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David Bowie version Jazz, qui l’eût crû ?

Après Prince, Bob Marley, et Jimi Hendrix, dont les répertoires musicaux en version jazz ont déjà été évoqués ici, voici donc venu le tour du grand David Bowie d’être passé à la moulinette de ce genre musical. Lui, enfin surtout son répertoire. Pour cela, Lionel Eskenazi, qui chapeaute chacun de ces projets, a réuni une belle brochette de talents. Jugez plutôt : le pianiste Bojan Z, le trompettiste Eric Le Lann, le guitariste Pierre Jean Gaucher, ou encore les chanteuses Laîla Biali, Cinzia Bavelloni, la française Keren Ann, parmi beaucoup d’autres. Cet album, « David Bowie In Jazz » est sorti en 2020.
Cet hommage au dandy anglais démarre par une superbe version du tube « Let’s dance ». Ça commence par une intro voix-contrebasse, puis le piano, les claviers s’installent très vite et tout s’emballe. La voix souple et chaleureuse de Laila Biali, chanteuse canadienne qui a travaillé avec Sting, et l’ambiance installée, forment une très belle entrée en matière. Nul doute que Thin White Duke eut apprécié cette version. Dans la lignée, c’est une autre chanteuse qui prend la suite, Cinzia Bavelloni. Elle s’attaque à « Lady Stardust », sur un mode smooth jazz des plus agréables à écouter. La trompette qui prend le solo (dommage que nous n’ayons pas le détail des accompagnateurs…), puis le xylophone nous transporte vers un rivage qu’on imagine calme et paisible. Bojan Z (Zulfikarpasic de son vrai nom), que j’avais découvert à l’Européen à Paris voilà 15ans, revisite en mode trio le classique « Ashes to Ashes ». Le résultat, subtil, est très beau. Bojan Z y met toute sa musicalité.
Vient ensuite une chanson écrite en hommage à Andy Warhol, ici interprétée par la chanteuse Caecilie Norby, soutenu par un trio de haute qualité. Sa voix se promène sans souci, se faisant transmetteuse de l’administration éprouvée par Bowie envers Warhol. On enchaîne ensuite avec « The Jean Genie », chanson maintes fois reprise, ici jouée façon blues avec guitare dobro et harmonica par le groupe Yelloworld, spécialiste des reprises de David Bowie. Très belle version. Puis le trompettiste Eric Le Lann, accompagné d’un solide trio, revisite « Lire on Mars ? », chanson qui résonne étrangement à l’heure des explorations de la planète rouge, de son sol, son atmosphère, en vue de futurs voyages. Mais revenons à la musique. La trompette de Le Lann joue comme chantait Bowie, dans une forme de complainte. C’est très réussi. « The man who sold the world », ici pris en voix par Miriam Aida, est joué sur un rythme flamenco et chanté en mode jazz. Le mariage des 2 vaut l’écoute. Puis arrive l’un des titres phares de la carrière de Bowie, « Space Oddity », qui démarre par ces fameux mots « Ground Control To Major Tom ». S’il est difficile, là plus que sur les autres titres déjà évoqués, de ne pas « entendre » la voix de Bowie quand la chanteuse Grazzia Giu se coltine ce titre, elle s’en sort plus que bien, remplaçant le côté dramatique initial voulu par Bowie, par une longue plainte, une douleur retenue, sentiment renforcé par cette voix qui tient sur un fil, en équilibre, celui de la vie. Superbe. S’en vient ensuite « Aladdin Sane » ici joliment rendu par le talentueux guitariste Pierre-Jean Gaucher dans une version mi jazz cool mi jazz fusion. Federica Zammarchi offre une version « club de de jazz » de « Lady grinning soul ». La voix est là, tout est en place, mais aucune émotion ne sort de cette interprétation. Gâchis. Tout l’inverse avec Jen Chapin et le Rosetta trio sur « Starman », c’est enlevé, léger, la voix est appliquée sans trop appuyer, le timbre légèrement aiguë ajoute une petite touche très agréable à ce morceau virevoltant. Puis on tombe sur une interprétation déroutante de « Heroes », par le Delta Saxophone Quartet. C’est lent, presque méconnaissable. Déroutant au possible. Heureusement arrivent les Yelloworld, spécialistes ès Bowie. Ils nous embarquent pour un « Moonage daydream » de haute tenue. Le voyage musical est réussi. Tiens revoilà Cinzia Bavelloni, sur un fond de trio jazz très swinguant, avec « DJ ». On se croirait transporté dans les 30’s.
Après avoir eu droit à la superbe version vocale par Grazzia Giu, c’est maintenant Franck Wolf, pianiste, qui nous donne son interprétation de « Space Oddity ». Tout en subtilité, en douceur. Le groupe vocal Puppini Sisters revisite « Changes » en y donnant un aspect swing assez ravissant. Pour terminer cet hommage au génial David Bowie, c’est Mike Garson qui se colle à la tâche. Le pianiste s’amuse et ça se sent en revisitant le célébrissime « Let’s dance », déjà chanté en ouverture du disque par Laîla Biali.
Enfin en bonus track, la belle voix de Keren Ann chante « Life on Mars » dans une orchestration à cordes superbe. De quoi très bien terminer ce bel opus qui rend hommage au talent de chanteur-compositeur-interprète de David Bowie. Quoiqu’il en soit, le résultat est bluffant par moment, surprenant à d’autres, déroutant aussi, mais la qualité des interprètes donne à ce projet une densité que n’aurait sans doute pas renié David Bowie.
Guillaume.
Eddy Mitchell a réuni sa grande tribu
Eddy Mitchell, après la tournée triomphale des « Vieilles Canailles » avec ses deux compères de la Trinité, Jacques Dutronc et Johnny Hallyday, a sorti un album, « La même tribu… Volume 1 » (donc il y aura une suite), réunissant autour de lui une tribu d’artistes venus d’horizons très divers et représentant des générations différentes : Johnny Hallyday, Julien Clerc, Alain Souchon, Christophe, Laurent Voulzy, Arno, Renaud, Pascal Obispo, Ibrahim Maalouf, Charles Bradley, Keren Ann, le duo féminin Brigitte, sa fille Maryline Moine, . L’objectif ? Donner l’occasion à ces artistes de reprendre en duo des chansons de Mr. Eddy.
Au menu, une jolie palette des classiques : « c’est un rocker », en duo avec son ami de toujours Johnny Hallyday, « On veut des légendes » avec Alain Souchon (chanté à l’origine par Mitchell et Hallyday sur l’album « Jambalaya »), « Sur le route de Memphis » en compagnie du revenant Renaud (la voix abîmée de ce dernier est difficile à écouter), « J’ai oublié de l’oublier » (reprise d’un duo qu’ils avaient déjà formé sur ce même titre dans les années 70’s) ave Julien Clerc, « Toujours un coin qui me rappelle » en version franco-anglaise(initialement prévue pour être chantée avec Tina Turner, remplacée talentueusement par Keren Ann qui vient poser son joli timbre de voix. Suit le bel hommage à Gainsbourg fait dans « Le Bar du Lutétia » autrefois fréquenté par le noctambule homme à tête de chou, ici en duo avec Jacques Dutronc. A noter la participation toute en finesse du trompettiste Ibrahim Maalouf sur « M’man », chanté en solo par Eddy Mitchell.
Sans oublier le sublime « Otis » en hommage à la musique noire américaine, porté la voix chaude et soul du regretté Charles Bradley, décédé l’an dernier. Ou encore « Un portrait de Norman Rockwell » (dessinateur américain que chérit Eddy Mitchell, voir la pochette de l’album « Mr Eddy » de 1996, avec la chanson qui ouvre l’album), ici chanté par le vétéran Christophe. Enfin, pour clore ce chapitre de la saga Mitchell-Moine, le vétéran chante « Et la voix d’Elvis » avec sa fille, Maryline Moine.
Dans l’ensemble, loin des disques du genre qui réservent souvent de mauvaises surprises et semblent décousus, « La même Tribu » enregistré aux Etats-Unis et en France (Studio Guillaume Tell) est un enchainement de belles surprises, d’orchestrations soignées comme toujours, servies par un casting de musiciens top niveau parmi lesquels les fidèles Basile Leroux, Leeland Sklar, Claude Salmieri, Jena-Yves D’Angelo, charles Mac Coy, Greg Szlap,, Michel Gaucher.
Un bel écrin. Qui donc, devrait être suivi d’un second chapitre. J’ai hâte!
A signaler que la pochette, qui rassemble tous les protagonistes de l’album, est l’œuvre du dessinateur français Ralph Meyer. ( https://www.facebook.com/ralph.meyer.79 ).
Guillaume.