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Miles Davis, 30 ans déjà!

Ce 28 septembre 1991, il y a 30 ans, fut une journée sombre pour le jazz, pour la musique. En effet s’éteignait ce jour-là l’un des géants de l’histoire du jazz moderne, une figure emblématique qui a révolutionné, par son jeu, sa personnalité, son charisme, le monde du jazz en cours jusqu’à son arrivée dans les années 50. Sa disparition a fait l’effet d’un choc dans le monde du jazz, mais également au-delà tant, au fil des décennies, Miles Davis était devenu une icône, une marque, un modèle pour tout un tas de musiciens, y compris ceux ne venant pas du creuset du jazz.

On peut citer parmi ceux qui l’ont accompagné, les Bill Evans (le pianiste ci-dessus, puis plus tard le saxophoniste homonyme), John Coltrane, Sonny Rollins, pour la période des années 50. Ensuite, des années 60 à 80, il a engagé, formé des musiciens comme Herbie Hancock, Wayne Shorter, Chick Corea, qui l’a rejoint en 1968, à la place de Herbie Hancock, pour assurer quelques shows, et qui confie une anecdote étonnante sur ses conditions d’engagement et ce que lui demanda Miles Davis, je vous laisse découvrir cela dans la play-list en fin d’article. Autrement, Joe Zawinul, Kenny Garrett, John Mac Laughlin, Mike Stern, Tony Williams ont également évolué au côtés du trompettiste. Avec eux il va défricher les terres du jazz fusion, du jazz-rock, que ses musiciens perdureront à développer par la suite en créant des groupes devenus références tels que Weather Report, Mahavishnu Orchestra, Return To Forever.
Car Miles Davis est dès le début de sa carrière un perfectionniste, un chercheur, qui sait repérer les talents de demain, et leur sert de mentor. Il a joué ce rôle de figure tutélaire jusqu’à la fin de sa carrière.

Il a évidemment contribué à la création et l’émergence du courant bebop (1944-1948), aux côtés de Charlie Parker, Dizzy Gillespie, puis s’est frotté à tous les styles de jazz ou presque, puisqu’il a créé le cool jazz, avec le fameux album « The birth of Cool », aidé par un producteur nommé Gil Evans, paru en 1950. Vinrent ensuite le hard-bop, entre 1949 et 1955, qui correspond à son retour aux Etats-Unis, après un long sejour en Europe et surtout à Paris où il fréquente certaines figures artistiques de Saint-Germain ,en particulier Juliette Gréco,avec qui il vivra une belle histoire. Ne pouvant la ramener aux États-Unis pour l’y épouser ( le contexte social, politique et racial ne s’y prêtait pas), et Gréco bloquée à Paris par sa carrière, l’histoire se termine un peu brutalement. Miles Davis, déprimé, commence alors à tomber dans la drogue dure, cocaïne, héroïne. Il enregistre avec Sonny Rollins, Billie Holiday, Sarah Vaughan, termine de se battre contre son addiction dans la ferme de son père, puis, remis, réunit Kenny Clarke et Horace Silver pour écrire une nouvelle forme de jazz: le hard bop.
À la fin des années 50, alors devenu un musicien qui compte, Davis enregistre des albums comme, « Miles Ahead » (1957), »Porgy and Bess » (1958), »Sketches of Spain » (1959-1960), ou des morceaux tels que le « Round Midnight » de Thelonious Monk. En 1959, Miles Davis écrit un album qui constitue bientôt une pierre angulaire de son oeuvre musicale : » Kind of Blue », essentiellement basé sur des improvisations sur des pièces qu’il a composé. Ensuite, en 1963, à ses côtés il intègre Ron Carter, Herbie Hancock, Wayne Shorter, Tony Williams. Du sang neuf, pour un pas en avant vers le jazz électrique. En 1966, le groupe enregistrera « Miles smiles », puis ce sera « Sorcerer » et « Nefertiti » en 1967.
Alors que se faufile une révolution stylistique et sonore à l’autre des 70’s, Davis en profite pour peaufiner une musique jazz qui soit au rendez-vous de ce carrefour des genres jazz et rock. Le meilleur exemple en est l’album « Bitches Brew »(1970), sur lequel apparaissent le guitariste écossais John Mac Laughlin et le claviériste autrichien Joe Zawinul.

Si aux Etats-Unis, malgré le racisme ambiant, il est assez vite devenu un musicien reconnu qui avait pignon sur rue et tournait sans trop de difficultés, ce qui pour un musicien noir à l’époque, était une vraie performance. En France, il s’est fait connaître en réalisant en une prise (!), pendant sa projection, la musique du film « Ascenseur pour l’échafaud » (1958) de Louis Malle, avec la jeune Jeanne Moreau. Un tour de force qui marqua les esprits et forgea encore davantage sa légende.
Miles Davis était un perfectionniste. Jusqu’à l’insupportable pour certains des musiciens et techniciens qui l’ont côtoyés tout au long de sa carrière. Mais il savait reconnaître le talent de ses partenaires, et leur laisser champ libre quand cela était utile pour la musique et pour le le show sur scène. Nombre d’entre eux, de John Coltrane à Chick Corea, en passant par Mike Stern, Herbie Hancock, John Scofield, et j’en oublie, ont tiré bénéfice d’avoir été partenaires du maître.

Musicalement, si Miles Davis était un homme ouvert d’esprit (son album posthume « Doo bop », photo ci-dessus, sorti en 1992, aux influences rap en est la parfaite illustration), il était également à l’affût de tout, du moindre incident musical sur lequel il pourrait éventuellement rebondir. Chick Corea raconte à ce sujet qu’un soir, lors d’un concert, il commet une erreur d’accord au piano, jouant ainsi une mauvaise note. « Immédiatement, dit-il, Miles s’est tourné vers moi, s’est servi de cette fausse note pour démarrer un solo ». Le génie dans sa plus belle expression. A l’affût de tout. Pour servir son art, la musique. A propos de se tourner, Miles Davis avait pris une habitude, très tôt, celle de tourner le dos au public parfois pendant ses concerts, sur certains morceaux, ce qui fut pris par le public et les critiques de l’époque pour du mépris. Il gardera cette habitude tout au long de sa carrière, expliquant que c’était une façon pour lui de mieux être en harmonie avec son instrument, avec ses musiciens.
Malgré un succès qui ne se dément pas, des collaborations et projets à foison, Miles Davis, comme tout artiste, génial de surcroît, connaît des périodes de doutes très fortes. C’est ainsi qu’entre 1974 et 1979, le trompettiste va se retirer du monde qui l’entoure, de la scène, des studios, pour ne se consacrer qu’à lui-même. Une parenthèse sans création qui va s’avère bénéfique et salvatrice pour Davis. Plus tard, lors d’une interview donnée lors d’un passage à passage à Paris en 1989, il évoquera cette période et dira qu’il a mis 3 ans à retrouver ce son si particulier qui est le sien. « Certains jours je me suis trouvé vraiment nul », confie-t-il.
Dans les années 80, il fera appel au bassiste et producteur Marcus Miller (David Sanborn, Luther Vandross..), qui collaborera avec lui sur tous les albums au cours de la décennie (« The man with the horn » ; « »We want Miles » ; « Star people »; « Tutu », qui fera un carton à sa sortie ; « Music from siesta » ; « Amandla », qui marque un retour aux racines africaines). Dans la décennie 80-90, Miles Davis, outre Marcus Miller, va engager nombre de jeunes musiciens de la scène jazz-rock, à savoir John Scofield, Mike Stern, le bassiste Darryl Jones (aujourd’hui au sein des Rolling Stones), les saxophonistes Kenny Garrett et Bill Evans, mais aussi le percussionniste Mino Cinelu. Avec eux, il va donc construire un nouveau répertoire, plus rock, un nouveau son, aidé par Marcus Miller. Il va ainsi permettre à un public plus large de venir au jazz, dont il jugeait l’audience trop limitée. Par ailleurs, il va s’attaquer au répertoire d’icônes de la pop-music comme Michael Jackson ou Cindy Lauper. Ainsi il sort des sentiers du jazz, devient un musicien qui transcende les genres musicaux. Finie l’image du pur jazzman, Miles Davis est devenu lui aussi un pop-star. Pour enregistrer « Tutu » en 1986, en conflit avec sa maison de disques, qui ne lui accorde pas les droits sur ses propres morceaux, il s’en remet donc à Marcus Miller. La collaboration sera un franc succès, l’album aussi. Du coup, ils remettent ça en 1989 pour « Amandla ». Là aussi, le succès est au rendez-vous. Preuve qu’il est devenu un musicien apprécié des stars du rock, le groupe américain Toto l’appelle pour jouer sur « Can’t stop me now », qui figure sur l’album « Farenheit ». Dans la foulée il enregistre des sessions avec le regretté génial Prince. Il existe parait-il un disque témoin de cela, mais il est enfermé dans le coffre fort de Paisley Park, la résidence-studios où résidait et enregistrait le kid de Minneapolis.
Jusqu’à son décès, ce fameux et triste 28 septembre 1991, il va multiplier les disques, concerts, en Europe notamment, dans les grands festivals comme celui de Vienne. Véritable star mondiale, ayant dépassé depuis longtemps, par sa volonté, les simples frontières du jazz, Miles Davis est demandé partout. Chaque grand festival veut s’enorgueillir de sa présence, ce qui garantit des recettes commerciales et des retombées médiatique importantes. Le musicien-star est devenu un produit qu’on s’arrache.


En 2014, pour rendre hommage à cet immense artiste, l’acteur américain Don Cheadle (photo ci-dessus) lance une souscription pour financer un film sur Miles Davis, qui s’appellera « Miles Ahead« (affiche ci-dessus), en référence à l’album du même nom sorti en 1957, avec également Ewan Mac Gregor. Don Cheadle apprend la trompette pour l’occasion, mais ce sont bien les morceaux de Davis qui servent la bande-sonore du film. Le film sortira en octobre 2015 au festival de New-York.
Parti alors qu’il avait sans aucun doute encore beaucoup de musique à créer, partager, de rencontres nouvelles à initier, de talents à révéler, il laisse un héritage musical immense qui court sur près de 50 ans, varié, complexe, à la hauteur du musicien prolifique qu’il était, . Son empreinte est indélébile dans l’histoire du jazz, dans l’histoire de la musique du 20ème siècle. Il y a un avant Miles Davis. Il y a désormais,1991, un après Miles Davis. Nombre de jeunes musiciens, trompettistes ou simples compositeurs, perpétuent son oeuvre, son travail.
Guillaume.
Après Prince, Jimi, Bob et David, voici John Lennon version Jazz.

Dans la série « que valent le répertoire de vos idoles en mode jazz? », j’ai déjà ici donné mon point de vue sur les disques concernant Prince, Bob Marley ou Jimi Hendrix et plus récemment David Bowie. Voilà maintenant que c’est le tour de la légende John Lennon, ex-Beatles, devenu chantre de la paix et de l’amour dans le monde aux côtés de Yoko Ono dans les années 70’s, jusqu’à son assassinat le 8 décembre 1980, de « subir » cet assaut musical de jazzmen et jazzwomen pour réinterpréter son répertoire. Toujours à la baguette, le talentueux Lionel Eskenazi a rassemblé pour l’occasion des noms prestigieux tels que le saxophoniste-guitariste et chanteur Curtis Stigers, le chanteur anglais Joe Jackson, le guitariste et chanteur de blues Lucky Peterson (disparu en 2020), NGuyen Lê (déjà présent sur la version hommage à Jimi Hendrix), le guitariste Al di Meola, la chanteuse-pianiste brésilienne Tania Maria et le pianiste, compositeur et chanteur italien Stefano Bollani, pour les plus connus. Bref, du très lourd! Voyons maintenant ce que ça donne. L’album s’ouvre avec la voix plaintive et bluesy de Curtis Stigers qui chante un très beau « Jealous Guy ». Ça sent la douleur, la tristesse. Le tout accompagné d’un tres bon trio piano-batterie-contrebasse. Superbe. Ensuite c’est une fille, entendez « Girl » qui s’invite à nos oreilles, magnifiquement chantée par le vétéran de la pop anglaise Joe Jackson, dans un registre piano-voix que je ne lui connaissait pas. Bluffant. Après quoi les Pink Turtle (les Pink..Floyd étaient pas disponibles😉) revisitent le tube mondial « Imagine » en mode instrumental ambiance funk cool. Ça fonctionne. Retour au Blues avec l’immense et regretté Lucky Peterson qui chante l’évidence même « Yes Blues ». Un régal.
Puis arrive sans crier gare une voix féminine qui m’est inconnue, celle de Daria, qui interprète « Strawberry fields forever » avec délicatesse, souplesse vocale sur fond de musique indienne. Plaisir. A peine suis-je sorti de ce morceau que déboule un pianiste de jazz finlandais, IIro Rantala qui m’attrape et joue un « oh my love » tout en subtilité comme savent le faire les musiciens nordiques qui ont une sensibilité vraiment particulière. Ce titre figure sur l’album « My working class hero » qu’il avait composé en hommage à John Lennon en 2015. Je vais me dépêcher de découvrir sa discographie. Après cet amour en mode finlandais, Nguyen Lê, guitariste, nous trimballe en Inde pour un « Comme together » étonnant, sur lequel il laisse son expression se dérouler, ce qui donne une très belle couleur au titre. De plus il est accompagné de 3 chanteurs (2 hommes, 1 femme). L’aspect jazz-fusion du morceau le rend totalement neuf. Superbe. Un autre virtuose de la guitare succède à Nguyen Le, il s’agit de Al di Meola. Sa version de « Dear Prudence », sur des tonalités quasi flamencas, est très belle. Son jeu est fluide. On entend presque ses doigts courir sur le manche. Sorti de cet instant gracieux, revoilà Jen Chapin et le Rosetta trio, entendue sur l’opus dédié à David Bowie, elle y chantait « Starman ». Là c’est un « nobody told me » presque intimiste qu’elle interprète avec guitare, et une contrebasse. Magique. Je parlais plus de la Finlande. C’est maintenant les forêts norvégiennes que nous visitons grâce au piano de Stefano Bollani. Ça vous transporte. De là-haut j’entend la voix de la brésilienne Tania Maria qui nous dit « Imagine ».. Le tout sur un rythme de jazz cool… Ça groove en douceur, c’est juste beau.
Après ce très joli moment, un guitariste nommé Stephen Bennett (rien à voir avec Tony Bennett) nous gratifie d’un « Because » tout en touché et musicalité. Entendre ce morceau joué ainsi est vraiment spécial. Puis la voix lancinante et timbrée de Muriel Zoe, chanteuse allemande néée à..Hambourg (ville où les Beatles ont joué à leurs débuts hors Angleterre) donne à entendre une version toute en retenue du classique « A hard day’s night ». « Nowhere man » qui suit est joué sur un rythme très cool, de presque fin de jour, ou fin de nuit, selon votre humeur d’écoute, par un duo de jazzmen allemands, les frères Roman (piano) et Julian (trompette) Wasserfuhr. Une belle découverte. Un « Beautiful Boy » est ensuite appelé, sussuré devrais-je plutôt dire ici par la chanteuse Laura Crema. Une chanson en mode jazz cool. Avec un piano qui dialogue avec le chant de belle manière. Pour vraiment terminer ce bel hommage à John Lennon, place à un instrumental, qui parfois nous emmène dans les étoiles. Ici c’est carrément un voyage « Across the Universe » qui est suggéré par le piano aérien de Bill Anschell. Comme un dernier salut à l’artiste, mais aussi à l’ange bienveillant que se voulait être John Lennon vis à vis de ses condisciples humains.
Guillaume.
Chick Corea, légende du jazz, laisse son piano muet.

Lui qui pendant près de 60 ans se consacra au piano, au jazz, laisse une oeuvre immense, enregistrée entre 1968 et la sortie de « Tones for Joan’s Bones« , et « Trilogy 2 » sorti en 2019, soit plus de 90 albums, studios et live confondus, et des collaborations variées. Retour sur une carrière magistrale.
Son père trompettiste dans un orchestre dixieland, pendant les années 30 et 40, va mettre le petit Armand Anthony dit « Chick » au piano dès ses 4 ans révolus. Le gamin semble doué et apprécie ce que son père lui fait écouter découvrir : ke trompettiste Dizzy Gillespie (photo du dessous), les saxophonistes Charlie Parker (deuxième photo ci-dessous) et Lester Young, les pianistes Bud Powell et Horace Silver. Un socle de solides références pour appréhender la musique jazz, qui ça occuper toute sa vie. A 8 ans, il délaisse un temps le piano pour la batterie. Le temps d’en apprendre les rythmiques et l’aspect percussions, qui vont plus tard influencer sa manière de jouer du piano, instrument qu’il retrouve très vite pour ne plus le lâcher de toute sa carrière.


Avant la décade 70 qui s’annonce, il va en 1968, remplacer Hetbie Hancock au sein du groupe de Miles Davis (photo ci-dessous). Ainsi participera t-il aux enregistrements de « Files de Kilimandjaro », « In a silent way », « Bitches Brew » au cours desquels il expérimentera des pianos électriques, des sons nouveaux pour l’époque. Il restera avec Miles Davis jusqu’en 1970, y côtoiera Keith Jarrett, autre virtuose du piano.

S’il est un homme de groupe, Chick Corea ne se refuse pas à des projets solo et il existe plusieurs traces, à l’égal d’un Keith Jarrett, d’enregistrements solos du génie américain. Je citerai « piano impro »(1971), »piano impro 2″(1972), « Solo piano-Originals »(2000), « Solo piano-Standards » (2000), enfin « Solo piano-Portraits »(2014).
Chick Corea maîtrisait aussi pleinement l’art de l’improvisation. D’ailleurs il aimait à dire souvent que avant d’entrer sur scène, lors de concerts solo, il ne savait pas forcément ce qu’il allait jouer. Cela, j’ai eu la chance de l’observer un soir d’août 2014 au festival de jazz de Marciac. La soirée s’annonçait belle. Chapiteau rempli de 6000 spectateurs venu admirer quatre virtuoses du jazz. En deux duos, le premier composé de Chick Corea et de son complice Stanley Clarke, puis en deuxième partie, Hetbie Hancock et Wayne Shorter. Plateau exceptionnel !
Donc, en premier, celui qui nous interesse ici, le duo Corea-Clarke. Les deux hommes, 70 ans passés, affichent belle santé. Corea s’installe à son.piano, Clarke enlace sa contrebasse. Démarre alors un dialogue musical tout en improvisation et question-réponse de très haut niveau. Corea est dans un grand soir, ses mains virevoltent sur le clavier de son piano, il sourit, jette à peine un oeil à Clarke qui le suit , le précède ou le rattrape au gré des improvisations. Magistral! Bien sûr, les deux compères nous gratifieront de morceaux de l’époque Return To Forever, et Stanley Clarke jouera même une adaptation de « Waltz for Debbie » dédiée à sa femme. Un moment sublime de virtuosité, d’émotion, sous le regard admiratif autant qu’amical de Chick Corea.
Une heure quinze durant, les deux compères musiciens avaient régalé l’auditoire par leur talent, leur générosité, leur complicité musicale nourrie de tant d’années à jouer ensemble. Je me rappelle être sorti de cette soirée chamboulé par ce que j’avais vu, entendu. Un de mes grands souvenirs de concerts.
Tout au long de sa carrière, Chick Corea a multiplié les rencontres et les concerts avec de très grands musiciens de jazz. Hormis ceux déjà cités, on peut noter les guitaristes Pat Metheny, Paco de Lucia, John Mac Laughlin, Mike Stern, le batteur Steve Gadd, le percussionniste Vinnie Colaiuta, le saxophoniste Michael Brecker, le contrebassiste Avishai Cohen et j’en oublie…tellement la liste est longue. Il était curieux, voulait rencontrer, découvrir de nouveaux musiciens, explorer de nouvelles formes de composition musicale.
Si Chick Corea a consacré l’essentiel de sa vie et de sa carrière au jazz, à l’écriture, il a également, mais de manière moindre joué des morceaux du répertoire classique, sans jamais y consacrer de disque entier.
Chick Corea laisse un vide immense dans le monde du jazz, mais sa musique, son talent, sa maîtrise technique de l’instrument, resteront gravés sur tous les disques qu’il a enregistré entre 1968 et 2019. Une trace indélébile. Un témoignage sublime d’un talent hors norme d’un.musicien qui aura marqué la deuxième partie du vingtième siècle et le début du vingt-et-uniéme.
Merci pour tout Chick Corea.
Je vous laisse avec une sélection de morceaux enregistrés, joués par ce virtuose.
Par ailleurs, quelques-une de ses albums sont à retrouver à la médiathèque :
Innée Space ; The Musician ; Improvisations childrens ; Two ; The Enchantement ; Chinese butterfly ; Forever ; Children of Forever.
Guillaume.
https://www.youtube.com/playlist?list=PLwaqz1wV9_eWnkQtWjMHet9hHH-fsoNSS
Jeff Beck, ou le talent discret.

Troisième guitariste important des années 60’s, période d’éclosion du British blues boom, contemporain et ami d’ Eric Clapton et Jimmy Page, Jeff Beck, né à Londres en 1944, a suivi, au début de sa carrière le même chemin qu’eux : Un petit tour au sein des Yardbirds, une percée au moment du british blues boom à la fin des années 60, dans le sillage du mentor John Mayall. Véritable touche à tout, ce guitariste aussi discret que talentueux, va explorer le blues, le blues rock, le hard rock, et même le jazz fusion. Une palette très vaste donc.
Avant de se mettre à la guitare, qu’il a découvert lors d’un emprunt avant de s’en construire une lui-même, le jeune Jeff Beck est passé par l’école du chant choral dans une église. mais donc, très vite fasciné par cet instrument qu’il découvre, il décide d’en acquérir une absolument. Sans avoir vraiment eu le temps de faire la différence entre l’acoustique et l’électrique. Sa « religion » était faite : Ce sera l’électrique. Il se met alors à écouter différents musiciens comme Les Paul, Steve Cropper, B.B. King ou encore Cliff Gallup, le guitariste soliste de Gene Vincent. Puis vient le temps des études au Wimbledon College of Art. Sorti de là, Beck enchaîne différents petits boulots comme peintre-décorateur, jardinier. Rien de très joyeux quand on aspire à devenir guitariste de rock, à vivre de la musique. Puis le destin s’en mêle. Sa soeur le présente à Jimmy Page. Il devient alors musicien de studio, comme Clapton et Page. Idéal pour se faire la main, rencontrer des artistes. Prouver sa valeur. Développer son style.

En 1965, suite au départ d’Eric Clapton des Yardbirds, Jimmy Page le recommande et il est embauché. Ce duo est immortalisé dans une séquence du film « Blow up » de Michelangelo Antonioni, qui date de 1966. Fasciné par les possibilités sonores qu’offre la guitare électrique, il en découvre les effets comme la distorsion, le feed-back. Par sa vision de l’instrument et la place qu’il lui donne dans un groupe, au même titre que Keith Richards au sein des Rolling Stones ou Ritchie Blackmore au sein de Deep Purple plus tard, Jeff Beck aura une influence sur le jeu qui sera pratiqué par Jimi Hendrix. Ensuite, il décide de former le Jeff Beck Group, avec rien moins que Rod Stewart au chant et du guitariste Ron Wood (future membre des Rolling Stones, en 1975, remplaçant Mick Taylor), tous les deux, anciens membres des Small Faces, puis des Faces. En 1968, la parution de l’album « Truth » jettera les bases de ce qui deviendra le hard-rock au tournant des années 70’s avec Led Zeppelin et Deep Purple notamment. Preuve du talent du bonhomme, le groupe Pink Floyd, au départ de Syd Barrett en 1967, a voulu faire appel à lui, sans jamais oser, selon Nick Mason, membre du Flamant Rose.
Ensuite, il décide de former le Jeff Beck Group, en 1971, avec rien moins que Rod Stewart au chant et du guitariste Ron Wood (future membre des Rolling Stones, en 1975, remplaçant Mick Taylor), tous les deux, anciens membres des Small Faces, puis des Faces, mais également Cozy Powell aux baguettes (il sera aussi le batteur du Black Sabbath, de Rainbow. Il est connu pour sa frappe lourde), le chanteur et guitariste Bobby Tench, Clive Chaman à la basse, Max Middleton aux claviers. Le groupe enregistrera 2 albums, « Rough and ready » (1971) et « Jeff Beck Group »(1972), sur lequel figure une reprise d’un titre de Stevie Wonder « I got to have a song ».
A la dissolution de son groupe, et profitant de celle, un peu plus tard du projet Cactus, avec Carmine Appice et Tim Bogert, Jeff Beck les réunit pour former Beck Bogart & Appice. Le groupe enregistre un album éponyme en 1973 avant de se séparer en 1974, année au cours de laquelle Jeff Beck entame alors une carrière solo. Il rencontre et recrute le groupe Upp et enregistre avec eux « Guitar Workshop » la même année. L’année suivante, il enregistre des sessions plutôt orientées jazz-rock. Le résulat donnera le disque « Blow by blow », en mars 1975.
Par la suite, il va enchaîner les collaborations prestigieuses. Avec le bassiste de jazz Stanley Clarke en 1978, puis avec Tony Hymas et le batteur Simon Phillips. Le virtuose anglais continue sa route, publiant « There and Back » en 1980, « Flash », sur lequel Rod Stewart intervient, en 1985, « Guitar Shop » (1989), « Crazy legs » (1993). Sa carrière est marquée par des flashback à l’occasion de shows caritatifs donnés en l’honneur de Ronnie Lane, en compagnie de ses amis Eric Clapton, Jimmy Page. Fidèle en amitié, il participe aux quatre éditions du Crossroad Festival initié par Eric Clapton, entre 2004 et 2013.
En 2007, il donnera des concerts au Ronnie Scott’s Club. Invitant pour l’occasion des poinures comme Vinnie Colaiuta, Eric Clapton, Joss Stone, Jason Rebello. Les concerts seront captés en vidéo pour une sortie en dvd, qui ne manque pas de saveur.
Toujours très occupé, il s’associe en 2016 à Carmen Vandenberg et Rosie Bones, pour la sortie de l’album « Loud Hailer« . A bientôt 75 printemps, Beck est un guitariste à la carrière riche et bien remplie.
Je vous laisse découvrir plusieurs facettes du talent de ce guitariste. Bonne écoute!
Guillaume.
Christian Scott, transmetteur de mémoires.
Souvenez-vous, j’avais déjà évoqué Christian Scott, le talentueux trompettiste américain après l’avoir vu en concert en mars dernier à Paris. Cette fois, l’homme étant assez prolixe, à la manière d’un Miles Davis par exemple, nous propose 2 cadeaux musicaux !!! le premier, « The emancipation procrastination » qu’il signe de son nom complet Christian Scott Atunde Adjuah (en hommage à ses ancêtres africains).
Le second, un album triple intitulé « The Centennial Trilogy », qui outre l’album précité, regroupe deux autres disques sortis en 2017, à savoir « Diaspora » et « RulerRebel ». De quoi se faire une belle idée du talent de ce musicien de 35 ans, grandi à la Nouvelle-Orléans, baigné des cultures africaines, de la soul, du blues, du hip-hop. Un mélange culturel et sonore dans lequel Christian Scott pioche avec un bonheur non dissimulé au gré de ses envies, de ses humeurs
« Centennial Trilogy » est un projet important pour Christian Scott. Une forme de revanche sur les clichés portés par les blancs à l’époque de l’esclavage au Etats-Unis : « fêter les 100 ans du premier enregistrement d’un album de jazz, que l’on doit à l’original dixieland jass band. Datant de 1917, le disque avait été fait par des blancs… pour se moquer du jazz noir ! Une sorte de satire de mauvais gout, inimaginable aujourd’hui. Cette trilogie serait donc une revanche, un rêve de gosse : « je voulais remettre dans la tête des gens que le jazz est une multitude de sons et d’influences et pas juste une blague ». Avec trois albums aux concepts musicaux différents, il remplit parfaitement cette mission : « Ruler Rebel » pour « qui tu écoutes », « Diaspora« pour « qui parle à qui » et « The emancipation procrastination« pour « ce que l’on raconte ».
Si le premier volet, « Ruler Rebel » fait la part belle aux racines africaines de la musique noire américaine moderne, le second, « Diaspora » se veut plus éclectique mettant en lumière les différentes diasporas qui ont composés le socle de la nation américaine et qui continuent aujourd’hui encore d’y contribuer. A travers ce disque, il marque son envie, sa nécessité viscérale d’étendre le jazz aux autres musiques, de ne pas l’enfermer dans une chapelle, de lui garder une fraicheur, une modernité accessible, mission qu’il confie à ses jeunes acolytes, qu’il considère comme ses héritiers, de la transmettre. Le 3ème volet, « The Emancipation Procrastination« , contient une musique revendicative, pleine de sens politique, pour lui qui ne souhaite plus que les afro-américains restent passifs face à l’ordre des choses dans la société américaine. Il les invite à se lever, à se prendre en mains, ne pas rester résignés.
Dans les deux cas, donc, Christian Scott, entouré de ses comparses habituels, à savoir Elana Pinderhugues (flûte), Braxton Cook(saxophone alto), Stephen J.Galdney(saxophone ténor), Lauwrence Fields (piano, fender rhodes), Corey Fonville (batterie), Luques Curtis (basse), s’évertue à nous emmener dans son sillage sur les traces de la musique jazz, sur la terre de ses ancêtres, là où tout a vraiment démarré pour le Jazz, nous faire découvrir sa vision très large de la musique jazz, marquée par le talent de ce musicien aussi singulier que talentueux. Un homme-citoyen engagé, un musicien à forte personnalité, une démarche revendicative, qui plairaient à des figures telles Miles Davis, Sonny Rollins, Malcolm X, ou Martin Luther King.
En oubliant pas d’où il vient, ni les racines de sa musique, Christian Scott se fait ici gardien et transmetteur d’un mémoire historique, qu’il est,par les temps qui courent, utile de rappeler. Dans l’espoir qu’un jour l’Homme apprenne de ses erreurs et errements du passé pour mieux construire son avenir. En paix.
Deux disques à écouter de toute urgence pour comprendre qui est Christian Scott.
Guillaume.
Ulf Wakenius, Viking et wagabond musical.
Membre éminent de la tribu de musiciens nordiques qui ont fait « surface » sur la scène nordique du jazz dans les années 90, dans le sillage du regretté pianiste suédois Esbjörn Svensson, Ulf Wakenius guitariste-chanteur et oudiste, a publié en 2012 une véritable pépite musicale, « Vagabond« , publiée sur le label ACT. Ce guitariste a notamment accompagné Oscar Peterson au sein de son ultime quartet en 1997, de même qu’il fut membre du Ray Brown Trio. De 1985, année où il entama une carrière solo, à 2014, année de parution de son dernier bébé musical « Momento Magico », ce ne sont pas moins de 18 albums qui jalonnent la carrière de cet instrumentiste-compositeur talentueux.
A cet occasion, il s’est entouré de fines gâchettes, jugez plutôt : Vincent Peirani à l’accordéon, Lars Danielsson à la basse/ contrebasse, Michael Dahlvid à la maîtrise du darbouka et du cajon. En invités, rien moins que la chanteuse Youn Sun Nah qui nous offre une superbe reprise de « Message in a bottle » de Police, toute en douceur, en finesse, accompagné par le talentueux guitariste Nguyen Lê.
D’entrée de jeu, Wakenius, homme du grand nord, nous emmène faire un tour du Monde en musique, commençant par les contrées du sud, avec le titre éponyme « Vagabond », véritable joyau de sensibilité où son jeu de Oud fait merveille. Après le message dans la bouteille susurré par Youn Sun Nah, vient une évocation des terres bretonnes, laissant ici Vincent Peirani nous emmener en balade… Rien de plus agréable que de se laisser porter dans le sillage de ces mélopées celtes. « Psalmen » est un beau morceau, tout en douceur, une transition parfaite avant d’écouter « Breakfast in Baghdad », morceau sur lequel les sonorités mélangées des guitares, du oud, de l’accordéon, et de la voix, font merveille. S’en suit le très joli « Song for Japan ». « Bird & Bees », joli duo de cordes, voit cohabiter Eric Wakenius (fils de Ulf) et son père. « Praying », « Chorinho » (composé par Lyle Mays, musicien que l’on peut par ailleurs retrouver aux cotés du génial Pat Metheny, »Witchi-Tai-To », morceau de Jim Pepper, en hommage aux Indiens, premiers habitants des Etats-Unis d’Amérique, qui résonne démarre avec un tempo très sec, quasi obsessionnel, avant de laisser la place aux jeux de guitares, le tout dans une ambiance un peu lourde, et le final « Encore » signé du Keith Jarrett, repris à la guitare, ce qui lui confère une atmosphère très subtile, toute en finesse.
« Vagabond » est un très joli disque, tout en subtilité, servi par des musiciens talentueux, une magnifique promenade musicale au gré des terres ou continents évoqués. A écouter sans modération.
Guillaume.
Chez les Wakenius, la guitare de père en fils.
J’entends certains d’entre vous se dire : « Quoi? Encore une chronique (après celle de l’album « Vagabond »), sur le guitariste suédois Ulf Wakenius!!! ».
Oui! absolument! car le disque dont il est question ici, « Father and son« , sorti chez ACT Music en 2017, vaut le détour. Pour deux raisons au moins : La première étant que c’est ici l’occasion d’un dialogue musical à la guitare acoustique avec son fils Eric. La seconde, vous l’aurez deviné, parce que ce duo nous offre un moment de grande qualité.
Dès que l’on écoute la guitare de Ulf Wakenius, il est impossible de ne pas songer au génial Pat Metheny (voir la vidéo ci-dessous enregistrée en 2003, où le duo est réuni sur scène). Même sens du toucher, de la légèreté, et une virtuosité indéniable. Ulf Wakenius s’il est un fervent adepte de la guitare acoustique, il n’en est pas de même de son fils, qui ayant vécu aux Etats-Unis pendant de nombreuses années, à Los Angeles, s’est trouvé plongé dans des univers musicaux et sonores très divers, où la guitare… électrique avait la prédominance. Finalement attiré et converti à la guitare acoustique, il accompagne depuis maintenant plusieurs années son père autour du monde, pour des concerts en duo, ou des master class.
La connivence, évidente, palpable entre les deux musiciens, donne à la musique jouée une vraie fraîcheur, et ce quelle que soit la tonalité des morceaux. Mais ce disque est aussi l’occasion pour Ulf Wakenius de rendre hommage à deux grands figures du jazz : Joe Zawinul, claviériste ancien membre de Weather Report et fondateur du Zawinul Syndicate dans les années 90 (avec notamment Paco Sery aux baguettes) et Esbjörn Svensson, pianiste suédois trop tôt disparu. « Birdland » et « Dodge the Dodo/ When God created the coffee break » en sont la parfaite illustration. Un clin d’œil au vent du sud de la France, du côté d’Avignon avec « Mistral », morceau sur lequel Youn Sun Nah vient poser sa voix.
Quand on pense à la guitare acoustique, il est impossible de ne pas penser, évoquer le grand Paco de Lucia, chantre du flamenco. Puis s’ensuit « Scarborough fair », composé en pensant au duo Simon & Garfunkel, icones de la pop-culture des années 70-80. Leur version de « Eleanor Rigby »‘ est toute en douceur, subtile, gracieuse. Pour clore cet opus familial, « Father and son », composé par Eric Wakenius, et donc « Birdland », cher à Joe Zawinul.
Un très joli disque, tout en sensibilité, où le talent et la complicité sont au service de la musique. Superbe!
Guillaume.
Hubert Dupont, passeur de musiques
En cet été, je vous propose une série de découvertes d’artistes-musiciens fontenaysiens.
La première découverte, concerne Hubert Dupont, contrebassiste. Pour celles et ceux qui ne l’ont jamais vu-écouté, il est régulièrement programmé à Musiques au Comptoir, Halle Roublot, ou plus récemment lors de Fontenay-Sous-Soleil, le 15 juillet dernier, ainsi bien sûr que dans des festivals en France ou à l’étranger.
Outre son instrument fétiche, qu’il manie superbement, Hubert s’avère être aussi un chef de bande, de Brass Band, directeur musical de différents groupes et projets (voir son blog). Il habite Fontenay depuis très longtemps, y mène une action musicale, éducative, de transmission, d’échanges en tous genres, de rencontres, riches, variées, toujours avec le soucis de la qualité (http://www.ultrabolic.com/). Certains d’entre vous ont pu le découvrir, en 2014, lors de la fête de la musique, lorsqu’il était venu diriger son Brass Band, alors composé d’une douzaine de musiciens, sur le perron de la Médiathèque de Fontenay-sous-Bois.
Ici, il est partie prenante de l’Ensemble « Golan », accompagné de la flutiste traversière Naïssam Jalal et du percussionniste Youssef Hbeisch, entourés de Ahmad Al Khatib à l’oud, Zied Zouari au violon et Matthieu Donarier à la clarinette. Cet ensemble musical a enregistré un album, »Golan, Al Joulan, Vol.1 » (qui donc sera suivi d’un volume 2, en préparation), à Musiques au Comptoir, en octobre 2015. Ce projet musical a emmené le groupe en tournée en Palestine, ou l’accueil réservé fut tout simplement « magique », d’après Hubert.
Sur « Golan », dès le premier morceau, on est embarqué dans les contrées moyen-orientales, avec ces musiques rythmées, chaloupées, et ces sonorités si reconnaissables, ici magistralement servies, par la bande de musicien réunies. Un vrai voyage musical, culturel, qui, à l’heure de la montée des radicalismes, des tensions communautaires réelles ou artificielles, fait un bien énorme à écouter, savourer. Oui l’ailleurs est source de richesse humaine, d’échanges.. c’est tout le sens de ce projet « Golan », et plus largement de l’aventure musicale que mène Hubert Dupont depuis des années, à travers ses différents projets.
Si le disque n’est composé que de 6 morceaux (ce qui peut paraître peu, mais bon, la qualité est au rendez-vous, alors ne boudons pas ce plaisir, savourons-le!), c’est une belle échappée que nous délivrent ici les membres de ce Golan Project. Vivement le second chapitre!!!
Hubert Dupont, à travers tous ses projets, se veut être un passeur de musiques, un homme de rencontres culturelles, artistiques, humaines.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient découvrir cet artiste, ce musicien, les disques sont disponibles à la médiathèque.
Guillaume.
Snarky Puppy, Fanfare qui jazze en mode fusion.
Snarky Puppy, ce nom ne vous dit peut-être rien… en tous cas, moi je ne connaissais pas ce groupe composé de 13 musiciens, basé à Brooklyn, mais qui vit le jour au Texas en 2004, jusqu’à ce que j’écoute « Sylva« , leur nouvel album, fait de jazz coloré, métissé.
Au sein de cet ensemble se côtoient guitares, cuivres, pianos, cordes, percussions, le tout nous emmenant dans un univers sonore des plus ouverts, puisqu’aussi bien le rock, le jazz fusion, le rock progressif, la funk. « Sylva« , leur récent album dont la pochette colorée à souhait (comme leur musique), rappelle la … forêt, est l’illustration parfaite de ce mélange des genres. Il a été enregistré en compagnie de l’ensemble hollandais du Metropole Orkest, qui fut fondé en 1945, et a collaboré avec les plus grands noms du jazz, de Ella Fitzgerald à Gregory Porter en passant par Al Jarreau, John Scofield.
Si seulement 6 morceaux sont proposés à nos oreilles, ce qui peut paraître peu, Snarky Puppy en nous offrant deux longues plages, « The Curtain » qui dure 15 minutes, ainsi que « The Clearing », qui nous emmène en voyage pendant près de 20 minutes. Mais dès « Sintra » qui ouvre l’album, l’auditeur entre sans difficultés dans cette forêt sonore et musicale, qui résonne comme une ode à la richesse de la diversité, celle des sons, des cultures, des continents, pour ne faire qu’un et définir une musique colorée, variée. Chaque titre est un chemin, plus ou moins long à fréquenter, qui réserve sa dose de surprises rythmiques, de références à des cultures, le tout avec talent et subtilité. L’auditeur est amené à s’imaginer des paysages , décors, ambiances, au gré des morceaux joués par les Snarky Puppy.
« Sylva », 9ème album de Snarky Puppy, est une belle réussite. A signaler la présence d’un dvd.
Bonne nouvelle, le groupe publiera son prochain album dès cette année 2016, sous le titre de « Family Dinner, volume 2 » (le premier volume est paru en 2013)!
C’est un vrai plaisir de les écouter. J’ai hâte désormais de les voir sur scène, où leur musique doit donner toute sa mesure.
Guillaume.
Simon Phillips, batteur sans protocole.
« Protocol III » est le dernier chapitre d’un triptyque musical élaboré par le batteur britannique Simon Phillips, dont le premier volet est sorti en… 1988, et qui fait suite au second volet « Protocol II » sorti en 2013.
Simon Phillips, batteur qui a la particularité d’être ambidextre, mène une carrière de musicien-producteur riche et variée, puisqu’il a accompagné par le passé côtoyé aussi bien Véronique Sanson que Peter Gabriel, Mick Jagger que Mike Oldfield, des groupes de rock comme les Who, Toto, mais aussi les guitaristes Gary Moore, Jeff Beck, Joe Satriani. Ces dernières années, il a accompagné, aux côté du bassiste Anthony Jackson, la pianiste japonaise Hiromi.
Pour élaborer ce « Protocol III », le batteur anglais s’est entouré du guitariste Andy Timmons, du bassiste Ernest Tibbs, du pianiste Steve Weingart. Le résultat de cette collaboration en quartet est un album de jazz-rock puissant, élégant, où les musiciens sont à parts égales. S’il ne comporte hélas que 8 morceaux, c’est un régal de jeu subtil, d’ambiances mélangées, le tout mené par le métronome aux baguettes magiques. Tout au long du disque, Simon Phillips nous trimballe dans son sillage, nous emmène dans cet univers qu’il maitrise parfaitement, mélange de jazz subtil et de rock très rythmé, aidé en cela par ses compères, qui cisèlent de jolies ambiances. Les morceaux, qui durent tous plus de 5 minutes, laisse l’auditeur profiter de ces joutes musicales, de ce dialogue instrumental et de la dextérité affichée. Plaisant sans jamais être lassant.
Guillaume.
Al di Meola, la guitare dans tous ses états.
Al Di Meola, guitariste aussi brillant que discret nous revient avec son « Elysium ». Pour notre plus grand bonheur !
Si la pochette laisse à penser qu’il se prend pour le « Penseur » de Rodin, affublé d’un air sérieux caché derrière ses lunettes, il n’en n’est rien !
Al Di Meola demeure avant tout un véritable esthète de la guitare, compositeur virtuose, au parcours éclectique, passant sans mal du jazz-rock époque Return to Forever dans les années 70-80, aux côtés du légendaire pianiste Chick Corea, au jazz métissé d’influences aussi variées que le tango argentin, le flamenco espagnol ou encore les rythmes africains. Il est ici épaulé par 3 claviéristes de haut vol : Philippe Saisse, Barry Miles, Mario Parmisano. Les percussions sont aussi très présentes, à travers le cajon, la darbouka, les bongas.
L‘ensemble est superbe ! Al di Meola nous régale au travers de ce disque subtil, aérien. Sa virtuosité technique est au service de ses compositions, sans jamais prendre le dessus. De « Adour » qui ouvre l’album, en passant par « Babylon », « Esmeralda », « Amanjena », aux plus classiques tel « Etcetera in E-Major », sans omettre le superbe « Stéphanie » dédié à sa compagne, ou le final « La Lluvia », Al Di Meola nous offre une palette riche et variée de son talent, nous faisant voyager au fil des compositions.
Une vraie réussite, une pépite, un album à déguster sans aucune modération !
Guillaume.
Magie du Oud
Mohamed Abozekry est un oudiste virtuose et un compositeur de génie. Né au Caire, il devient à 15 ans le plus jeune professeur de oud du monde arabe. Il mêle la musique orientale à d’autres musiques du monde (latine, tzigane, indienne) et à d’autres influences (jazz, blues, rock). Il a fondé en 2011 avec des amis lyonnais un quatuor le « Heejaz ». Leur premier album » chaos » était déjà magnifique, « Ring road » est splendide. Il se balade entre musique traditionnelle, jazz, flamenco avec parfois une pointe de bossa. On ressent parfois la mélancolie du oud mais même si les morceaux sont longs, on ne s’ennuie pas tellement on est entouré pas un univers fantastique riche en couleurs.
A découvrir absolument
Françoise
Hubert Dupont, mélangeur d’univers
Depuis très longtemps déjà Hubert Dupont, contrebassiste, aime à mélanger les univers sonores, rythmiques. Son parcours musical, les formes musicales utilisées, (trio, fanfare, quartet, quintette) montrent l’éclectisme chevillé au corps de ce contrebassiste.
Son nouveau projet musical « Vox XL« , enregistré en 2014 et présenté le 6 février dernier à Musiques au Comptoir, en est la nouvelle preuve.
Soir de grand froid, je décidais d’aller écouter Hubert Dupont et ses complices, à Musiques au Comptoir. Bien m’en pris puisque ce sextet proposa au public présent une promenade toute en subtilité et talent, allant des Etats-Unis à l’Afrique, en passant par le Moyen-Orient, sans oublier l’Europe évidemment !
Venus d’horizons divers, sous la direction discrète mais efficace d’Hubert Dupont, ses complices mélangèrent avec bonheur le spoken-word de l’américain Mike Ladd, au rap en langue wolof du sénégalais Ibrahima Diassé, en passant par les mélopées moyen-orientales de la flûtiste traversière Naissam Jalal, le tout donnant un jazz-fusion très inventif, aérien, subtil, qui fait voyager l’auditeur.
Les joutes verbales entre Ibrahima Diassé et Mike Ladd, ce dialogue Nord-Sud, sur fonds de musique jazz métissé très élaboré, étaient un régal. Joie de jouer, de partager, d’être là, simplement!
Ce soir-là, le public présent a passé un beau moment, plein de chaleur humaine, de partage. Un voyage interculturel et riche de sonorités diverses. Ce langage universel qu’est la musique a pris tout son sens ce soir-là. 90 minutes d’un bonheur partagé, sentiment précieux par les temps qui courent.
« Vox XL » est un objet musical identifié, à découvrir en urgence, à savourer sans modération.
Guillaume.
Spyro Gyra, 35 ans de Jazz-rock.
30 albums en 35 ans de carrière. Un jolie constance. Ainsi est Spyro Gyra, groupe de jazz-rock, jazz-fusion, fondé en 1978 à Buffalo, aux Etats-Unis, par le saxophoniste alto Jay Beckenstein, et le pianiste Tom Schuman, seuls rescapés de la formation du début. Aujourd’hui ils sont aujourd’hui épaulé par un trio de haut vol : le guitariste Julio Fernandez, le bassiste Scott Ambush, et le spectaculaire batteur-percussionniste (pour l’avoir vu a l’oeuvre cette année à Marciac), Bonny Bonaparte. « Rhinebeck Sessions« , dernier album, sorti en 2013, sert de support à leur tournée actuelle.
A Marciac, cette année, ils ouvraient pour le saxophoniste américain Kenny Garrett (décevant ce soir-là). Spyro Gyra, face à une salle qui s’est rempli au fur et à mesure, comme dirait Liane Foly, nous agratifié d’un set de 90 minutes sans fioritures, ni esbrouffes, juste rempli de belle et bonne musique, servi par des musiciens heureux de jouer ensemble (cela se voyait sur scène), et dont c’était la première apparition dans le cadre prestigieux du festival gersois. Des morceaux riches, enlevés, une doublette basse-batterie qui tient la route, un guitariste virevoltant, et les 2 anciens, Tom Schumann et Jay Beckenstein qui s’en donnent à choeur-joie.
Weather Report, Return to Forever, Mahavishnu Orchestra n’existent plus, mais Spyro Gyra maintient haut le flambeau de ce genre qu’est le jazz-rock, jazz-fusion. Tant mieux pour nos oreilles. « Rhinebeck Sessions » est une belle galette musicale, qui s’écoute, s’écoule, facilement, réservant ça et là quelques jolies pépites que je vous laisse bon soin de découvrir.
Allez, osez, vous ne serez pas perdants…!
Guillaume.