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Noa, retour en mode intimiste.


La chanteuse israélo-américaine Noa, apparue sur la scène internationale au début des années 90’s, s’est rendue célèbre avec sa chanson « I don’t know« , parue en 1994. Elle se fera connaître en France par le biais de l’émission « Taratata » animée par Nagui, en septembre 1995. Son timbre de voix haut perché, sa musique qui mélange savamment orient et influences pop occidentale vont faire mouche à l’époque.
Depuis elle a mené une belle carrière, enregistrant notamment en 1997, la version originale de la comédie musicale « Notre Dame de Paris « , en reprenant le rôle d’Esmeralda. En 1999, avec Eric Serra, elle écrit la chanson « My heart calling », pour la bande originale du film de Luc Besson, Jeanne D’Arc. Bref, elle ne chôme pas, croule sous les belles propositions.

Jusqu’à ce nouvel album, « Afterallogy », sorti cette année, où accompagnée du seul guitariste Gil Dor, elle revisite des classiques du répertoire jazz. Tout démarre par un « My funny Valentine » aérien, portée par la voix cristalline de Noa, soutenue par le phrasé léger de Gil Dor. Après cette entrée en matière, c’est le très beau « This Masquerade », servi de façon élégante par la voix de Noa qui déboule. Après ça, vient pour moi le premier morceau de bravoure du disque avec « Anything goes », morceau composé par Cole Porter, interprétée autrefois par Ella Fitzgerald, puis Stan Getz et Gerry Mulligan en version instrumentale en 1957, avant que Tony Bennett, avec le Count Basie Orchestra en 1959 n’en donne sa version chantée. Il renouvellera l’expérience en 1994, avec Lady Gaga, ce qui sera le premier duo de leur album « Cheek to Cheek ». Donc vous le voyez ce morceau a connu de belles interprétations avant celle de Noa ici. Après quoi la belle chanteuse nous entonne « Oh Lord », complainte en langue hébreu. Ici, la sobriété du jeu de Gil Dor s’accommode très bien de ce titre, de ce langage.

Jusqu’ici nous sommes comme dans une conversation intime avec cette artiste, au coin du feu, ou dans un bar, à la lumière tamisée des lampes restantes, offrant intimité, proximité. Le dialogue initié entre la guitare et la voix renforce cet effet évidemment. Cette sensation continue de s’exprimer avec « But beautiful », également enregistrée par Billie Holiday, Joe Pass, Tonny Bennett et Lady Gaga. Arrive alors le bien nommé « Something’s coming », initialement écrit pour le film-comédie musicale « West Side Story » aux 10 Oscars en 1961, avec George Chakiris (Nardo), Natalie Wood (Maria), Richard Beynner (Tony, amoureux de Maria) entre autres…). Le disque se déroule tranquillement, ici nous appelant à rentrer à la maison  avec « Calling home » puis la belle brune nous chante « Darn that Dream », autrefois joué par le saxophoniste Dexter Gordon, le pianiste Ahmad Jamal ou encore Benny Goodman and his Orchestra. Bref de glorieux prédécesseurs. « Lush Life » nous arrive alors en pleine face, un écrin de pureté, un joyau, une moment de grâce vocale. Noa semble se régaler à interpréter ce registre jazz en mode guitare-voix. Ce dialogue intime, épuré, lui plaît. Ce titre lui aussi a fait l’objet de nombreuses versions. Les plus marquantes étant celles de John Coltrane, Nancy Wilson, Bud Powell, Rickie Lee Jones, Natalie Cole, Queen Latifah, Kurt Elling ou bien encore le duo Bennett-Gaga. Pour  ce disque tout en subtilité, Gil Dor a composé « Waltz for Neta ». Magnifique. Et pour clore ce dialogue, Noa et Dor nous jouent un « Every time we say goodbye », autre morceau de Cole Porter, en toute simplicité, légèreté, retenue. De la haute couture. Très beau.

Je vous conseille donc de ne pas attendre pour écouter ce disque. 

Guillaume.

Michel Legrand, entre jazz et musiques de films, chapitre 2.



Suite au volume 1 déjà chroniqué ici, voilà donc le second volet du coffret « Le monde musical de Michel Legrand » concocté par l’excellent label Frémeaux & Associés. Dans le précédent article consacré à ce coffret magistral, je m’étais arrêté sur la partie jazz de ce grand musicien, qui consacrait un disque entier à Cole Porter, immense musicien de jazz du début du vingtième siècle.

Pour ouvrir ce deuxième chapitre du coffret intitulé « Le monde instrumental de Michel Legrand : Jazz et Musiques de films », sur le disque numéro 7, on démarre avec la formation orchestrale de Michel Legrand, qui interprète le titre « Falling in love again », classique du jazz américain, puis on arrive à la chanson « Avoir un bon copain » chanté par Jean Boyer, puis on découvre « qu’avez-vous fait de mon amant », le fameux « Cheek to Cheek » de Irving Berlin », la belle chanson de Jacques Prévert « Démons et merveilles », l’illustre thème musical composé par Dimitri Tlomkin, du film « Le train sifflera trois fois » (1952, Fred Zinnemann), avec notamment Gary Cooper et Grace Kelly. Puisque j’évoque les musique de films, vous y retrouverez aussi la musique de « La rivière sans retour » (1954), d’Otto Preminger, avec le duo Robert Mitchum-Marilyn Monroe. Une version orchestrale surprenante de « Only you » est au menu de ce disque. Le saxophone remplace le lead vocal. S’en suit « Un américain à Paris », morceau écrit par le célèbre compositeur de jazz George Gershwin, et qui servit de bande-son au film du même réalisé par Vincente Minnelli en 1951, avec à l’affiche Gene Kelly, Leslie Caron et George Guétary. Cette fois Michel Legrand reste au piano tout en dirigeant un orchestre  symphonique. Pour finir ce disque, Michel Legrand nous gratifie de morceaux qui composent la bande originale du film « Une femme est une femme » (1961, Jean-Luc Godard), avec Anna Karina, Marie Dubois, Jean-Claude Brialy et Jean-Paul Belmondo.

Dans le disque suivant, le numéro 8, Michel Legrand nous emmène cette fois dans l’univers des musiques de films qu’il a écrit et dirigé. Cela démarre par « L’Amérique insolite » (1960), documentaire de François Reichenbach, sur le quel il a travaillé et dont il composé la musique. Puis on enchaine avec « Terrain vague »(1960), réalisé par Marcel Carné, dont là encore il écrit en collaboration avec Francis Lemarque la musique. Après arrivent plusieurs titres évoquant « Le Cave se rebiffe », célèbre film de Gilles Grangier (1961), sur des dialogues de Michel Audiard, avec un casting au petits oignons, puisque Jean Gabin est entouré de Bernard Blier, Maurice Biraud, Françoise Rosay, Robert Dalban ou Ginette Leclerc. En 1962, Michel Legrand retrouve le trio Grangier-Audiard-Gabin pour « Le Gentleman d’Epsom » (1962), avec sa thématique autour des courses de chevaux… monde cher à Jean Gabin. Y figurent Louis de Funès, Paul Frankeur, Jean Lefebvre, Madeleine Robinson. Puis on change de registre cinématographique avec tout d’abord « Eva » (1962, Joseph Losey), avec Jeanne Moreau dans le rôle principal. Michel Legrand nous invite à écouter le thème d’Eva, puis celui de Adam et Eva, chanté par Tony Middleton. Enfin pour clore ce disque, Michel Legrand nous offre des extraits de la bande musicale de « Lola » (1962, Jacques Demy), avec Anouk Aimée dans le rôle-titre. Un joli choix.

Pour aborder le neuvième disque, Michel Legrand nous offre un voyage entre la France et es Etats-Unis, entre Paris et New-York, plus précisément Broadway, deux villes où il a vécu, travaillé pendant de longues années. Dans la première partie de ce disque, là encore avec son orchestre Michel Legrand revisite ou joue fidèlement des airs de chansons comme « C’est si bon », « Milord » (écrite par Marguerite Monnot et Georges Moustaki pour la grande Edith Piaf), « que reste-t-il de nos amours » et « Boum » du grand Charles Trenet, un standard du jazz signé Cole Porter « c’est magnifique », « la maladie d’amour », morceau traditionnel antillais, puis la « Petite Fleur » du clarinettiste Sidney Bechet. C’est très agréable de replonger dans ce patrimoine musical, qui avec le temps, peut avoir tendance à disparaître des rayons, des mémoires. C’est donc un travail bien utile accompli par Michel Legrand et encore davantage par Frémeaux & Associés, de ressortir ces pépites. Sur l’autre partie du disque, consacrée à sa période « Broadway », Michel Legrand nous sert une farandole de titres jazz, toujours accompagné de son orchestre. On y trouve « On the street where you live », « Yesterdays », ensuite deux titres de Georges Gershwin, le classique incontournable multi-interprété « Summertime », de même que « I got plenty of nuttin’ « , ou encore « Smoke gets in your eyes ». 

Enfin pour clore ce deuxième chapitre de ce long coffret, le dernier disque rassemble 3 albums, « Strings on fire » (1962), puis un album avec orchestre à cordes, et le troisième, « Michel Legrand se joue Nougaro » (1962) . Sur « Strings on fire », on trouve des perles de morceaux  orchestrés, comme « Perfidia » chanté à l’origine par Alberto Dominguez, « Boulevard of the Broken Dreams », autrefois chantée par Frances Langford, « Close your eyes » immortalisé par Bernice Petkere en 1933, « Come-back to Sorrento » donnée en version originale (italien) par Dino « Dean » Martin en 1953, et pour terminer, une orchestration du « All or nothing at all » que Franck Sinatra chanta merveilleusement dès 1939.  Sur le second album, ça démarre en douceur avec la chanson « Venus » mise en valeur par des cordes très en avant et des choeurs trop discrets hélas. Puis nous avons droit à une très belle version de la chanson d’Orphée (Mahna de Carnaval), tirée du film Orfeu Negro, réalisé par Marcel Camus (1959), dont la musique originale est dû à Luiz Bonfa et Antonio Carlos Jobim. Figure aussi le titre « Adieu tristesse »(Felicidade), également extrait de Orfeu Negro.

Sur le disque consacré au taureau de Toulouse, Claude Nougaro, Michel Legrand reprend quatre chansons célèbres du chanteur français. Il s’agit de « Les Dom Juan », « Le cinéma », « Où? », et « Le jazz et la java ». Que du bonheur en barre d’écouter les orchestrations de ces morceaux. Le son ici est plus moderne, les orchestrations plus jazz-pop, en tous cas sur « Les Dom Juan » où synthés classiques, piano et synthés électroniques se côtoient joyeusement. « Le cinéma » se voit habillé d’un orchestration swinguante et syncopée, un peu folle, mais bien dans l’esprit original. « Où » nous embarque sur des atmosphères très habitées, des rythmes qui se suivent à une cadence folle, le tout dans une ambiance sonore qui fleure bon le psychédélique des 70’s. « Le jazz et la java » qui clôt ce disque et ce long coffret est un morceau qui résume parfaitement ce qu’a été la vie et la musique pour Michel Legrand. Une promenade sonore dans des univers différents, un amusement permanent effectué dans le sérieux, pour toujours donner le meilleur de lui-même.

Le résultat est magnifique. 

En cadeau bonus, nous avons droit à des titres comme « Sans toi », chantée par Corinne Marchand, « La belle P…. », « La joueuse », La menteuse », ces titres figurant sur la bande originale du film « Cléo de 5 à 7 » (1962) d’Agnès Varda. Bref c’est un joli coffret, un objet musical à savourer tranquillement. 

Guillaume.

Michel Legrand, entre jazz et musiques de films, chapitre 1.


Michel Legrand, pianiste-compositeur de génie, décédé en janvier 2019, à qui j’ai déjà consacré ici  un article, lsur sa collaboration musicale avec le réalisateur Jacques Demy, fait l’objet par le label Frémeaux, d’un coffret 10 cd retraçant son travail de création de musique jazz, ses orchestrations de chansons françaises, d’airs traditionnels, de musiques de films, sur lesquels il a travaillé ou non. L’inventaire est copieux et ne couvre que la période allant de 1953 à 1962. Avant que Michel Legrand ne devienne un musicien ultra demandé après les succès des « Parapluies de Cherbourg »(1963), et quatre ans après des « Demoiselles de Rochefort »(1967), réalisés par Jacques Demy. Une nouvelle carrière s’offrira lui désormais.

Dans la première partie du coffret, qui regroupe les six premiers disques, que je vais évoquer ici, il est possible de découvrir un Michel Legrand, qui dès 1953, dirige, sous le pseudo de Big Mike, un orchestre à cordes, avec lequel il interprète des chansons françaises de Gilbert Bécaud (« viens »), puis en 1955 Vincent Scotto (« sous les ponts de Paris »), ou Francis Le marque (« à Paris »). Et même du jazz avec Cole Porter (« I love Paris »).

Dès le second disque, qui aborde l’année 1956, on passe aux musiques de films que Michel Legrand, sans les avoir écrites, dirige avec sa grande formation orchestrale. On y trouve « La complainte de la butte », tirée du film « French Can-Can » (1955) de Jean Renoir, « le grisbi », extrait de « Touchez pas au grisbi »(1954), de Jacques Becker, avec un casting royal Jean Gabin-Lino Ventura-Paul Frankeur, « si tu m’aimais » tirée du film de René Clair « Les grandes manoeuvres »(1955), ou encore « Smile » qui vient de « Les temps modernes » (1936) de Chaplin. Les orchestrations sont brillantes, parfois enjouées, toujours dans un style très aéré, plaisant à écouter. Il en va de même pour le rock, nouveau genre pour lui, vers lesquels il se dirige, avec entre autres « rock around the clock », popularisé aux États-Unis par Bill Haley.

Dans le troisième disque, Michel Legrand aborde avec bonheur les airs traditionnels notamment américains. Ainsi « Red river valley », « Greensleeves », « All throught the night » et « Along the Colorado » subissent-ils sa patte orchestrale. Le résultat est frais, agréable à entendre. Il ajoute même sa patte musicale sur la fameuse chanson française  » en passant par la Lorraine ».

Sur le quatrième opus, année 1957, on change d’univers, pour aborder le jazz. Là, on sent que le musicien-mélomane se régale véritablement. Michel Legrand aborde le morceau mythique écrit par Duke Ellington (« Caravan »), puis il nous embarque vers les rivages colorés du Brésil avec « Bahia », de Ary Barroso, et d’Espagne avec le chatoyant « Granada » signé de Augustin Lara. Il nous régalé aussi d’une très belle version de « Besame mucho ». C’est un régal que d’écouter ce voyage en musiques ici rassemblées par Frémeaux. Et le plaisir n’est pas terminé.

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En effet dans le chapitre 5 de ce gros coffret, est abordé la partie jazz de Michel Legrand, à travers l’année 1958. Imaginez le bonheur ressenti par ce musicien-mélomane lorsqu’il fut amené à diriger des oeuvres écrites par de grands noms de l’histoire du jazz. Que ce soit Duke Ellington (photo ci-dessus) avec « Dont get around much anymore », Fats Waller (première photo ci-dessus)  et sa « The Jitterburg waltz », Benny Goodman avec « Stompin’at the Savoy », Dizzy Gillespie et son célèbre « Night in Tunisia », ou encore Django Reinhardt et son fameux « Nuages », que demander de mieux ? Michel Legrand a donc eu le plaisir de jouer de faire revivre ces standards du jazz sous sa direction, sentiment jubilatoire à n’en pas douter. Le résultat est une fidélité à l’esprit des oeuvres telles que conçues par leurs auteurs, mais là encore Michel Legrand y met sa touche personnelle, tout en subtilité.

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Sûr la sixième partie de ce coffret, qui évoque là aussi l’année 1958, on retrouve Michel Legrand à la direction d’orchestre pour honorer l’un des plus grands compositeurs de musique jazz du vingtième siècle, Cole Porter. A ce monsieur désormais un peu oublié, et c’est fort dommage, le grand public, les musiciens, chanteurs et chanteuses de jazz doivent de pouvoir entendre, jouer, chanter des titres tels que : « Just one of things », « in the still of the night », « What was this thing called love », « Anything goes », « I get a kick out of you », « I’ve got you under my skin », « Night and Day »…et beaucoup d’autres encore. Des interprètes aussi nombreux et célèbres que Frank Sinatra, Michael Bublé, Jamie Cullum, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Diana Krall, Lisa Ekdhal, Harry Connick Jr., Herbie Hancock, Bill Evans, Oscar Peterson, Dinah Washington, Charlie Parker, Marlène Dietrich, Natalie Cole, Rod Stewart, pour ne citer qu’eux …ont repris un jour où l’autre les chansons citées ci-dessus. Michel Legrand se tire à merveille de cet exercice et on sent pleinement le plaisir qu’il prend à jouer ce répertoire de standards.

Cette première partie du coffret consacré à Michel Legrand nous montre donc un musicien multi-cartes, passionné et passionnant, sautant d’un genre à l’autre avec une aisance déconcertante et une facilité incroyable.

La suite sera l’occasion d’une prochaine chronique.

En attendant je vous laisse avec une playlist regroupant les titres évoqués dans cet articles, soit interprétés donc par Michel Legrand, mais aussi par leur compositeurs originaux, et par quelques interprètes célèbres. Régalez-vous.

Guillaume.

A travers la grande diagonale


3760127222392_600Ce disque nous propose un voyage d’est en ouest des U.S.A en parcourant cette route mythique qu’est « la route 66. baptisée la  » route des rêves », « la grande diagonale », symbole du rêve américain. Shani Diluka née en 1976 à Monaco de parents srilankais, pianiste de réputation mondiale, a décidé de nous entrainer dans un voyage méditatif avec comme fil conducteur le livre de Jack Kerouac « Sur la route 66 » (écrit en 1967) prétexte à la redécouverte de grands compositeurs du 20e siècle, américains de naissance ou de cœur.

Françoise

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