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Monty Alexander, génie du clavier.


Monty Alexander, pianiste jamaïquain à la déjà longue carrière, que j’ai eu le bonheur d’admirer en concert à la Nouvelle Philharmonie à La Villette, il y a de cela 3 ans, est un musicien qui possède son instrument comme peu de ses confrères jazzmen contemporains. Pour moi il est du niveau d’un Chick Corea, d’un Keith Jarrett, tant son jeu est expressif, coloré, maîtrisé, fluide. Il a expérimenté beaucoup de formules au cours de sa carrière. Dans le double disque qui nous intéresse ici, intitulé « Love you Madly : Live at Bubba’s », enregistré comme son nom l’indique au Bubba’s, restaurant-club de jazz de Fort Lauderdale en Floride, dans lequel s’est aussi produit le génial Ahmad Jamal, il est entouré d’un trio composé de Paul Berner à la basse, Duffy Jackson aux baguettes et Robert Thomas Jr. aux percussions. (lire les mini entretiens très intéressants donnés par ceux-ci sur leur expérience de travail aux côtés de Monty Alexander, dans le livret qui accompagne le doublé cd).

Le premier des 2 cd s’ouvre sur « Arthur’s theme », un joli morceau tout en souplesse avec les percussions de Robert Thomas Jr. Alexander nous régale de son style, mélange d’académisme occidental et d’école latino-jamaïquaine. Après cette introduction, on tombe sur le morceau qui donne son nom à l’album, « Love you madly », écrit par le grand Duke Ellington. Sur fond de batterie aux balais, ça swingue et Alexander promène ses mains virtuoses sur le clavier avec délectation. Puis arrive la « Samba de Orfeu », composée par le musicien brésilien Luis Bonfa, qui donne furieusement envie de danser. Les 3 derniers morceaux du disque sont l’oeuvre de Monty Alexander. « Sweet Lady », qui prend la suite, démarre de façon minimale, comme si Alexander voulait peindre un tableau, puis tour s’accélère doucement. Alexander montre toute sa palette, comme un peintre. Le swing est toujours là, omniprésent, central. On le retrouve sur « Eleuthra », sur lequel il mélange allègrement ses origines jamaïquaines et les sonorités cubaines. Un régal. Pour terminer ce premier disque il nous gratifie de « Reggae later ». Un morceau superbe, rempli de breaks au piano, de virtuosité sans jamais être excessif, pas le genre du bonhomme. Bref c’est un bonheur d’écouter ce musicien. Je ne me lasse pas.

Passons au second cd. Il démarre par « Blues for Edith », est un morceau composé en hommage à Edith Piaf par le musicien Milt Jackson. Vient ensuite ‘Fungii Mama », dû à Blue Mitchell. Un morceau qui mélange swing, bebop et moments plus free, mais là encore le maestro se et nous régale. Solo de piano, de contrebasse (Paul Berner). Superbe. Ensuite c’est un « Consider » écrit de sa main que nous joue Alexander. Tout en douceur. Volupté. Derrière, le furieux et chaotique « Montevideo », qui cavale…nous entraîne dans son tourbillon. On en vient alors à écouter sa version très personnelle de « Body and Soul », co-écrite en 1930 par Johnny Green, Edward Heyman, Robert Sour et Franck Eyton. Classique du répertoire jazz, de nombreuses fois repris depuis sa création, Alexander y apporte ici sa touche de créativité, son touché de piano exceptionnel, sa technique unique. Le tout donne un joli morceau. Ses trois compères de jeu ne sont pas en reste, ils assurent tout au long des morceaux évoqués jusqu’ici. L’avant-dernier morceau c’est un cavalant « Swamp fire ». Ça va à toute vitesse, on craint le déraillement, mais non, jamais cela ne se produit. Duffy Jackson aux baguettes assure un tempo de feu, avec de rares moments de calme. Magistral. Enfin pour terminer ce disque et du coup ce coffret « Live at Bubba’s », un morceau écrit par Milt Jackson, « SKJ ». Ça balance, swingue, c’est frais, on en redemande. Merci Monsieur Alexander. Je conseille ce disque à celles et ceux qui ont envie de découvrir ce génial pianiste-compositeur-interprète. Cette chronique est la dernière de l’année avant un repos bien mérité. Nous vous retrouverons avec plaisir à la rentrée. Bon été à vous toutes et tous, où que vous soyez, en France, à l’étranger. A bientôt.

Guillaume.
https://www.youtube.com/watch?v=U8gdVIXaFVg

Claude Bolling, un géant s’en va.



Décidément cette année 2020 se sera terminée de façon triste pour le monde de la culture, et je ne parle pas ici du problème plus qu’épineux de la fermeture de ses lieux culturels. Non je veux bien sûr évoquer, après les départs de Caroline Cellier le 15 décembre dernier (je lui consacrerai bientôt un article), de Claude Brasseur le 22, et du violoniste Ivry Gitlis le 24, le décès d’un très grand musicien de jazz et compositeur de musiques de films, Claude Bolling, parti le 30 décembre à 90 ans.

Claude Bolling, naît à Cannes en 1930, fera ses études musicales au Conservatoire de Nice. Enfant surdoué, il démarre à 14 ans seulement sa carrière professionnelle aux côtés du monstre sacré vibraphoniste Lionel Hampton. Puis il enchaîne en intégrant l’orchestre du Hot Club de France. Dès lors tout s’enchaîne. Au début des années 50 il joue avec les jazzmen américains Roy Eldridge et Kenny Clarke. En 1956, il décide de fonder le Claude Bolling Big Band.

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Mais Claude Bolling au delà d’être un pianiste de jazz, est avant tout et surtout un musicien. Curieux de croiser les univers sonores, les modes de compositions. C’est ainsi qu’il entreprendra de composer pour des musiciens classiques tels que Jean-Pierre Rampal (suite pour flûte et jazz piano trio,1975), Alexandre Lagoya (concerto pour guitare et jazz piano trio, 1975), Maurice André (Toot suite, suite pour trompette et jazz piano trio,1981). Il jouera aussi bien dans des registres swing en avec son Big Band, mais s’aventurera dans le ragtime (cf la B.O.F de Borsalino), et fera des rencontres musicales et humaines avec des monstres sacrés comme Duke Ellington, Michel Legrand, Stéphane Grappelli. 

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Compositeur, Claude Bolling est également un créateur, puisqu’il est à la base de la naissance du groupe vocal féminin Les Parisiennes, dans les années 60. Il leur écrira paroles et musique, qui déboucheront sur des succès : « Il faut trop beau pour travailler « , « L’argent ne fait pas le bonheur », « Le 30 février », parmi d’autres.

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Cette carrière de compositeur de musiques de films, il l’a entamé dans les années 50, avec notamment « Oh que Mambo » (1955), et « cette nuit-là »(1957). En 1963, il écrit la musique du film « Le jour et l’heure » de René Clément. Son talent de composition est maintenant reconnu dans le monde du cinéma et au cours de la décennie 70-80, il va enchaîner les gros films et certains gros succès : « Borsalino »(Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Nicole Calfan.. etc.. 1970), puis « Borsalino and Co » (1974), mais aussi « Le magnifique » (avec Jean-Paul Belmondo, Jacqueline Bisset, 1973), « Lucky Luke »(1971), « Flic Story » (avec Alain Delon, 1975), ou encore « L’année Sainte »(avec Jean Gabin et Jean-Claude Brialy,1976), « Un papillon sur l’épaule »(1978) ou « 3 hommes à abattre », (avec Alain Delon, Michel Auclair, Jean-Pierre Darras..etc,1981), « La Gitane »(avec Claude Brasseur et Valérie Kaprisky, 1986), puis dans les années 90, « Hasards ou coïncidences » (1998).
Il aura ainsi côtoyé les cinéastes français tels Alain Corneau, Jacques Deray, Philippe de Broca, Claude Lelouch, Claude Pinoteau, de même que des acteurs ou actrices tels que Alain Delon, Jean Gabin, Bernard Blier, Danielle Darrieux, Claude Brasseur, Valérie Kaprisky, Caroline Cellier, Jean-Paul Belmondo, et une ribambelle d’autres. 

Un grand nom du jazz s’en va. Il laisse une oeuvre importante et riche, que jeunes et moins jeunes peuvent à l’envi (re) découvrir. Je vous laisse avec une floraison de morceaux composés par ce grand musicien. 

Guillaume.

Il était une fois … 1974!


 

Cette année-là, en France, dès janvier, Pierre Messmer est reconduit premier ministre de George Pompidou, qui décèdera le 2 avril. En mars, l’aéroport Charles-De-Gaulle est inauguré. Au cours de ce même mois a lieu le dernier voyage d’un train à vapeur. Le 19 mai, Valéry Giscard d’Estaing sera élu président de la République, Jacques Chirac nommé premier ministre. En juin, la majorité civile, jusque-là établie à 21 ans , est ramenée à 18 ans. En juillet, Françoise Giroud, journaliste-écrivain, entre au gouvernement et prend la tête du premier secrétariat d’Etat aux droits des femmes. En Août, Le plateau du Larzac voit débarquer 100.000 personnes, dans le cadre la suite de la contestation de l’élargissement du camp militaire basé à proximité. En décembre, une loi est votée autorisant l’accession  à la pilule pour les -18 ans, sans autorisation parentale, et remboursée par la sécurité sociale. De nombreux centres de planning familial vont ouvrir. Le 20 décembre, la loi présentée par Simone Veil sur l’interruption volontaire de grossesse est votée. Elle sera mise en application dès 1975. 1974 marque aussi la fin de L’ORTF. Place à 4 grands médias : TF1, Antenne 2, France 3, Radio France, et 3 sociétés de productions que seront TDF, la SFP, et L’INA.

Dans le monde, ce qui retient l’attention ce sont l’expulsion d’URSS de l’écrivain Alexandre Soljenitsyne, la fin de la dictature militaire au Portugal, l’Inde qui devient le 6ème pays détenteur de l’arme nucléaire, la fin de la dictature en Grèce et le rétablissement de la démocratie, l’adoption (en juillet 74!) par son assemblée de la langue française comme langue officielle du Québec. A noter les disparitions de personnalités telles que le jazzman Duke Ellington, le violoniste russe David Oïstrakh, ou du réalisateur italien Vittorio de Sica .

Mais place à notre désormais rituelle petite histoire inventée.

Waterloo au printemps. Dans cette ville tristement célèbre pour une déroute militaire mémorable de Napoléon, le temps est gris ce jour-là. J’ai 10 ans, timide. Adossé à un muret, entouré de camarades de mon âge dans une école anglaise, j’en suis le mal-aimé. Celui sur qui il est bon de se défouler. Certains garçons se verraient bien en mode Gigi L’amoroso, incarnation latine du british-lover-dandy, comme savaient si bien les incarner David Bowie ou Bryan Ferry. Trop jeune pour comprendre les grands et leurs tourments amoureux, les parades amoureuses, les « I honestly love you », ou « je t’aime je t’aime je t’aime », ou encore « On se retrouvera », comme répétés pour mieux convaincre la personne convoitée, je me tiens à l’écart de ce monde qui m’est pour l’heure étranger. Mais pas pour longtemps.

J’ai un ami, nommé William. il a 3 ans de plus que moi. Les tourments de l’amour lui trottent dans le cerveau. Il aime une fille. Anna, de 2 ans son ainée. Il a écrit une chanson pour elle. Il me dit qu’à la première occasion, il lui chantera, au téléphone, si il ne peut la voir. William est tombé amoureux sans le savoir d’une super nana. Belle, quelques tâches de rousseurs parcourant son visage, l’allure assurée d’une fille qui sait déjà plaire aux garçons, elle écoute du rock, bercée par les 33 tours que son père Freddie, la quarantaine déjà fatiguée d’un homme travaillant en usine qui fabrique des voitures (Austin Mini), passant ses soirées dans les pubs à boire des coups avec sa bande potes et jouant son argent aux courses de chevaux, lui a fait découvrir… Stones, Beatles, Elton John, Queen.. tous les classiques y passent! Il a une devise : pour lui la vie « it’s only rock’n’roll ». Affectueusement, Anna surnomme William « Billy ». Ses amies, connaissant son goût pour les garçons plus âgés qu’elle, se demandent en me voyant à ses côtés : « Qui c’est celui-là? ». Un soir qu’il est chez son père, le téléphone sonne. Sa mère, vivant à Bruxelles pour le travail, au bout du fil (expression désuète aujourd’hui au vu des cellulaires de notre quotidien). Elle n’a pas vu son fils depuis trop longtemps. Freddie prend alors le combiné et après quelques minutes d’une âpre discussion, une décision est prise. William quitte Waterloo pour la Venise du nord, sa mère, et sans doute une vie un peu meilleure. Il comprend alors qu’il ne reverra sans doute jamais Anna. Le téléphone pleure.

Le cœur déchiré, l’âme en peine, William s’en va, me laissant seul, et abandonnant son père à ses beuveries partagés, sa solitude plombée par le climat local.

Et moi, je me dis : « Vivement 1975! »

Guillaume.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jazz et cinéma, mariage évident !


beatsquarecool_imageDepuis les années 30, le cinéma fait appel à la musique pour illustrer les histoires portées à l’écran. Et parmi les musiques utilisées, le Jazz tient une place de choix. C’est ce que nous montre le coffret « Beat, square & cool » publié en 2012. Y figurent 5 cd regroupant 8 musiques de films, ainsi qu’un livret illustré assez complet, mais tout en anglais! Le parti pris ici est de couvrir une courte période cinématographique (1953-1961) et d’exhumer, au côté de films comme « The Wild ones », « Les Tricheurs », des oeuvres tombées dans l’oubli ou méconnues du grand public. Et de reparler de réalisateurs tels que Robert Wise, Don Siegel, Martin Ritt ou Shirley Clarke.

Le coffret s’ouvre par la musique de « The Wild ones » (« L’équipée sauvage »), qui date de 1953, avec un Marlon Brando jeune et déjà star! Sur le même cd figure « Crime in the Streets », film datant de 1956, réalisé par Don Siegel, avec notamment le jeune comédien (qui deviendra par la suite un très grand réalisateur) John Cassavetes. Sur les cd suivants, on retrouve les musiques des films  « I want to live » (1958), œuvre du compositeur Johnny Mandel,  réalisé par Robert Wise, et « Les Tricheurs » de Marcel Carné, sorti la même année, qui réunit un casting musical de rêve : Nat King Cole, Chet Baker, Dizzy Gillespie ou Oscar Peterson!

« Paris Blues », de Martin Ritt (1961), qui met à l’affiche Paul Newamn, Sidney Poitier, Joanne Woodwoard, nous permet d’écouter Duke Ellington et Billy Strayhorn, deux pianistes-compositeurs de haut vol! « Les Souterrains » (1960), est l’adaptation d’un roman de Jack Kerouac paru en 1958, qui évoque l’histoire de 2 personnages qui fréquentent les clubs de jazz à San Francisco. André Prévin, chef d’orchestre, compositeur, en signe la musique.

La ballade entre cinéma et jazz se termine sur les films « Shadows » (1959) de John Cassavetes, avec Charlie Mingus aux manettes, et avec « The Connection » (1961) de Shirley Clarke, sur lequel Freddie Redd, pianiste de hard bop et compositeur, imprime sa touche musicale.

Au menu musical ici, donc, du piano, du swing, du hard bop, des orchestres, bref une variété d’univers, tout ce qui fait le charme de la musique, ici du Jazz.

Un régal pour les amoureux du jazz et du cinéma de cette période!

Guillaume.

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