabine Azéma (« La vie et rien d’autre »), Stéphane Audran (« Coup de torchon »), Michel Galabru (« Le juge et l’assassin », Philippe Torreton (« Capitaine Conan »), Didier Bezace (« L.627″), Gaspard Ulliel (La Princesse de Montpensier »), Sophie Marceau, Claude Rich, Samy Frey (La fille de D’Artagnan), Marie Gillain, Bruno Putzulu, Richard Berry (L’Appât), Niels Arestrup, Thierry Lhermitte (« Quai d’Orsay »), Tommy Lee Jones, John Goodman (« Dans la brume électrique »).
Bertrand Tavernier était autant une figure qu’une voix du cinéma français. Il ne manquait pas une occasion de prendre position pour défendre sa profession lorsque celle-ci était mise à mal par celles et ceux qui gouvernent, quelle que soit l’époque. Il était connu et reconnu à l’étranger, ses films étant régulièrement primés, depuis 40 ans, dans les plus festivals tels que la Mostra de Venise, la Berlinale, mais aussi à San Sébastian, aux BAFTA britanniques, ou en France au Festival de Cannes et lors de la cérémonie des Césars. Il avait reçu le prix Louis Delluc en 1973 pour son film « l’Horloger de Saint-Paul ». Au sujet de ce film, une anecdote, un horloger installé dans le quartier de Saint-Paul à Lyon avait sollicité Bertrand Tavernier pour lui demander l’autorisation d’appeler son magasin « L’Horloger de Saint-Paul », en hommage au film du réalisateur. Touché par la démarche, Tavernier avait accepté. C’est dire la qualité de l’homme. En 2015, il avait été honoré d’un lion d’Or pour l’ensemble de sa carrière. Preuve ultime de la reconnaissance de ses paires hors des frontières françaises.
Lui qui avait le cinéma chevillé au corps, à l’âme, Il laisse une filmographie dense, de qualité, et riche en sujets traités. Un réalisateur à (re)découvrir.
Guillaume.
Eddy Mitchell, de Belleville à Nashville.

Eddy Mitchell, né Claude Moine naît en pleine seconde guerre mondiale, en 1942 à Paris, grandit à Belleville, quartier qu’il honorera dans une chanson, « Nashville ou Belleville ». Sa mère travaille dans une banque, son père à la société des transports parisiens. Quelques années plus tard, il sera même garçon de courses au Crédit Lyonnais, dans une agence proche du Golf-Drouot, club qu’il fréquente alors régulièrement et y découvre nombre d’artistes américains. A l’âge de 11 onze ans, le jeune Claude découvre le rock’n’roll par le biais de Elvis Presley, la star de l’époque, mais aussi Bill Haley, qu’il découvre en concert à Paris en 1958. Un choc pour le jeune Claude Moine. Puis ce sera Chuck Berry, Gene Vincent, Eddy Cochran et Buddy Holly. Il évoquera d’ailleurs Eddy Cochran et Buddy Holly, morts tous les deux très jeunes dans des circonstances tragiques, dans une chanson, « J’avais deux amis ».
En 1961, lui l’amateur de rock, country, va créer le premier groupe de rock français : Les Chaussettes Noires, au sein duquel il va également côtoyer un saxophoniste du nom de Michel Gaucher. les deux hommes ne se quitteront plus, le saxophoniste, devenant même au fil das années, le directeur musical de… Eddy Mitchell. Eddy en référence à l’acteur-chanteur américain Eddie Constantine, et Moine devient Mitchell.
Adolescent, traînant souvent à Pigalle, à la Trinité, et donc au Golf-Drouot, cité plus haut. Il va y faire deux rencontres qui vont changer sa vie. Celles d’un certain Jean-Philippe Smet, devenu Johnny Hallyday, qui retient déjà la nuit jusqu’au petit matin, cette aube merveilleusement chantée par le 3ème larron, Jacques Dutronc, dans la fameuse chanson « Paris s’éveille » (texte de Jacques Lanzmann). L’homme au cigare et Ray-Ban étant même un temps pressenti comme guitariste dans le groupe d’ Eddy Mitchell. Bref, dès le milieu des 60’s, avant même l’arrivée de la vague Yéyé, ces trois amis ont scellé un pacte qui durera toute leur carrière. Mais revenons à Eddy Mitchell.
Personnellement, je l’ai découvert à l’âge de 14-15 ans, époque à laquelle il chantait des titres comme « Couleur menthe à l’eau » (c’est pour toi LowLow 🙂 ), un slow qui passait en boucle dans les surprises-party de l’époque, mais aussi » La dernière séance » chanson qui évoque son amour pour le cinéma (l’émission, diffusée le mardi soir sur FR3-toute une époque-, était tournée notamment au cinéma Royal Palace de Romainville, classé depuis aux Monuments Historiques!), la fin des cinéma de quartiers. A l’époque son « Cimetière des éléphants » a connu également un grand succès. Eddy Mitchell, s’il a débuté à l’époque du rock’n’roll, s’est donc très vite tourné vers la country, le jazz, genre dans lequel sa voix souple fait merveille, raison pour la quelle il a toujours voulu avoir un grand orchestre avec lui. Une année, il avait d’ailleurs relevé le défi de se produire dans 3 ou 4 endroits de Paris, avec des formations différentes, allant donc de la formation rock au grand orchestre jazz, en passant par la country.
Précis, méticuleux, il a toujours aimé des arrangements très soignés signés de son complice Michel Gaucher. Fidèle en amitié comme avec ses musiciens, il a depuis très longtemps à ses cotés la même équipe, des cuivres à la guitare de Basile Leroux, qui à aussi accompagné beaucoup d’autres artistes français, du pianiste Jean-Yves D’angelo, et surtout celui qui lui écrit beaucoup de ses textes, Pierre Papadiamandis.
Celui que l’on appelle indifféremment Schmoll ou Mr. Eddy, est un passionné de BD, il en fera mention dans une superbe chanson » Le portrait de Norman Rockwell », dédié à ce grand dessinateur américain. Il parlera aussi des grands espaces américains « Rio Grande », « Route 66 », « Sur la route de Memphis ». C’est d’ailleurs son amour pour ce pays qui lui fera enregistrer nombre de ses albums là-bas, mais aussi à Londres et Paris. Durant cette période américaine, pendant laquelle il réalisera des albums à la sonorité country-rock, il sera parfois accompagné de l’harmoniciste américain Charlie Mc Coy, une véritable pointure. En 2006, il part à La Nouvelle-Orléans, enregistrer l’album « Jambalaya ». Pour ce disque, il fait appel à la légende Little Richard, au célèbre pianiste de jazz Dr. John, à Beverly Jo Scott, à l’harmoniciste français Jean-Jacques Milteau, et bien sûr à son fidèle ami, Johnny Hallyday, avec qui il chante sur « On veut des légendes ».
Ayant débuté en faisant surtout des adaptations de chansons de Gene Vincent, il ne cesse depuis, de chanter des artistes comme Ray Charles, Jerry Lee Lewis, Carl Perkins, mais aussi les Beatles « You’ve to hide your love away » devenue « Tu ferais mieux de l’oublier », et la liste est longue. Il a le goût également d’évoquer des artistes qu’il apprécie dans plusieurs chansons : « Otis » (Otis redding), « j’avais deux amis » (Buddy Holly et Eddie Cochran », « Mister J.B. » (James Brown), « La voix d’Elvis » (Elvis Presley).
il aime partager la scène et ses chansons avec des ami.e.s. Ainsi, Michel Sardou, Véronique Sanson, Axelle Red, mais aussi Maxime Le Forestier, et plus récemment, Alain Souchon et Laurent Voulzy, (qui lui ont composé le titres « L’esprit des grandes prairies ») ont eu l’occasion, rare, de chanter live en duo avec Mr.Eddy.
Si Johnny Hallyday etait reconnu, outre ses qualités vocales, pour avoir été une vraie bête de scène, Eddy Mitchell, dans un registre très différent, est capable de tenir jusqu’à 2h voire plus sur scène, en alternant les registres rock, crooner, country. Un éclectisme musical qui a fait son succès. Son registre vocal lui permettant également de belles envolées, certes moins spectaculaires que celles de Johnny Hallyday. Pour l’avoir vu à plusieurs reprises sur scène, à Bercy à 2 reprises ( te souviens-tu Florent ?), puis à l’Olympia ou au Palais des sports pour sa « dernière séance », j’ai à chaque fois pu vérifier ce que j’avance.
Mais revenons aux duos. Cette pratique initiée par les artistes anglo-saxons dans les 70’s, et régulièrement pratiquée, en France dans les années 70 également, il la reprend à son compte en 2017 pour signer un bel album, « La même Tribu » (2017). Eddy Mitchell y rassemble autour de lui, outre Hallyday et Dutronc, des artistes comme Renaud débarassé de Mister Renard, Julien Clerc l’homme qui aimait les femmes, Arno descendu du plat pays qui est le sien, Keren Ann ex muse de Benjamin Biolay, Ibrahim Maalouf et sa trompette multicolore, le soulman Charles Bradley, Sanseverino et sa guitare manouche, le « papa » d’ « Aline » Christophe, et donc sa fille Marylin Moine. Du beau linge.
Il le fera bien sûr avec ses compères Johnny Hallyday et Jacques Dutronc, ces dernières années lors des concerts, en 2014 puis en 2017, des « Vieilles Canailles« , sur le mode Rat-Pack du trio Franck Sinatra-Dean Martin, Sammy Davis Jr. Il a parfois rejoint sur scène son « frère », Johnny Hallyday, au Parc des Princes en 1993 notamment à l’occasion des 50 ans de son ami, pour chanter « Excuse-moi partenaire », puis plus tard, celui-ci lui rendra la pareil, au Zénith (j’y étais) pour un mémorable « Bon vieux temps du rock’n’roll ». Mais je ne peux pas oublier le fameux duo avec le regretté Serge Gainsbourg sur « Vieille Canaille ». Il a effectué sa dernière tournée en 2010, intitulée « Ma dernière séance ». Il terminait toujours ses concerts par le fameux « Pas de Boogie Woogie »…
Parallèlement à sa longue et riche carrière de chanteur, Eddy Mitchell a également foulé les planches des plateaux de cinéma, devant la caméra des plus grands, de Bertrand Tavernier à Claude Lellouch, en passant par Jean-Pierre Mocky, Etienne Chatilliez. « Attention une femme peut en cacher une autre », »La totale », « Ronde de Nuit », film dans lequel je l’avais découvert en tant que comédien, puis « Coup de torchon », « Le bonheur est dans le pré », « La totale », « A mort l’arbitre », « Les vieux fourneaux », « Salaud on t’aime », « Ville à vendre »… et j’en passe. Il a mélangé les genres, avec bonheur parfois et moins de réussite par ailleurs. Cette carrière au cinéma lui a permis de côtoyer des comédiens tels que Michel Serrault, Philippe Noiret, Roger Hanin, Gérard Lanvin, Miou-Miou, Thierry Lhermitte, Carole Laure, Stéphane Audran, Michel Boujenah, Jean-Pierre Marielle, Sandrine Bonnaire…là aussi la liste est longue.


Aujourd’hui, il se consacre surtout au théâtre, au cinéma, mais la chanson n’est jamais bien loin, un album toujours en gestation. Je vous laisse avec ce géant de la chanson française et quelques unes de ses plus belles chansons.
Guillaume.