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Billie Holiday, une vie de Blues pour cette Lady.

Le livre qui nous occupe ici, « Lady sing the Blues« (Editions Parenthèses, collection Eupalinos), dont le titre est une référence à l’un des titres phares du répertoire de la chanteuse, est différent de celui écrit par Philippe Broussard en 2015 aux éditions Stock, intitulé « Vivre cent jours en un« , car c’est une autobiographie, co-écrite avec l’aide de William Dufty, publiée en 1956. Ce qui change également, c’est que Billie Holiday, contemporaine d’Ella Fitzgerald, s’exprime ici à la première personne dans le livre, donc nous sommes, nous lecteurs, dès le début embarqués dans son sillage, dans ses aventures d’enfant ballotée, puis on la suit lors de son départ seule à New-York, dans le quartier de Harlem, dans un appartement de deux pièces, avec un piano droit, pensant échapper à la misère, aux sévices masculins, au racisme, bref à tout ce qu’elle a subi depuis le début de sa vie. Billie Holiday nous raconte également son arrière grand-mère, maîtresse d’un propriétaire terrien blanc, qui possédait des plantations et nombre d’esclaves. Elle nous parle des clubs interdits aux noirs, tels le fameux Cotton Club(photo ci-dessous), sauf aux musiciens et danseurs venus là pour distraire les blancs qui souhaitent s’encanailler et passer du bon temps en dépensant leur argent.

Personnage important du livre et de sa vie, sa mère, qui est tout pour elle, qui détestait la solitude et s’arrangeait toujours pour avoir la compagnie des hommes, et quand ceux-ci n’étaient pas là, dans celle de l’alcool. Cette mère à qui, bien qu’ayant très tôt quitté l’école, Billie va, par le biais de jeux scolaires, apprendre à lire et écrire. Son père disparu de la circulation très tôt dans sa vie, elle en aura des nouvelles de temps en temps par courrier, ce dernier évoquant alors sa fierté envers le devenir de sa fille. Puis un soir de 1937, tout bascule. Alors qu’elle s’apprête à rentrer en scène, un téléphone sonne et la demande. Un voix lointaine demande si elle se nomme bien Eleanore Billie Holiday, ce qu’elle confirme, et si son père s’appelle Clarence Holiday. Double confirmation. Cette voix lointaine lui annonce alors le décès de son père et demande si elle souhaite récupérer le corps. Bref, des moments très difficiles à vivre. Et puis au détour d’une anecdote, Billie Holiday évoque comment lui est venu le nom de « Lady Day ». « C’est Lester Young, mon saxophoniste, qui à côté de « Lady » a rajouté la syllabe day de mon nom, ce qui a donné « Lady Day » et c’est resté ».

Son entrée dans l’orchestre du grand Count Basie (surnommé la machine à swing de Kansas City, sa ville natale), pour gagner en expérience et se faire des sous. Mais sur ce côté là, déception, elle ne touchera que quatorze des trente-cinq dollars promis. Elle dit sans détours son aversion pour la routine des tournées, la monotonie qu’elles engendrent, et qu’elle a failli quitter le groupe avec Lester Young, lassée de cette vie et des accusations de mettre la pagaille dans la troupe en séduisant tous les musiciens, ce dont elle s’est fortement défendue. Nous révèle les vicissitudes vécues lors d’une tournée, à Detroit, en période de ségrégations raciales. Le propriétaire du théâtre où devait se produire Basie et son orchestre avec Lady Day, exigea d’elle, trop pâle à son goût, qu’elle se fonça le teint, sinon pas de concerts!!! Ulcérée, mais collégiale, Holiday finit par obtempérer. Ou la remarque d’un patron de club à Chicago, un certain Joe Glaser, qui lui demanda de maigrir si elle voulait un contrat ! Le sexisme dans toute sa splendeur!!!! Outre tous ces désagréments, Billie Holiday a retenue de son expérience avec Count Basie un bagage formidable, des rencontres humaines de qualité et surtout la somme de titres travaillés et qui désormais constituaient le répertoire du Count.
Au delà de ces faits, et de beaucoup d’autres narrés avec justesse, émotion, colère, drôlerie parfois, déception aussi, le lecteur découvre les multiples facettes de Billie Holiday. Ce récit nous retranscrit très bien tout cela, nous replonge au côté de cette grande dame du jazz, dans cette période sombre de l’Amérique, où la ségrégation régnait à plein, où les noirs, hommes ou femmes n’avaient que peu droit de cité, bref où la vie était un vrai enfer pour elles, pour eux. Le seul moyen d’en sortir, de se faire respecter des blancs, était de s’imposer dans le monde artistique, ici le jazz, verrouillé pourtant à l’époque par des hommes. La vie de cette diva qui n’aura vécu que 44 ans, tout en nous laissant des titres inoubliables comme bien sûr « Lady sing the Blues », » Strange fruit »(chanson créée en 1939, au Café Society à New-York, un des premiers clubs ne pratiquant pas de discrimination raciale), « I’m a fool to want you », « My man » et beaucoup d’autres, est ici contée sans détours, ni commisération, juste avec la bonne distance et le ton sincère d’une artiste qui se livre, en confiance.
Tout au long du livre, le lecteur se régale, car au delà des moments glaçants, il est rempli d’anecdotes drôles tendres, on la suit aussi dans sa carrière musicale, on est avec elle quand elle doute, quand elle retombe dans ses travers, quand elle chante. Bref c’est une belle évocation, très fidèle, qui prend parfois le lecteur aux tripes, car Billie Holiday s’avère être un personnage attachant, sensible, malgré ses fragilités, ses cicatrices de vie. Elle fait face, non sans mal, dans ce monde d’hommes qu’est le Jazz, le Business, aux musiciens, producteurs, agents, directeurs de clubs ou de casinos, bref à tous ceux qui pourraient avoir une position de pouvoir sur elle. Mais elle sait aussi reconnaître leur talent quand il est là, leur honnêteté, leur bienfaisance si elle est réelle. Reste que parfois, sa naïveté lui a joué de sacrés tours, tant sur le plan privé que professionnel. Cela l’emmenait alors vers des paradis artificiels que sont l’alcool et la drogue.
A celles, ceux qui ne connaitraient pas encore cet immense artiste, l’une des plus grandes voix du jazz du vingtième siècle, je conseille sans hésiter de lire ce livre, pour s’approcher au plus près de la légende, de la vie bien remplie loin d’avoir été un long fleuve tranquille (hé oui, Laurent et Carine, j’ai placé une belle référence cinématographique .. pour le plaisir..) de celle qui a tout subi, vécu, déboires, gloire, avant la déchéance et finir dans la misère, éloignée de tous, jusqu’à être enterrée dans un cimetière à l’écart de New-York, ville de ses triomphes. Comme si on voulait oublier l’immense artiste qu’elle a été. Comme un ultime affront. Heureusement nous reste ses disques, sa voix, en guise de patrimoine, de témoignage ultime.
Pour celles et ceux qui voudraient découvrir cet immense artiste, il existe plusieurs pistes :
CD :
-Solitude / Billie Holiday.
-Billie Holiday : Jazz blues collection / Editions Atlas.
-The centennial collection / Billie Holiday.
-Lady sing the Blues / Billie Holiday.
Livres :
-Lady in Satin : Billie Holiday, portrait d’une diva par ses intimes / Julia Blackburn (Editions Rivage Rouge, 2015).
-Vivre Cent jours en Un » / Philippe Broussard (Editions Stock, 2016).
-BD : Billie Holiday / Muñoz & Sampayo (Editions Casterman, 1991).
Bande dessinée Jazz :
-Billie Holiday / Claire Braud (Editions Nocturne). 2 cd + Bd de 16 pages.
-Lester Young & Billie Holiday / Jean-Charles Baty (Editions BD Music). 2cd + Bd de 24 pages.
-Count Basie / Michel Conversin (Editions Nocturne). 2 cd + Bd de 19 pages.
DVD :
-Billie Holiday, Lady Day / Philippe Koechlin.
-Le film « Lady sing the Blues », réalisé en 1972 par Sydney J.Furie, avec la chanteuse Diana Ross dans le rôle titre. Elle sera nommée aux Oscars cette année-là pour l’Oscar de la meilleure actrice.
-Le film « Billie Holiday, une affaire d’Etat » de Lee Daniels, (sorti juin 2021), avec l’actrice Andra Day dans le rôle titre (nomination aux Oscars pour la meilleure actrice).
-Un dvd documentaire intitulé « Billie » de James Erskine (2020).
Guillaume.
La magie de la Motown pour nos enfants.

Ceci est une lettre pour tous les jeunes parents… Un moyen de vous soulager les oreilles quand vous passerez du temps avec vos petits anges. On ne va pas se mentir, on est entre nous, n’ayez pas honte, ils nous arrive de prendre un temps avec les enfants devant un dessin animé ou leur faire écouter de la musique et de se poser sur le canapé, c’est bien naturel après toutes ces nuits sans sommeil…

Le problème dans ces deux cas, c’est que vous allez vite vous retrouver coincé entre Henri Dès et La Pat Patrouille, alors comme je suis sympa et que je suis en plein dans ce pétrin, je vous offre une petite astuce: Voilà ma recette, vous allumez votre télé, vous lancez Netflix et si comme les miens, vos enfants ne sont pas encore en âge de vous dire “C’est nul ce que t’écoutes papa!!!” vous devriez pouvoir leur vendre un peu de bon son et un dessin animé plutôt sympa, oui oui, les deux en un!!!
Pour ça, vous allez choisir une des sorties récentes de la plateforme de streaming qui s’appelle “Motown Magic”, vous commencez à voir où je veux en venir?
C’est l’histoire du jeune Ben, qui grandit dans une famille d’artistes, toujours de bonne humeur et toujours prêt à sortir une guitare et une batterie pour chanter et danser à la moindre occasion. Pour son premier jour d’école, le petit Ben doit réaliser un projet artistique mais malheureusement, contrairement au reste de la famille, il n’a pas encore trouver son talent… jusqu’à ce que la magie de la Motown, a l’aide d’une flûte magique fasse son effet!
Je vous en dit pas plus sur le scénario, c’est pas du Coppola non plus, mais c’est plutôt fun et le grand intérêt du show pour moi, c’est de pouvoir faire danser mes petits bouts sur les Jackson 5 et non plus sur “Pirouette cacahuète” et ça c’est la classe!!!

Alors niveau musical me direz-vous? Et bien vous allez pouvoir retrouver toute la crème de l’industrie Soul de Detroit des années 60-70, des Jackson 5 et leur “ABC” à Stevie Wonder et son “Sir Duke”, morceau préféré de mon chouchou Anderson.Paak, en passant par Martha Reeves et les Vandellas, bien sûr, les immenses stars du label de Berry Gordy sont là aussi, je parle évidemment de Marvin Gaye, des Temptations et de Diana Ross et ses Supremes.
A la production, vous retrouverez un certain Smokey Robinson, qui s’y connait un peu en matière de Motown puisque c’est lui qui, avec ses yeux bleus a fait les premières grandes heures du label avec des titres comme “Tracks of my tears” ou “Tears of a clown”.
Voilà, je vous laisse profiter de cette petite pause musicale avec vos chouchous, ça devrait plutôt bien se passer et vous verrez que l’expression « Netflix and chill » prend tout son sens!!!
Laurent
Les Soulections #15 : Diana Ross and The Supremes
Pas facile de ne pas faire du déjà vu sur LE groupe soul féminin le plus réputé des sixties, mais ma foi, difficile d’appeler une rubrique “Soulections” sans mentionner ceux qui ont porté le mouvement aux yeux du grand public et dans le genre Les Supremes se posent là!
Aussi talentueuses que tumultueuses, les Supremes ont commencées leur carrière sous le nom des “Primettes”, en quelque sorte “les petites soeurs” des “Primes” futurs “Temptations” dont je vous ai déjà parlé il y a quelque temps.
Avant d’exploser au grand jour, les “Primettes” chantaient dans les quartiers ouvriers de Detroit avant d’être repérées par Smokey Robinson, faiseur de hits des débuts de la Motown, il convainc le grand patron, Berry Gordy de signer les jeunes filles sur son label, fini les radio crochets, bonjours les studios et les contrats, les filles deviennent les “Supremes”.
D’abord cantonnées aux petits rôles derrière Marvin Gaye ou les Temptations, elles persévèrent et la chance finit par tourner, Gordy leur laisse leur chance et l’étincelle s’enflamme automatiquement, à l’époque composé de Mary Wilson, Barbara Martin, Florence Ballard et évidemment Diana Ross, les Supremes démontrent tout leur talent très rapidement et la Motown tient sa pépite féminine.
A partir de là, les hits s’enchaînent et les filles nous offrent des titres légendaires tels que “Baby love”, “Where did our love go?” ou encore “Stop! In the name of love”, chaque passage des Supremes enflamment les foules, notamment grâce à la personnalité flamboyante de leurs lead vocale, l’incomparable Diana Ross. Malheureusement, cette personnalité est surexploité par les dirigeants du label, des conflits viennent heurter le succès du groupe, Florence Ballard sombre dans l’alcool et la dépression, finit par être évincer du groupe, qui devient Diana Ross et les Supremes, ce qui marquera les débuts de la carrière solo de la belle de Detroit et la fin du groupe tel qu’il a connu son apogée.
Évidemment même en solo, Diana Ross continue de rayonner et d’envahir les charts à chaque sortie, les autres membres du groupe ont, elles aussi continuer, notamment Mary Wilson, qui connaîtra un certain succès, avec des titres tels que “Midnight dancer” ou “Pick up the pieces”.
En solo, Diana Ross continuera de régner jusque dans les années 80 ou elle participera même à la mythique comédie musicale “The Wiz” avec un certain Michael Jackson, dont elle est la marraine, soit dit en passant, sa carrière au cinéma ne s’arrête pas là, elle a aussi joué dans “Lady sings the blues” film biographique à propos de Billie Holliday.
Comme pour les Temptations, la carrière des Supremes a été faite de hauts et de bas, mais elles ont clairement ouvert des portes aux artistes noirs de l’époque, l’accès aux émissions de télé, notamment le “Ed Sullivan Show” n’était pas possible avant leurs passages, elles ont même plutôt enfoncées des portes, au sens littéral et figuré.
Rendons hommage à l’un des groupes féminins les plus marquants de l’histoire de la musique Américaine.
Laurent