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Chick Corea, légende du jazz, laisse son piano muet.


Ce vendredi 12 février 2021, la nouvelle est tombée. sèchement. Totalement inattendue. Elle annonçait au monde entier la disparition brutale d’une légende du jazz, emporté par le cancer, trois jours plus tôt. Chick Corea, 79 ans, ne nous régalera plus de son talent. Son allure juvénile, son regard espiègle cachée derrière d’éternelles lunettes, ne déambulera plus dans les salles de concerts ou sur les scènes des festivals de jazz du monde entier. Ses mains magiques ne parcouront plus les claviers de piano.

Lui qui pendant près de 60 ans se consacra au piano, au jazz, laisse une oeuvre immense, enregistrée entre 1968 et la sortie de « Tones for Joan’s Bones« , et « Trilogy 2 » sorti en 2019, soit plus de 90 albums, studios et live confondus, et des collaborations variées. Retour sur une carrière magistrale.

Son père trompettiste dans un orchestre dixieland, pendant les années 30 et 40, va mettre le petit Armand Anthony dit « Chick » au piano dès ses 4 ans révolus. Le gamin semble doué et apprécie ce que son père lui fait écouter découvrir : ke trompettiste Dizzy Gillespie (photo du dessous), les saxophonistes Charlie Parker (deuxième photo ci-dessous) et Lester Young, les pianistes Bud Powell et Horace Silver. Un socle de solides références pour appréhender la musique jazz, qui ça occuper toute sa vie. A 8 ans, il délaisse un temps le piano pour la batterie. Le temps d’en apprendre les rythmiques et l’aspect percussions, qui vont plus tard influencer sa manière de jouer du piano, instrument qu’il retrouve très vite pour ne plus le lâcher de toute sa carrière.

Après avoir entamé des études à New-York en 1959, il se rend un soir au fameux club de jazz « Birdland » et là c’est le choc, la révélation. Il assiste à un concert regroupant Miles Davis et John Coltrane qui jouent notamment une reprise de la chanson « Les feuilles mortes », immortalisée en France par Yves Montand. Il decide de facto de stopper ses études pour se lancer dans la musique. Son premier album sort en 1968 sous le titre « Tones for Joan’s bones », suivi la même année de « Now he sings now he sobs », enregistré avec le batteur Roy Haynes et contrebassiste Miroslav Vitous. Mais avant d’enregistrer ses 2 premiers albums, Chick Corea fera ses armes sous la direction du génial et fantasque Cab Calloway  mais aussi en côtoyant les musiciens de jazz latin comme Herbie Mann ou le percussionniste Mongo Santamaria.

Avant la décade 70 qui s’annonce, il va en 1968, remplacer Hetbie Hancock au sein du groupe de Miles Davis (photo ci-dessous). Ainsi participera t-il aux enregistrements de « Files de Kilimandjaro », « In a silent way », « Bitches Brew » au cours desquels il expérimentera des pianos électriques, des sons nouveaux pour l’époque. Il restera avec Miles Davis jusqu’en 1970, y côtoiera Keith Jarrett,  autre virtuose du piano. Dans les années 70, apres un passage par le free jazz avec le groupe Circle, il fonde en 1971 le groupe Return to Forever, dont le fond musical est un retour au jazz-rock, jazz-fusion. Il s’inscrit ainsi dans ce nouveau courant né quelques années auparavant. Ce groupe, qui existera jusqu’en 1977, aura deux formations dont les piliers seront Chick Corea et le contrebassiste Stanley Clarke.

S’il est un homme de groupe, Chick Corea ne se refuse pas à des projets solo et il existe plusieurs traces, à l’égal d’un Keith Jarrett, d’enregistrements solos du génie américain. Je citerai « piano impro »(1971), »piano impro 2″(1972), « Solo piano-Originals »(2000), « Solo piano-Standards » (2000), enfin « Solo piano-Portraits »(2014). 

Chick Corea maîtrisait aussi pleinement l’art de l’improvisation. D’ailleurs  il aimait à dire souvent que avant d’entrer sur scène, lors de concerts solo, il ne savait pas forcément ce qu’il allait jouer.  Cela, j’ai eu la chance de l’observer un soir d’août 2014 au festival de jazz de Marciac. La soirée s’annonçait belle. Chapiteau rempli de 6000 spectateurs venu admirer quatre virtuoses du jazz. En deux duos, le premier composé de Chick Corea et de son complice Stanley Clarke, puis en deuxième partie, Hetbie Hancock et Wayne Shorter. Plateau exceptionnel !
Donc, en premier, celui qui nous interesse ici, le duo Corea-Clarke. Les deux hommes, 70 ans passés, affichent belle santé. Corea s’installe à son.piano, Clarke enlace sa contrebasse. Démarre alors un dialogue musical tout en improvisation et question-réponse de très haut niveau.  Corea est dans un grand soir, ses mains virevoltent sur le clavier de son piano, il sourit, jette à peine un oeil à Clarke qui le suit , le précède ou le rattrape au gré des improvisations. Magistral! Bien sûr,  les deux compères nous gratifieront de morceaux de l’époque Return To Forever,  et Stanley Clarke jouera même une adaptation de « Waltz for Debbie » dédiée à sa femme. Un moment sublime de virtuosité,  d’émotion, sous le regard admiratif autant qu’amical de Chick Corea.
Une heure quinze durant, les deux compères musiciens avaient régalé l’auditoire par leur talent, leur générosité, leur complicité musicale nourrie de tant d’années à jouer ensemble. Je me rappelle être sorti de cette soirée chamboulé par ce que j’avais vu, entendu. Un de mes grands souvenirs de concerts.

Tout au long de sa carrière,  Chick Corea a multiplié les rencontres et les concerts avec de très grands musiciens de jazz.  Hormis ceux déjà cités, on peut noter les guitaristes Pat Metheny,  Paco de Lucia, John Mac Laughlin, Mike Stern, le batteur Steve Gadd, le percussionniste Vinnie Colaiuta, le saxophoniste Michael Brecker, le contrebassiste Avishai Cohen et j’en oublie…tellement la liste est longue. Il était curieux, voulait rencontrer, découvrir de nouveaux musiciens, explorer de nouvelles formes de composition musicale.

Si Chick Corea a consacré l’essentiel de sa vie et de sa carrière au jazz, à l’écriture, il a également, mais de manière moindre joué des morceaux du répertoire classique, sans jamais y consacrer de disque entier.

Chick Corea laisse un vide immense dans le monde du jazz, mais sa musique, son talent, sa maîtrise technique de l’instrument, resteront gravés sur tous les disques qu’il a enregistré entre 1968 et 2019. Une trace indélébile. Un témoignage sublime d’un talent hors norme d’un.musicien qui aura marqué la deuxième partie du vingtième siècle et le début du vingt-et-uniéme.

Merci pour tout Chick Corea.

Je vous laisse avec une sélection de morceaux enregistrés, joués par ce virtuose.
Par ailleurs, quelques-une de ses albums sont à retrouver à la médiathèque :
Innée Space ; The Musician ; Improvisations childrens ; Two ; The Enchantement  ; Chinese butterfly  ; Forever  ; Children of Forever.

Guillaume.

https://www.youtube.com/playlist?list=PLwaqz1wV9_eWnkQtWjMHet9hHH-fsoNSS

A travers la grande diagonale


3760127222392_600Ce disque nous propose un voyage d’est en ouest des U.S.A en parcourant cette route mythique qu’est « la route 66. baptisée la  » route des rêves », « la grande diagonale », symbole du rêve américain. Shani Diluka née en 1976 à Monaco de parents srilankais, pianiste de réputation mondiale, a décidé de nous entrainer dans un voyage méditatif avec comme fil conducteur le livre de Jack Kerouac « Sur la route 66 » (écrit en 1967) prétexte à la redécouverte de grands compositeurs du 20e siècle, américains de naissance ou de cœur.

Françoise

Dernières retrouvailles, en duo majeur.


Donc, « Last Dance« , marque les dernières retrouvailles musicales de ce duo magique composé du pianiste Keith Jarrett et de Charlie Haden à la contrebasse. leur histoire commune est longue, commencé en 1968, lorsque Haden rejoignit Jarrett au sein de son trio. Depuis, les collaborations furent nombreuses, parfois espacées dans le temps. Pas moins de 10 albums où trouver trace de cette magique complicité humaine, musicale.

Mais revenons à « Last Dance », enregistré sur le célèbre label allemand ECM.

Pour ouvrir l’album, « My old flame », joli et intimiste morceau, qui entame la conversation de ces retrouvailles. Le dialogue s’installe immédiatement, sans temps mort. La suite, marquée notamment par les reprises de « Round Midnight », « It might as well be spring », « Evrything happens to me », est un pur bonheur musical. Sobre, intense, respectueux, sans esbrouffe, laissant ça et là parfois le silence s’imiscer. 9 titres enregistrés ici, une dernière danse sublime, complice, un salut d’artiste, une sortie de scène tout en subtilité.

Sans doute déjà très affaibli par le retour de la maladie, Charlie Haden n’en laisse rien paraître et offre un récital de son talent, à l’écho de celui de Keith Jarrett. Quel plaisir!

A l’écoute, il est difficile de penser que ce duo ne sera plus, ne crééra plus. Nous restent les enrgistrements passés ou récents, pour réentendre le talent de Charlie Haden, contrebassiste discret mais talentueux, au jeu tout en retenue.

Ne passez pas à côté de ce joyau musical, concocté par l’un des plus beaux duos de musiciens de l’histoire du jazz.

Guillaume.

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