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Tony Bennett, genèse d’une grande voix.


Tony Bennett. J’ai déjà évoqué ici-même cet immense artiste, chanteur-crooner contemporain de Franck « The Voice » Sinatra, lui-même sujet d’un article sur ce blog. J’ai donc déjà eu l’occasion d’évoquer toute l’admiration que je porte à ce géant du jazz, vu à l’Olympia il y a quelques années (spéciale dédicace à mon ami Florent avec qui j’ai partagé ce grand moment de musique, de jazz) avec son quartet et qui tenait à 91 ans une forme éblouissante. Il vient d’ailleurs de publier la suite de ses duos avec Lady Gaga (photo ci-dessous), dont leur reprise en duo de « My lady is a tramp » est loin de me séduire. Mais ce n’est pas pour ce disque que je vais ici écrire, non c’est pour évoquer la publication du double album intitulé « Five Classic Albums ». En effet, le fan de Bennett, comme celui où celle qui ne connaîtraient pas encore cet artiste, peuvent ici écouter 5 disques : « Tony Bennett Cloud 7 », « The beat of my heart », « Hometown, my town », « In person » et enfin « Tony Bennett-Count Basie swings, Bennett sings », connu aussi sous le titre « Bennett & Basie : Strike up the Band ».

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Mais commençons par le début, avec « Cloud 7« . Il s’agit, à l’époque, de son premier album studio, en 1955, sur lequel il enregistre des titres puisés dans le catalogue énorme de la musique populaire américaine alors en vigueur entre 1920 et 1960 (ère d’arrivée du rock). Son timbre de voix de crooner y fait merveille, collant parfaitement aux ambiances musicales successives qui lui sont proposées. Le chanteur se révèle être un interprète de grande qualité. On y trouve notamment « I fall in love too easylly », le fameux « My baby just cares for me », repris ensuite par Franck Sinatra, Nina Simone, Nat King Cole, George Michael, Michael Bublé entre autres, et « Old Devil Moon »,  titre aussi chanté par « The Voice », Peggy Lee, Sarah Vaughan, Jamie Cullum, Judy Garland, Rosemary Clooney et interprété en version instrumentale par Miles Davis, Ahmad Jamal, Sonny Rollins ou encore McCoy Tyner. Sur les autres titres de ce disque, la voix de velours, le phrasé précis de Bennett servent parfaitement les orchestrations. Il en va ainsi sur « Love Letters », « Give me the simple life », « While the music plays on ». Avec le swinguant « I can’t believe that you’re in in love with me », le côté crooner ressort et Bennett se lâche, pour notre plus grand bonheur. « Darn that dream », dernier titre de ce premier disque, est une bluette, qui à mon sens n’a guère d’intérêt.

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« The beat of my heart » est enregistré deux ans après « Cloud 7 », en 1957. Bennett aborde cet album avec le pianiste anglais Ralph Sharon, qui en sera également arrangeur et producteur. Tous les deux décident de donner une couleur particulière à ce disque en invitant des musiciens comme Chico Hamilton, Art Blakey ou Jo Jones. Cet album démarre fort avec le très joli titre éponyme, sur fond de guitare brésilienne, de percussions, pendant que Bennett s’amuse à chanter sur un rythme très rapide, parfois syncopé. S’en suit « Lazy Afternoon ». Piano, ambiance très calme, le chant domine tout. Une romance, balancée sans effort par ce crooner de grand talent. « Let there be love », un morceau initialement écrit par Nat King Cole, est ici mis en voix par Bennett avec une facilité déconcertante. « Lullaby of Broadway », qui enchaîne, révèle une orchestration basée sur les percussions, de cuivres, et Bennett y chante quasi à cappella. Superbe. Ce titre a également été chanté par Doris Day, Ella Fitzgerald, Dianne Reeves, Franck Sinatra, Ann Richards. Le chaloupant « So beats my heart for you », entre batterie au balais, cuivres et vibraphone, permet encore une fois à Tony Bennett de nous faire entendre son timbre clair, son phrasé classique mais ultra précis. Joli. « Let’s begin », morceau sur un rythme de bebop, un premier temps très semblable à une ballade, s’accélère. Toujours dans le mood de ces morceaux à bravoure vocale, « Love for sale » (voir le duo avec Lady Gaga en fin d’article), est là qui arrive, avec cette longue introduction en presque solo du premier couplet, juste soutenue par un discret piano. Après quoi, on retombe dans une ambiance latino, les percussions latinos et la batterie soutenant le tout remarquablement. « Crazy Rhythm » chanté sur une cadence rapide, fait pour moi partie des morceaux dispensables de cet album. Quand on écoute « Just one of those things », on pense tout de suite aux versions de Billie Holiday, Franck Sinatra, Ella Fitzgerald, ou Diana Krall, George Benson, mais là, de manière très surprenante, Bennett nous offre une version qui démarre sur des percussions, avant de s’emballer et de retrouver la forme classique de l’orchestre de jazz. Cette voie nouvelle explorée, pour déroutante qu’elle soit, est juste magnifique, entre rythmes presque tribaux et classique du jazz. « Army Air Corps song » débute comme les précédents. Décidément ce qui passait pour une nouveauté, devient un tic de répétition qui peut finir par lasser, par gâcher le plaisir. 

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« Hometown, my town« , sorti en 1959, toujours avec le complice Ralph Sharon au piano. La pochette donne le ton. Tony Bennett, sur le pont d’un bateau le ramenant à New-York, sa ville natale. Dès les premières notes de « Skysraper blues », donc, finies les escapades latinos, retour aux codes classiques, orchestre, swing, chant calibré sur des mélodies qui ne le sont pas moins. Bennett s’éclate, plaisante, bref, le plaisir du retour sur sa terre natale est ici pleinement exprimé. « Penthouse serenade » qui suit, c’est le morceau très doux par excellence, un morceau de retrouvailles avec sa bien-aimée (sa femme, New-York?, à vous de déterminer). Arrive « All by myself ». Non pas le titre de Céline Dion, avec cette fameuse note haut perchée tant attendue à chaque interprétation. Bel et bien un « All by myself » swinguant, balançant, un écrin de bon jazz, du plaisir en barre, une voix parfaite couvrant ce morceau. « I cover the waterfront », qui débute avec une pluie de violons, puis la voix et la clarinette, reste dans ce que Bennett sait faire de mieux. Ce morceau fut autrefois chanté par Billie Holiday ou Louis Armstrong, Franck Sinatra. « Love is here to stay », avant-dernier titre de cet album, et qui fut interprété par Dexter Gordon, Diana Krall et Tony Bennett en duo, Ella Fitzgerald, Carmen Mac Rae, Billie Holiday, Nat King Cole, Dinah Shore ou encore le pianiste Bill Evans, s’amène ici, sur un pas très swing, une foulée entrainante, tandis que le maestro nous distille son savoir faire vocal avec une aisance désarmante. « The party is over » (La fête est finie).. oui la fête de ce disque se termine avec ce morceau. Entre blues, désenchantement, nostalgie, sur fond de cuivres, de cordes, Bennett nous montre là une palette inhabituelle de sa voix, plaintive sans en faire trop. Superbe.

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Toujours en 1959, Tony Bennett va faire une rencontre artistique importante. En effet il va travailler avec le légendaire musicien, compositeur et chef d’orchestre Count Basie (photo ci-dessus). Ensemble ils enregistrent « In person« . L’histoire de ce disque est spéciale. Prévu pour être enregistré live en mono au Latin Casino de Philadelphie en novembre 1958, il sera finalement réalisé un mois plus tard en studio, sous la houlette du producteur Al Ham, qui souhaitait une version stéréo. De faux applaudissements furent rajoutés. L’accueil reçu fur mitigé, jusqu’à sa ressortie en 1994, en version remixée. Dans son autobiographie publiée en 2007 dont le titre est « The good life » (en référence à sa chanson enregistrée en 1963, sur l’album « I wanna be around », qui est une adaptation du titre « La Belle Vie » écrite en 1962 par Jean Broussole, Jack Reardon et Sacha Distel, photo ci-dessous), Bennett, parlant de cet album, avoue n’avoir jamais compris pourquoi le disque ne fut pas enregistré live comme prévu et lui préfère le second enregistré avec Count Basie et son orchestre « Strike up the band ».

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Avec « Count Basie swings, Bennett sings » également connu sous le nom de « Strike up the band » ce disque, daté de 1959, est la deuxième collaboration artistique entre Bennett et cette autre légende du jazz qu’est Count Basie. Tout débute par « I’ve grown accustomed to her song », morceau lent à souhait, ambiance romance, cuivres lents, un brin guimauve à mon goût. « Jeepers Creepers » heureusement nous réveille et nous emmène dans les bas-fonds des clubs de jazz, ça swingue, danse, le piano est léger, la rythmique se fait ronde, la voix de Bennett claire, précise. Avec « Growing pains », l’ambiance retombe, s’en remettant au seul talent vocal de Bennett soutenu par les instruments à l’arrière. « Poor little rich girl », ça swingue à nouveau, certes de manière douce et tranquille, quasi feutrée, mais enfin ça s’énerve un peu, les cuivres prenant peu à peu leur place de soutien. « Strike up the Band », qui donne son titre à l’album, est un morceau plein d’énergie, court certes, mais franchement, l’orchestre de Basie se donne à fond, et Bennett n’est pas en reste par dessus. Vient ensuite « Chicago », véritable déclaration à la ville de l’Illinois, située sur le lac Michigan, et dont une des nombreuses célébrités reste le fameux n°23 des Bulls, Mister Michael Jordan. Avec « I’ll guess I’ll have to change my plan », le crooner nous régale de son timbre de voix précis, fluide, clair. Parfois le chanteur donne le sentiment de courir un peu derrière le ryhtme effréné des orchestrations du Count. Mais ça ne reste que très rare. 

Au final, ce coffret est tout de même un régal pour celles et ceux qui aiment le jazz vocal, le swing, les crooners, Tony Bennett, la musique bien orchestrée. Je vous laisse avec une sélection de titres, ainsi que quelques reprises.  

Guillaume.

Noa, retour en mode intimiste.


La chanteuse israélo-américaine Noa, apparue sur la scène internationale au début des années 90’s, s’est rendue célèbre avec sa chanson « I don’t know« , parue en 1994. Elle se fera connaître en France par le biais de l’émission « Taratata » animée par Nagui, en septembre 1995. Son timbre de voix haut perché, sa musique qui mélange savamment orient et influences pop occidentale vont faire mouche à l’époque.
Depuis elle a mené une belle carrière, enregistrant notamment en 1997, la version originale de la comédie musicale « Notre Dame de Paris « , en reprenant le rôle d’Esmeralda. En 1999, avec Eric Serra, elle écrit la chanson « My heart calling », pour la bande originale du film de Luc Besson, Jeanne D’Arc. Bref, elle ne chôme pas, croule sous les belles propositions.

Jusqu’à ce nouvel album, « Afterallogy », sorti cette année, où accompagnée du seul guitariste Gil Dor, elle revisite des classiques du répertoire jazz. Tout démarre par un « My funny Valentine » aérien, portée par la voix cristalline de Noa, soutenue par le phrasé léger de Gil Dor. Après cette entrée en matière, c’est le très beau « This Masquerade », servi de façon élégante par la voix de Noa qui déboule. Après ça, vient pour moi le premier morceau de bravoure du disque avec « Anything goes », morceau composé par Cole Porter, interprétée autrefois par Ella Fitzgerald, puis Stan Getz et Gerry Mulligan en version instrumentale en 1957, avant que Tony Bennett, avec le Count Basie Orchestra en 1959 n’en donne sa version chantée. Il renouvellera l’expérience en 1994, avec Lady Gaga, ce qui sera le premier duo de leur album « Cheek to Cheek ». Donc vous le voyez ce morceau a connu de belles interprétations avant celle de Noa ici. Après quoi la belle chanteuse nous entonne « Oh Lord », complainte en langue hébreu. Ici, la sobriété du jeu de Gil Dor s’accommode très bien de ce titre, de ce langage.

Jusqu’ici nous sommes comme dans une conversation intime avec cette artiste, au coin du feu, ou dans un bar, à la lumière tamisée des lampes restantes, offrant intimité, proximité. Le dialogue initié entre la guitare et la voix renforce cet effet évidemment. Cette sensation continue de s’exprimer avec « But beautiful », également enregistrée par Billie Holiday, Joe Pass, Tonny Bennett et Lady Gaga. Arrive alors le bien nommé « Something’s coming », initialement écrit pour le film-comédie musicale « West Side Story » aux 10 Oscars en 1961, avec George Chakiris (Nardo), Natalie Wood (Maria), Richard Beynner (Tony, amoureux de Maria) entre autres…). Le disque se déroule tranquillement, ici nous appelant à rentrer à la maison  avec « Calling home » puis la belle brune nous chante « Darn that Dream », autrefois joué par le saxophoniste Dexter Gordon, le pianiste Ahmad Jamal ou encore Benny Goodman and his Orchestra. Bref de glorieux prédécesseurs. « Lush Life » nous arrive alors en pleine face, un écrin de pureté, un joyau, une moment de grâce vocale. Noa semble se régaler à interpréter ce registre jazz en mode guitare-voix. Ce dialogue intime, épuré, lui plaît. Ce titre lui aussi a fait l’objet de nombreuses versions. Les plus marquantes étant celles de John Coltrane, Nancy Wilson, Bud Powell, Rickie Lee Jones, Natalie Cole, Queen Latifah, Kurt Elling ou bien encore le duo Bennett-Gaga. Pour  ce disque tout en subtilité, Gil Dor a composé « Waltz for Neta ». Magnifique. Et pour clore ce dialogue, Noa et Dor nous jouent un « Every time we say goodbye », autre morceau de Cole Porter, en toute simplicité, légèreté, retenue. De la haute couture. Très beau.

Je vous conseille donc de ne pas attendre pour écouter ce disque. 

Guillaume.

Sélène Saint-Aimé entre dans la danse.


« Mare Undarum » est le premier opus que concocte, pour notre plus grand plaisir d’auditeurs-trices mélomanes la contrebassiste-chanteuse française Sélène Sain-Aimé. Si à l’origine, Sélène se prédestinait davantage au chant qu’à la contrebasse, lorsqu’elle vit Avishai Cohen, elle a eu comme une révélation, au festival de jazz de Sannois, alors qu’elle y travaille en tant que bénévole. C’est l’occasion de la découverte du jazz. Donc, désormais la contrebasse qui aura ses faveurs. D’autant que selon elle, cet instrument pourtant massif, offre la possibilité de jouer très rapidement en groupe, que ce soit en duo, trio ou plus. détestant les étiquettes, elle refuse obstinément, et je trouve qu’elle a cent fois raison d’être comparée à la contrebassiste américaine Esperanza Spalding. Chacune possède une démarche, un univers bien distinct. Spalding navigue depuis près de dix ans dans le monde du jazz, Sélène Saint-Aimé y débarque discographiquement, bien qu’ayant déjà bénéficié de collaborations prestigieuses telles que celles de Ron Carter ou Steve Coleman, qu’elle avait rencontré à Montreuil, en région parisienne, lors d’une master class, avant de le suivre à New-York et de bénéficier de ses conseils avisés, de sa rigueur, de son approche musicale.

Cette musicienne curieuse de sonorités diverses, s’envolera pour Cuba, le Maroc ou la Martinique, terre de ses racines, sans oublier quelques incursions en terrain classique avec des adaptations de Villa-Lobos ou Moussorgsky. Et le « Mare Undarum » est le résultat de ces voyages, de ces nourritures sonores ingurgitées, digérées patiemment, tranquillement. Mais justement arrêtons-nous dessus.

C’est justement « Mare undarum, part.1 » qui ouvre l’album. Ce qui frappe d’entrée l’auditeur est l’aspect free, un brin éclaté du morceau, avec d’abord la voix puis la contrebasse et ensuite le reste des instruments qui s’insèrent, conférant une ambiance des plus étranges. « Feuillée et Beer » est sur cette même lancée, cependant ici Sélène Saint-Aimé nous convie à un dialogue entre la voix et la contrebasse. Avec « Paene Umbra : Chez Rosa B. », la contrebassiste laisse parler son imposant instrument. Très beau. Avant de s’exprimer de manière très courte, puis de laisser son instrument reprendre le lead. Elle lui laisse libre cour, le rendant très expressif. D’abord intimiste, le morceau se termine sur un aspect fanfare, qui laisse à penser qu’en live, ça peut vite aller plus loin. « Valsa Choro » est donc une valse, lente pour le coup sur laquelle vient se poser la voix de Sélène en un langage inventé. Après, c’est un « Rings of Neptune », morceau ou percussions et trompette sont en lead, entraînant, presque envoûtant. Sur « Partialis », elle nous offre sa voix en ouverture, d’abord en vocalises puis cela s’enchaîne avec le deuxième chapitre de « Mare Undarum », sur fond de contrebasse et percussions, elle se fait récitante, puis la voix se retire, un violon prend place, plaintif, blessé. Fidèle à sa démarche Sélène Saint-Aimé, nous emmène par sa voix, dans des sphères proches de la folie, tandis que les instruments agissent en contrepoint. Dans « Totalis », elle conserve cette dualité musique-voix chantée, ce caractère mystérieux. Comme sur le reste du disque, l’ambiance se veut très aérée, épurée même parfois. Enfin pour terminer son album, la contrebassiste nous propose un « Cum mortuis in lingua mortua », ce qui pour moi ressemble à une sorte de marche funèbre. Une fin étrange et bien sombre pour un album plutôt lumineux, aérien, prometteur, qui donne envie d’écouter la suite le plus vite possible. L’ensemble de cet album est très agréable à écouter, parfois déroutant, mais il nous amène vers des rivages sonores et rythmiques inattendus. Et c’est ce qui parfois fait le sel des découvertes, la belle surprise. Car ce disque révèle l’évidence : Sélène Saint-Aimé possède talent et personnalité. 

Guillaume.

Quand le Jazz se chante et joue au féminin.


On le sait, vous le savez sans doute depuis longtemps, le label français Frémeaux & Associés, basé à Vincennes en région parisienne, n’a de cesse de rendre hommage au patrimoine du jazz, a mettre en exergue son histoire, ses héros ou héroïnes oublié.e.s en ressortant des pépites, toujours avec des enregistrements de qualité, et des livrets qui ne le sont pas moins. C’est encore le cas cette fois-ci avec le coffret intitulé « Jazz Ladies : The singing pianists (1926-1961) ». Dans ce nouveau superbe coffret qui contient 3 disques s’étalant chacun sur une période (CD1 : 1926-1961; CD2 : 1930-1961 ; CD3 : 1944-1961), uniquement dédié aux femmes chanteuses et pianistes de jazz, il est possible de retrouver des noms connus tels que Nina Simone, Shirley Horn, Blossom Dearie, Aretha Franklin, et d’autres qui ont disparu des radars comme Cleo Brown, Lil Armstrong, Una Mae Carlisle, Camille Howard, ou encore Rose Murphy. Ce n’est que justice de rendre hommage à celles qui ont également écrit parmi les plus belles pages de l’histoire du Jazz. Dans un précédent coffret, Frémeaux avait rendu hommage aux femmes instrumentistes dans le jazz tout en évoquant les nombreux obstacles auxquels elles se trouvaient confrontées. Il y était notamment indiqué que si, historiquement, dès la fin du XIXème siècle, lorsque le piano, ou plutôt de petits orgues, ont fait leur apparition dans certaines familles d’anciens esclaves, les chanteuses étaient admises du fait de leur présence dans les chorales de gospel, les rares chanteuses solo acceptées dans le monde du jazz étant les pianistes. Pour les autres instrumentistes, la tâche s’avérera plus ardue. Mais revenons à notre coffret du jour.

Dans le premier cd, qui couvre les années 1926 à 1961, il est donné à re- découvrir des artistes telles que Cleo Brown, virtuose du piano, qui propose un jazz swinguant, comme sur « The stuff is here and it’s mellow » ou sur « When Hollywood goes black and tan », qui évoque un Hollywood fréquenté par beaucoup d’artistes noirs, comme Louis Armstrong. Avec LR Armstrong, on arrive sur un jazz plus enlevé, avec des cuivres bien présents. Prémices d’un futur bebop. Écoutez donc « Harlem on saturday night ». Puis vient la voix plaintive de Una Mae Carlisle, sur « Love walked in ». On peut remarquer son phrasé précis, son timbre de voix équilibré, le tout sur des orchestrations qui là encore swinguent. Julia Lee est une pianiste davantage portée sur le boogie-blues. Écoutez « Dream Lucky blues » et son jeu précis, moderne. Cela se précise avec « Comme watcha you got », qui pourrait presque être un rock. Enfin elle est l’auteur d’une belle version de « Nobody knows when you’re down and out ». Paula Watson, elle, assume un style blues évident (« Pretty papa blues »). Plus loin sur le disque, on trouve aussi Ira Mae Littlejohn, qui veux voir Jésus en mode blues, Clara Ward qui pousse la voix comme à l’église le dimanche pour chanter le gospel, enfin Aretha Franklin, qui nous indique que le sang devient chaud dans les veines (« While the blood runs warm », et qu’elle résiste à la tentation (« Yeld not to temptation »). Ce premier chapitre ouvre des horizons intéressants, Aussi le second cd, qui va de 1930 à 1961, s’annonce bien.

Ca démarre avec Martha Davis, voix douce, suave, qui enchaîne « The be bop bounce », « I’m fer it » et « Cincinatti » avec un égal bonheur. Puis vient son « Kitchen blues », lent à souhait. Nellie Lutcher nous offre « Do you or don’t you love me? », sur un tempo très rapide, tenu aux balais à la batterie. Style enjoué, un brin clownesque, elle tient la rampe. J’arrive à Rose Murphy qui nous chante « I can’t give you anything but love » de sa voix fluette, quasi minaudante. Elle se risque également sur « Honeysuckle Rose » et « I wanna be loved by you » (reprise notamment par Marilyn Monroe). La voix gorgée de blues de Frantic Fay Thomas nous susurre « I lost my sign in Salt Lake City ». La Vergne Smith chante « un blues dans la nuit », avec une ton quasi descriptif, comme sur « One of the road ». « Double trouble blues », interprété par Kansas City Kitty est un blues piano-voix efficace, entraînant. Pour clore le disque, c’est la voix de Victoria Spivey qui surgit et nous chante « That man ». Un blues au piano.

Maintenant, voyons le dernier chapitre, période 1944-1961. Tout commence avec Blossom Dearie, dont le phrasé rappelle celui de Diana Krall, la voix en moins grave, qui après un « Thou swell » attrayant, nous gratifie d’une jolie version de « plus je t’embrasse », en français dans le texte, au ton très enjoleur. Elle joue tout en douceur, et sur ce rythme là, entonne « Someone to watch over me ». Vient derrière « Let’s fall in love » (repris par Diana Krall) qui nous est donné par Jeri Southern. Un swing au balais très agréable à écouter. Audrey Morris, voix légèrement grave, s’aventure sur « Good morning heartache ». « Day in day out », signé de la très grande Shirley Horn, fleure bon le swing d’un bebop, est exécuté à mon goût de manière un peu désordonnée. Arrive le célèbre « Makin whoopee », qui me réconcilie avec cette immense pianiste et chanteuse. A la suite, c’est la talentueuse Nina Simone qui se joue du « classique » de jazz « Mood indigo »dans une très belle interprétation. Son jeu de piano autant que sa voix sont un régal à entendre. S’en viennent ensuite « Love me or leave me », puis le très beau « Black is the color of my true love’s hair », un manifeste pour l’homme qu’elle aime. On peut aussi l’écouter jouer un Boogie-woogie, intitulé « Boogie-woogie roots ». De Boogie-woogie il est encore question avec Christine Chatman (« Bootin’the boogie »), Lilette Thomas, qui joue « Boogie-woogie time down south « , Madonna Martin avec « Madonna’s boogie », enfin Kate Webster qui déroule un « Baby comme on » et « Kate Lee », que n’aurait pas renié Jerry Lee Lewis.

En résumé, ce coffret regorge de trésors à decouvrir, tant au niveau des morceaux que des artistes. Ne passez pas à côté.

Guillaume.

L’orgue Hammond orphelin d’Eddy Louiss.


EddyLouiss2_imageParti discrètement, en juin dernier, Eddy Louiss n’arpentera plus les scènes en ce bas monde.

Nul doute que Duke Ellington, Jimmy Smith, Oscar Peterson, Michel Petrucciani, et tous les autres l’auront joyeusement accueilli, pour agrandir le « Paradise Piano Orchestra ».

Issu d’une famille de musiciens,  Eddy Louis fera des études de piano et … trompette, sans doute influencé par le père lui-même trompettiste, dont il intègrera, adolescent, l’orchestre. Dans les années 60, il intègre le groupe Les Doubles  Six, fondé par Mimi Perrin, qui comptera aussi en ses rangs Christiane Legrand, sœur de Michel Legrand. Ce groupe connaitra un vrai succès international. Après cette expérience vocale, Eddy Louiss  se tourne vers l’orgue Hammond, puis collabore avec des pointures telles que le saxophoniste Johnny Griffin, les trompettistes Dizzy Gillespie, Stan Getz.

Se lançant alors en solo, il va multiplier les rencontres, les expériences musicales, jusqu’en 2011. Au cours de sa riche carrière, il va bien sûr produire des disques en leader tels que  » Eddy Louiss, Kenny Clarke, Réné Thomas » (1968), « Louiss Trio » (1991), « Sang mêlé » (1987), « Louissiana » (1995), parmi beaucoup d’autres.

Il va croiser la route de musiciens avec lesquels il va mener de belles aventures musicales ou humaines : le violoniste Stéphane Grappelli pour un duo « Grappelli-Louiss », sorti en 1970, le pianiste Michel Petrucciani pour  deux disques en duo « Conférence de presse, volume 1 & 2 » (1995), l’accordéoniste Richard Galliano pour « Face to face » (2001), sans oublier « Créole Swing » (1995), enregistré en duo avec son père.  Il fondera également en 1989, un collectif musical, le Multicolore Feeling Fanfare. Avec cet ensemble riche de 60 musiciens, il enregistra un album « Multicolore Feeling Fanfare » en 1989 ainsi qu’un album live, trace de ce projet particulier, simplement intitulé « Live », en 1991. En 2010, qui le verra célébrer 50 ans de carrière à l’Olympia, l’ensemble musical se reformera pour l’occasion.

Il a également côtoyé le monde de la chanson française, en tant que musicien accompagnateur. Il a joué aux côtés de Henri Salvador, Charles Aznavour, Barbara, Serge Gainsbourg, ou encore Jacques Higelin. Avec Claude Nougaro, il collaborera sur « Locomotive d’Or » (1974) et sur le titre « L’enfant phare », extrait de l’album « Embarquement Immédiat »(1997). Il fera d’ailleurs partie des musiciens, avec Maurice Vander, Richard Galliano ou encore Bernard Lubat, qui rendront hommage au petit taureau gascon, à l’homme des mots entremêlés, sur l’album intitulé « O Toulouse »  (2004).

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage » dit l’adage. Eddy Louiss musicien aux multiples facettes, en a fait de nombreux, en des territoires musicaux variés. Du haut de son étage Paradisiaque, il éprouve sûrement ce sentiment, nous laisse orphelins de son talent, laissant derrière lui un sillage riche de ses mélodies superbes.

Guillaume.

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The blue room


Madeleine-Peyroux-The-blue-roomUn cd dans lequel on trouve des reprises de Ray Charles, Buddy Holly, Leonard Cohen, Randy Newman, bref qui contient que des best-sellers de la culture américaine.

Cela devrait contenter le plus grand nombre. Madeleine Peyroux s’approprie le tout de façon très habile (soutenu par de supers musiciens).

Un cd tout de même un peu trop rétro et pas vraiment innovant mais très professionnel.

Françoise

Le Jazz vocal en Verve !


Le label Verve, a publié fin 2011, une compilation « Autour de Minuit« , rassemblant chanteurs et chanteuses, anciens(nes) et modernes, à travers des standards de toutes époques.

En 2 cd, on traverse les époques du jazz vocal, avec une forte prédominance pour la gente féminine. Seuls Chet Baker, Stan Getz, et Jamie Cullum viennent s’intercaler entre Nina Simone, Shirley Horn, Anita O’Day, ou les plus récentes Melody Gardot, Norah Jones, Diana Krall ou la toute jeune Nikki Yanofsky.

Au final, un joli bouquet de talents vocaux, qui nous emmène, nous transporte, et qui se laisse écouter sans modération.

Guillaume.

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