Archives du blog

Gainsbourg, 1991-2021 : 30 ans déjà!



Le 2 mars 1991, dans son hôtel particulier de la rue de Verneuil à Paris, Serge Gainsbourg s’éteint pendant le sommeil, victime d’une crise cardiaque. Ce musicien, chanteur- auteur-compositeur, mais également peintre, photographe, acteur et réalisateur, a surtout été le pygmalion de nombreuses chanteuses, dont certaines ont partagées sa vie, comme Brigitte Bardot, Jane Birkin, Caroline Von Paulus dit « Bambou  » (dont il aura un petit garçon Lucien dit « Lulu »), ou dont il a lancé la carrière, comme France Gall, Joêlle Ursull, fut une figure marquante de la chanson française depuis la fin des années 60 jusqu’à a fin des années 80. Il écrira des albums entiers Jane Birkin dans les années 70 et 80, puis pour Vanessa Paradis en 1990, « Variations sur le même t’aime ». Il a composé des chansons pour de nombreuses artistes féminines comme Marianne Faithfull, Petula Clarke, Catherine Deneuve, Mireille Darc, Isabelle Adjani, Dani, Régine, Juliette Gréco parmi beaucoup d’autres. Avec à chaque fois, la même implication, la même méticulosité, pour sublimer l’interprète qu’il a en face de lui.

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est gainsbourg-bardot.jpg

Initié très tôt aux arts par son père Joseph Ginsburg (lui-même ayant étudié la peinture, puis se dirigeant vers la musique via le piano au conservatoire de Petrograd et Moscou), il a une maman mezzo-soprano. Ses parents ont fuit le climat politique de l’époque, puis après une épopée à travers l’Ukraine, la Géorgie et la Turquie, débarquent à Marseille en mars 1921. Lucien Ginsburg naît à Paris le 2 avril 1928. La famille obtient la nationalité française en 1932. Après la guerre 39-45, la famille Ginsburg vient s’installer à Paris, et Lucien abandonne les études avant le bac, pour s’inscrire aux beaux-arts. L’ un de ses professeurs de peintures se nomme Fernand Léger. Lucien-Serge Gainsbourg a aussi une formation liée à la musique classique puisque son père lui fit écouter Brahms, Chopin, Schubert, Mozart, Beethoven, ce qui aura une influence sur certaines de ses futures chansons, comme « Poupée de cire, poupée de son » (chantée par France Gall à l’Eurovision en 1965), inspirée de la sonate pour piano n.1 de Beethoven, « Lemon incest » (l’Etude Op.3 n.10 de Chopin), « Initials B.B » (Symphonie n.9, mouvement n.1 de Dvorak) , « Jane B »(Prélude n.4, opus 28, Chopin), « Baby alone in Babylone »(Symphonie n.3 de Brahms), « Dépression au-dessus du jardin » (Etude 9, opus.10 de Chopin), « Ma Lou Marilou » (Sonate pour piano n.23 opus 57, Beethoven), je pourrais en citer d’autres encore. De la musique classique il disait ceci, pour évoquer ses nombreuses adaptations  : « J’aime la grande musique. Moi je fais de la petite musique,  de la musiquette. Alors j’emprunte ». Tout est dit.

En 1952, il fait fortuitement la rencontre avec le jazz, ce qui va changer sa vie. Il délaisse la peinture et étudie les jazzmen américains qui enregistrent à côté de chez lui. 2 ans plus tard, il devient pianiste de bar, faisant le crooner. En effet, après, sa révélation musicale va venir de sa découverte de Boris Vian, ce jeune trompettiste, qui se produit dans un cabaret, « Milord L’Arsouille ». Vian publie des articles dans un journal, écrit des romans sous le nom de Vernon Sullivan. Les patrons du cabaret décident d’embaucher le jeune Gainsbourg, puis suite à une visite à son domicile pour admirer ses toiles, découvrent ses partitions et décident de le pousser sur scène. Peu à l’aise, intimidé, Gainsbourg chante notamment « le poinçonneur des Lilas ». En 1958, il rencontre le producteur Jacques Canetti, directeur du cabaret des « Trois Baudets » et directeur artistique chez Phillips. Le destin de Gainsbourg bascule. Les tournées avec Brel, Béart, (avec qui il aura une engueulade mémorable lors d’une émission d’Apostrophes dans les années 80, sur la définition de la chanson française, Béart considérant que c’est un art majeur, Gainsbourg restant sur sa position « historique » d’art mineur), Devos, vont l’aguerrir.

S’il écrit ses propres textes et compose lui-même ses musiques, Gainsbourg commence à travailler avec l’arrangeur musical de Vian, un certain Alain Goraguer. Vian, qui décédera en 1959, dira de Goraguer que c’est l’égal de Cole Porter, célèbre compositeur et chef d’orchestre de jazz américain des années 30-40. En 1960, le titre « l’eau à la bouche » est un succès commercial. Le premier d’une longue série. Mais outre ses propres compositions, il se met à écrire pour les autres, notamment et surtout pour des femmes. En effet, le génial compositeur va se mettre au service de chanteuses débutantes (France Gall) ou plus confirmées (Juliette Gréco, Petula Clarke, Régine… ), fait chanter des actrices telles que Catherine Deneuve, Brigitte Bardot, Vanessa Paradis, Isabelle Adjani.
Chaque fois, en véritable pygmalion, il agit en maitre d’oeuvre de bout en bout. Bien sûr à chaque fois il écrit les paroles, la musique, et parfois réalise même le clip qui va avec. Maîtrise totale de son sujet.

Ainsi va-t-il composer des titres devenus des standards comme « Harley-Davidson », « Bonnie and Clyde », « Comic Strip » (Bardot), « Dieu est un fumeur de Havanes » (Catherine Deneuve), « Lemon incest » (en duo avec sa fille Charlotte), « Les sucettes à l’anis » (France Gall), « Pull Marine » (Isabelle Adjani)., « Comment te dire adieu » (Françoise Hardy), « 69, année érotique », « Je t’aime … moi non plus », « Ballade de Johnny Jane » (Jane Birkin), « Comme un boomerang » (Dani, qu’elle chantera en duo avec Étienne Daho dans les années 90).

S’il a en grande partie construit son succès sur ses compositions pour les femmes, il a également écrit pour les hommes. Ainsi Jacques Dutronc avec « Les roses fanées », Alain Chamfort pour « Manureva », Alain Bashung, pour qui il écrira un album « Play blessures »en 1982, puis il apparaitra aux côté d’Eddy Mitchell dans une version avec grand orchestre de « Vieille Canaille » (tu vois Laurent j’ai réussi à glisser mon cher Eddy dans cet article!), enfin il enregistrera la chanson de son ami King Curtis Jr. « You’re under arrest » (1987), qui est aussi le titre de l’album sorti cette année-là.

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est birkingainsbourg.jpg

Mais Serge Gainsbourg, bien avant de s’inventer un personne mal luné, mal rasé, sous le pseudonyme de Gainsbarre, au tournant des années 80, va dans les années 60, faire du cinéma en tant en que comédien. Ainsi le retrouve-t-on notamment dans des péplums comme « La révolte des esclaves » (1960), « Samson contre Hercule » (1961), « Hercule se déchaine » (1962). Les années 60 sont fastes pour lui côté cinéma, puisqu’il tourne 18 films en 10 ans! l’un des plus importants pour lui sera « Slogan« , de Pierre Grimblat (1969), car il y rencontre une jeune actrice anglaise de 19 ans, Jane Birkin. Une très belle histoire d’amour s’en suivra, pendant 10 ans. De cette union naitra leur fille Charlotte, chanteuse, comédienne, réalisatrice.

Dans les années 70, période pendant laquelle il va enregistrer des albums importants tels que « Histoire de Melody Nelson », album-concept très pop arrangé par Jean-Claude Vannier, en 1971, suivi de « Je suis venu te dire que je m’en vais » (1973), « Rock around the bunker » (1975) et « L’Homme à la tête de Chou » (1976), puis de « Aux Armes et Caetera » (1979) fabriqué à Kingston avec Sly & Robbie et Ies I Three, rien moins que les choristes de Bob Marley. Sa version reggae de la Marseillaise lui attirera les foudres de l’extréme droite au point se faire siffler et menacer lors d’un concert en Alsace, en 1979. Gainsbourge va également tourner dans plusieurs films. Ca commence par « Le roman d’un voleur de chevaux » (1971), enchainé avec « Les Diablesses » (1973), « Sérieux comme le plaisir » (1975).

Années 80, entre cinéma et Docteur Jekyll & Mister Hyde:  A cette période de sa vie et de sa carrière, Serge Gainsbourg s’invente un autre personnage, son double maléfique,  torturé, agaçant, provocateur, Gainsbarre. Ce personnage, il le trimballera lors de quelques émissions de télévision célèbres ,où sa sa présence, artistiquement justifiée,  va déraper. Je veux ici faire allusion à l’affaire du billet de 500 francs qu’il brûlera en direct dans le « 7/7 » d’Anne Sinclair, pour dénoncer le taux d’imposition en France, sa provocation à l’encontre de la jeune Whitney Houston, chez Drucker, dont c’était la première télé en France (suite à cet épisode,  elle ne remet plus jamais les pieds en France, dans les médias), son altercation avec Catherine Ringer, ou bien son apparition chez Michel Polac dans son émission « Droit de réponse  » pour répondre aux attaques dont il a été victime à Strasbourg lors de sa Marseillaise en reggae.

Toujours dans les années 80, il retourne au cinéma et rejoint  Claude Berri pour  « Je vous aime » (1980), Alexandre Arcady et son film « Le grand pardon », 1982, avec Roger Hanin, Gérard Darmon, Richard Berry, Jean-Pierre Bacri…), puis Agnès Varda dans un documentaire sur sa compagne Jane Birkin, intitulé « Jane B par Agnès V » (1988), et se met â la réalisation dans « Stan the flasher » (avec Claude Berri, 1990). Parallèlement Serge Gainsbourg, toujours aussi prolifique musicalement, va revenir à la composition de musique de film, d’abord pour « Je vous aime » de Claude Berri (1980), puis celle du film à succès de Bertrand Blier « Tenue de soirée » (1986) avec le casting royal Gérard Depardieu, Michel Blanc, Miou-Miou, Bruno Crémer, Jean-Pierre Marielle, Caroline Sihol. Excusez du peu !!! la même année il réalisera un film sur sa fille Charlotte « Charlotte for Ever », dont il signera également la musique.

Artiste majeur de la chanson française aux multiples talents, Serge Gainsbourg est parti bien trop tôt. Il avait sans nul doute beaucoup de belles pages musicales à nous offrir. Reste son oeuvre, dense, magistrale, parfois controversée, mais riche. 30 ans après sa mort, Gainsbourg reste une influence majeure pour la nouvelle génération de la chanson française.

Je vous laisse avec un large florilège de ses chansons, de quelques musiques musiques de films, des musiques classiques dont il s’est inspiré et bien sûr un certain nombre de ses différents interprètes, masculins comme féminines.

Guillaume.

La relève du piano jazz arrive… Tant mieux !!!


Avant l’estivale escapade,  je vous invite à découvrir, comme je l’ai fait récemment, 2 artistes du clavier, l’un venant des mers chaudes du Cuba, l’autre des horizons plus rudes de l’Azerbaïdjan. Leurs noms : Alfredo Rodriguez, Shahin Novrasli. Leurs récents albums, « The Invasion parade »  et « Bayati »  m’aparaissent comme un signe que la relève est prête au sein de la comunauté du piano jazz.

Alfredo Rodriguez, ici épaulé notamment par la virtuose Esperanza Spalding à la contrebasse et au chant, nous livre une musique virtuose, empreinte de nostalgie (comme souvent dans la culture musicale sud-américaine), et d’inventivité. Pour s’en convaincre, il suffit d’ écouter les versions revisitées de « Guantanemera » ou de « Quizas, quizas, quizas »…  deux témoignages du talent de ce jeuen pianiste cubain. Dès la première écoute, et cela se confirme jusqu’au bout du disque, son jeu, mélange de sonorités latines, et de rythmiques classiques, en disent long sur le talent d’Alfredo Rodriguez.

Shahin Novrasli,  natif de Bakou, station de décollage des fusées russes, 37 printemps,  est un pianiste qui a découvert le jazz très tôt, mais les influences classiques ne sont pas loin : Bach, Beethoven, Mozart, Rachmaninov. En 1996, il se tourne vers le jazz, jouant des compositions de Keith Jarrett, Bill Evans. Depuis, il ne cesse de multiplier les projets musicaux, les rencontres avec des musiciens d’horizons divers, enrichissant ainsi sa musique de toutes ces sonorités. « Bayati » en est le symbole. dès le premier morceau « Nocturne for Natavan », il nous embarque sur son clavier, nous faisant voyager entre sonorités traditionnelles azérii et d’autres plus classiques. « 1001 nights », qui suit, est un voyage sur un rythme soutenu, contrebalancé directement par le Prélude en Mi mineur de Frédéric Chopin. Jazz, Classique, ou musiques traditionnelles ( » Bayati Shiraz »,  « Elinde Sazin Qurbani »… ), Shahin Novrasli navigue avec bonheur communicatif entre ces 3 univers. Il est accompagné ici par Nathan Peck à la contrebasse, et Ari Hoenig aux baguettes.

Je suis tombé sous le charme de ce virtuose. Et vous??

Guillaume.

 

Marche funèbre pour les Pianos Pleyel.


Le 12 novembre dernier, la presse annonçait la fin d’une marque ayant servi le monde de la musique. En effet les pianos Pleyel, plus ancienne manufacture de pianos au monde, fondée en… 1807 (!), a fermé définitivement ses portes, après plus de 2 siècles d’existence ! Plus aucun piano ne sortira de cette usine, qui a contribué au rayonnement industriel, culturel, artistique de la France à travers le monde. Longtemps concurrent, les pianos Gaveau, société de fabrique de pianos fondée en 1847, par Joseph Gabriel Gaveau, dont les usines se situaient… à Fontenay-sous-Bois, et une salle de concert située à côté du siège social à Paris, porte le nom, vont connaitre leur fin en 1965.

Surmontant la crise économique de 1929, et les concurrents qui se font alors nombreux (Stenway, Boesendorfer, Yamaha), les pianos Pleyel accompagneront  les carrières de Frédéric Chopin,  puis plus près de nous, des pianistes Yves Henry, Alfred Cortot, Samson François, Marcelle Meyer, ou Jacques Higelin. La concurrence grandissante des autres manufactures de piano précipiteront le déclin de cette entreprise.

La marque déplorera pendant de longues années le manque de soutien des festivals de piano situés en France (La Roque D’Anthéron) ou des pianistes concertistes français ou étrangers, qui lui préfèrèrent les marques sus-citées.

Dans un monde musical en constant mouvement, où la musique se consomme dématérialisée de plus en plus, où l’art est désormais considéré, consommé, comme un produit banal, il est vraiment regrettable qu’une marque d’instruments, véritable institution, comme les Pianos Pleyel ne soit vouée à disparaître.

Guillaume.

%d blogueurs aiment cette page :