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Muddy Gurdy, le blues venu d’Auvergne.


La pochette d’abord. Photo prise au sommet d’une montagne, montrant une herbe rase, le tout surplombant sans doute un grand vide. En arrière- plan, un vaste horizon. La musique ensuite. Le groupe Muddy Gurdy (« Vielle Boueuse »), vu le nom, la pochette, pourrait être originaire du sud des Etats-Unis. Détrompez-vous! Ce trio est français, originaire de l’Auvergne. Une chanteuse-guitariste de blues en la personne de Tia Gouttebel, un percussionniste spécialiste des rythmes latinos du nom de Marc Glomeau, enfin un joueur de vielle à roue qui n’ignore rien des musiques traditionnelles du centre de la France nommé Gilles Chabenat, avouez que l’attelage est pour le moins étonnant. Pour enregistrer « Homecoming », le trio a pris ses quartiers sur les terres du massif du Sancy, dans le Puy-de-Dôme. Grands espaces, air pur, tranquillité, tout pour travailler sereinement et enregistrer de façon détendue mais sérieuse cet album.

Attardons-nous donc dessus.

L’album démarre par « Lord Help », qui vous prend aux tripes d’entrée et vous fait rentrer dans l’univers de ce groupe aux contours particuliers. Un chant incantatoire, une vielle et une rythmique qui ne sont pas sans évoquer les chants indiens et les ambiances shamaniques. Le ton est clairement donné. Puis surgit « Chain gang », morceau écrit par le grand Sam Cooke, superbe blues tout en subtilité. Bientôt s’en suit le très beau « Down in Mississippi » de JB. Lenoir, qui nous plonge directement dans ces contrées gorgées de blues, de soleil, de poussières, de misères aussi, où il n’était pas rare de voir, au début du 20ème siècle, des bluesmen jouer, assis sur des long-chairs postées sur le perron des maisons en bois dans les états du sud américain. Le jeu de guitare subtil, fin, de Tia Gouttebel, sa voix parfaitement timbrée et légèrement trainante, nous emmènent dans ce blues concocté à la sauce auvergnate. Le tout continue avec « MC’s Boogie » d’excellente facture, un boogie-blues qui roule, avance, vous entraîne, vous choppe, vous donne envie de danser, puis se transforme en mode musical auvergnat. Jusqu’ici, moi qui ne connaissais pas ce groupe français, je suis positivement surpris. « Land’s Song », qui suit, est toujours sur le mode blues, un rien implorant, plaintif, mais toujours de très bonne tenue. « Another Man Done Gone », morceau chanté en anglais puis en français. « Afro briolage » démarre dans un climat vocal qui n’est pas sans évoquer notre Hubert-Félix Thiéfaine national (voix grave, chant dynamique). ce climat électrique, emballé, un peu loufoque, se poursuit jusqu’au bout. « Strange fruit », immortalisée par l’immense Billie Holiday, devenue un standard du jazz repris par Ella Fitzgerald, Nina Simone, Carmen Mc Rae, Sting, Jeff Buckley, Annie Lennox, Betty Lavette, qui évoque ces « étranges fruits » (en parlant des corps pendus qui se balancent pendus aux arbres du sud des Etats-Unis du temps du racisme institutionnel et surtout des actes odieux commis par le KKK). Avec « You gotta move », c’est le blues pur jus qui reprend ses droits, ça sent le bar enfumé, la poussière, l’estrade qui domine le bordel ambiant, où s’ébroue un groupe de blues pour chanter, distraire l’assistance plongées entre bières, engueulades et parties de cartes. Le morceau signé du bluesman Fred McDowell n’a pas pris une ride, et il est ici très bien servi. « Black Madonna », avant-dernier morceau de cet album, démarre en douceur, avant de nous embarquer dans une farandole, de nous faire lever, danser. Temps forts et lents sont alternés. Enfin pour conclure, le trio auvergnat nous déclame un « Tell me you love me » par la voix de sa chanteuse. C’est enjoué, léger, ça résonne comme un air de chanson irlandaise, mais nous sommes bel et bien en Auvergne, territoire de France, et Muddy Gurdy, livre sans faillir un morceau superbe tout comme son album.

Vraiment une belle découverte pour moi. Je vous invite à faire de même. 

Guillaume.

Hubert-Félix Thiéfaine a joliment clôturé les Aventuriers 2015 !


HFThiéfaine_imageQuelle Soirée!

Pour clore la onzième édition du Festival des Aventuriers, le 17 décembre, le public a eu le bonheur de voir Hubert-Félix Thiéfaine, chanteur à l’âme de poète, qui depuis 40 ans, foule les scènes hexagonales, au gré d’une œuvre patiemment concoctée, de textes ciselés. Ce jurassien bon teint, qui connut une période sombre marquée par la dépression, a retrouvé le goût de l’écriture, de la scène. Son public encore très nombreux hier soir, dans l’enceinte de la salle Jacques Brel, a pu s’en apercevoir.

Avant son entrée sur scène, le public nombreux eut l’occasion de découvrir le duo toulousain Rusty Bells, au rock très énergique, puis l’univers plus feutré et intimiste de Marie Modiano, chanteuse-pianiste, accompagnée sur scène d’un violoncelliste et d’un guitariste.

Très attendu, le chanteur s’est d’emblée montré en grande forme, bien soutenu par son groupe, au sein duquel évolue désormais son fils Lucas (guitares), coréalisateur du dernier album. La voix claire, puissante, Thiéfaine nous a régalé. Il interpréta nombre de titres de son dernier album paru « Stratégie de l’inespoir », comme le très beau « en remontant le fleuve », le mystique « Angélus », l’émouvant « Karaganda, camp 99 », qui a des résonnances très actuelles, « Lubies sentimentales » à l’aspect nostalgique, « Médiocratie », constat cynique, désabusé d’une société politico-médiatique mal en point, « retour à Célinegrad » qui évoque la dictature.

Bien sûr, le vosgien taciturne n’a pas fait l’impasse sur « Alligators 427″ , sa fameuse »Lorelei Sebasto Cha » dans une  version revisitée, magnifique, sans oublier en final, « la fille du coupeur de joint » en version mi acoustique, mi électrique, qui a ravi le public, celui-ci chantant en chœur. A 67 printemps, cet amoureux des mots garde encore une énergie qui fait plaisir à voir. 40 ans de carrière et 17 albums plus tard, cet artiste a encore démontré hier que s’il restait une personnalité à part dans la chanson française, il en était devenue une figure importante, trans-générationnelle.

Merci Monsieur Thiéfaine pour cette belle soirée, en forme de cadeau de Noël !

Guillaume.

 

Qu’on se le dise, le grand Thiéfaine est de retour !


HFThiéfaine_imageSur la pochette de son nouvel album « Stratégie de l’inespoir« , Hubert-Félix Thiéfaine apparaît les yeux bandés… comme s’il ne voulait plus voir ce que le monde est devenu !

L’album démarre par un poème « En remontant le fleuve » de Paul Celan, poète roumain naturalisé français en 1955. Superbement mis en musique, sur une mélodie lancinante, prenante. Pas de doute, après une période troublée, un passage à vide, le bonhomme a retrouvé sa voix, sa verve, l’envie de créer, chanter, dire ses tourments et sa vision de ce monde qu’il n’aime visiblement plus.

De l « Angélus », coécrit avec le guitariste Yann Péchin, complice fidèle, à « Toboggan », ce nouvel album est de la pure veine de Mister HFT. En bonus, un « Père & Fils » touchant, émouvant, comme un passage de témoin.

Thiéfaine, depuis longtemps homme de mots, amateur de poésies anciennes ou modernes, nous emmène sur ses pas, en revisitant Trenet « Fenêtre sur Désert », rendant hommage à Sartre, s’inspirant même de Pétrarque. Pour ce nouvel album, il a fait appel à des amis pour partager l’aventure. Ainsi, au gré des titres retrouve-t-on Jeanne Cherhal, JP Nataf, ou Cali, ou Arman Méliès.

Le regard toujours acide sur le monde qui l’entoure, sur la vie, sur le genre humain, Hubert-Félix Thiéfaine nous offre ici un disque de haute tenue, preuve de la forme retrouvée, de la créativité réactivée. Le cru 2015 est grand ! Savourez sans modération !

Guillaume.

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