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Higelin s’est envolé….
Fin de semaine ensoleillée sur Paris. Le printemps est presque là… mais un homme ne le verra pas arriver.
La nouvelle est arrivée, si abrupte. Jacques Higelin, éternel gamin de 77 ans, qui se faisait discret depuis quelques mois (peu de concerts, pas d’apparition télés ou presque) s’est éteint. Sa longue silhouette surmontée de ses cheveux gris en bataille, son visage éclairé de son rire éternellement juvénile et malicieux, son propos aussi rare que précieux, provoquant, nous ne les verrons plus. Higelin, chanteur-musicien-compositeur engagé, mais aussi acteur-poète, se frottait à tous les genres et chapelles, depuis sa période avec Areski Belkacem et Brigitte Fontaine, jusqu’à ses travaux avec Rodolphe Burger sur l’un de ses derniers albums, était aussi et avant tout un homme qui aimait les mots. Vian, Trenet, Duras, Brassens. Il était éclectique par goût et par envie.
Il était un personnage à part dans l’univers de la chanson française. Humour grinçant, un brin cynique, timide, sur scène il se transformait véritablement et occupait tout l’espace. Pour l’avoir vu 2 fois, au Printemps de Bourges (festival qu’il a inauguré avec Charles Trenet en 1977), puis à Bercy, il avait ce charisme, cette chaleur humaine communicative, cette simplicité que l’on peut retrouver chez Jean-Louis Aubert, M, Alain Souchon entre autres.
Fasciné par Charles Trenet, et déjà musicien, il auditionne en 1954 au cabaret « Les 3 baudets » dirigé par Jacques Canetti. Ce dernier, le trouvant trop jeune, lui donne rendez-vous « dans 10 ans ». Il rencontre également le clarinettiste Sydney Bechet sur la comédie musicale « La Nouvelle-Orléans ». Il fera par la suite la connaissance de Henri Crolla, proche collaborateur de Yves Montand. 1964, grâce à Brigitte Fontaine, marque ses retrouvailles avec Jacques Canetti,qui lui fera enregistrer un texte de Boris Vian, « Je rêve ». Ce titre figurera sur une compilation « Boris Vian, 100 chansons », aux côtés d’interprètes comme Pierre Brasseur, Serge Reggiani, Catherine Sauvage entre autres. En 1965, Pierre Barrouh, fondateur du label Saravah, qui va lui permettre de faire ses premiers disques.
Dans les années 70, Higelin, amateur de textes, se tourne vers le rock, et enregistre « BBH75 » avec la participation de Louis Bertignac, qui ira ensuite chez Téléphone. Il livrera des albums par la suite des albums qui marqueront le public, « Champagne pour les uns » et « Caviar pour les autres », « Irradié », « Alertez les bébés ».. sans parler donc des albums live tels que « Higelin à Mogador », « Casino de Paris »(endroit où il fit notamment un rappel seul au piano qui dura… 2H!!), « Higelin à Bercy »… qui retracent des moments de communion avec son public, lors de prestations parfois très longues, tant il était généreux. Cette générosité, les fontenaysiens et fontenaysiennes avaient pu la mesurer quand en 1977, le grand Jacques s’était produit au Gymnase Léo Lagrange, et qu’il ne voulait plus quitter la scène! Il avait marqué les esprits ce soir-là!
En 1988, il publie le très beau » Tombé du Ciel », dont la chanson titre sera un succès, sur lequel figure une chanson en l’honneur de la naissance de fille, Izia, petite sœur d’un certain Arthur H. S’en suivront « Illicite », « Aux héros de la voltige », « Paradis païen », « Amor Doloroso », et le dernier « Higelin 75 », paru en 2016.
En 2015, il avait écrit un livre « à 2 voix » avec la journaliste Valérie Lehoux, intitulé « Je vis pas ma vie, je la rêve ».
Cet artiste aura écrit parmi les plus belles pages de la chanson française de ces 40 dernières années. Le baladin-rêveur s’en est allé, discrètement.
Il va nous manquer.
Guillaume.
Aragon naissait il y a 120 ans déjà!
Né en 1897 à Paris et décédé également à Paris, la nuit de Noël 1982, cette année, Louis Aragon aurait eu 120 ans !
Et puisque c’est un chiffre marquant, que par ailleurs personne ou presque dans les médias spécialisés (radio-télé-presse écrite) ne célèbre cette figure importante du 20ème siècle dans les domaines de la littérature, de la poésie, de l’édition, de la résistance, y compris de la politique (communiste, jusqu’à sa mort, et fidèles aux idéaux du stalinisme, personne n’est parfait!), je me suis dit que j’aillais m’y coller, ô de façon brève, modestement, et sans entrer dans tous les domaines, puisque seul celui de la poésie, de son écriture, qui sera mise en musique plus tard m’intéresse ici.
Je passerai donc sur sa jeunesse, ses engagements politiques auprès du parti communiste français, époque Maurice Thorez, son travail dans les revues « La Commune » (1933-1939), « Ce soir » (1937-1953), puis les « Lettres Françaises« , hebdomadaire littéraire dont il est directeur) ou la maison d’éditions qu’il a fondé en 1953, « Les Editeurs Français Réunis« , qui publie des auteurs attachés au « réalisme socialiste » fidèles au modèle soviétique stalinien. Je ne parlerai pas de son engagement dans la résistance (médecin-auxiliaire sur la ligne de front, après l’invasion de la Pologne par les armées d’Hitler), moins encore de sa carrière de romancier.
Aragon, écrivain, était aussi journaliste, éditeur, mais également membre du courant littéraire des « surréalistes », aux côtés de Paul Eluard, André Breton ou Philippe Soupault. Bon et le poète alors?
Il ne cesse d’écrire, de livrer des textes, depuis le « Feu de Joie » en 1919, en passant par « les yeux d’Elsa » en 1942, ou « la Rose et le réséda » en 1943. Il poursuivra ses publications jusqu’en 1969. Si Georges Brassens a, dès 1953, mis un poème d’Aragon en musique (« Il n’y a pas d’amour heureux »), c’est le grand Léo Ferré qui va lui consacrer un album entier « Les chansons d’Aragon », en 1961.
Par la suite, Jean Ferrat, Yves Montand, Alain Barrière, Marc Ogeret, mais aussi Nicole Rieu, Francesca Solleville, Isabelle Aubret, Catherine Sauvage, mais aussi Philippe Léotard, Bernard Lavilliers, ont mis en musique et chantés la poésie de Louis Aragon.
Aujourd’hui, Louis Aragon reste un nom gravé dans les mémoires collectives. Il est aussi un symbole à plus d’un titre, de par son histoire, son parcours, ses écrits et cette histoire d’amour au long cours avec Elsa Triolet. Aragon évoque un pan de l’histoire parisienne et française de la culture, de la littérature, de l’adhésion à une idéologie politique. De même, des lieux culturels, salle de spectacle, ou … des médiathèques par exemple :-), portent son nom.
C’était aussi un merveilleux poète, parolier sans le savoir… il eu le temps d’apprécier l’adaptation de ses textes en chansons, qui sont rentrées depuis dans le répertoire, dans la mémoire des gens.
Je vous suggère un petit florilège, ci -dessous. Bonne écoute.
Guillaume.
Guillaume.
Tcheky Karyo, la mélancolie en bandoulière…
Bien qu’il soit un comédien reconnu depuis très longtemps et possédant une filmographie impressionnante (L’Ours ; La Balance ; Nikita ; Jeanne D’Arc ; Les Lyonnais ; Jappeloup….. ), Tchecky Karyo, né à Istanbul il y a 62 ans, de parents d’origines gréco-turques, a toujours eu l’envie de chanter. Il a ainsi mis le pied à l’étrier en 2006, avec « Ce lien qui nous unit », qui connut un succès modeste.
La pochette de « Credo » sorti en 2013, est un portrait photo redessiné par Enki Bilal, offre le visage sérieux, mystérieux. Passionné de musique et de mots, Tcheky Karyo s’est entouré ici du poète Zéno Bianu, de Jean Fauque (parolier de Bashung), de Christiane Cohendy. Le résultat est déroutant au premier abord, car dès « Olive Tree Café », l’auditeur sait tout de suite que cet album ne sera pas une suite attendue de chansons telles qu’on les entend en radio. La voix toute en nuances, parfois tremblante, colle parfaitement à l’ambiance poétique, tourmentée, intimiste de « Credo« .
Cet album, mélange de jazz contemporain, de son rock, de poésie, est un ovni musical, un disque décalé, à l’image de ce comédien discret hors des plateaux de cinéma. Son univers renvoie à des chanteurs tels Jean Guidoni, Bernard Lavilliers époque « Les poètes », « Le Stéphanois ». Tcheky Karyo y alterne textes en français et en anglais, dans une diction une peu trop appliquée à mon goût. A noter la participation talentueuse du percussionniste Steve Shehan.
Mes titres préférés sont les suivants : « Olive Tree Café » ; « Autour de la Mémoire » ; « Indelicate transgression » ; « Les Toits du Monde ».
Guillaume.
Qu’on se le dise, le grand Thiéfaine est de retour !
Sur la pochette de son nouvel album « Stratégie de l’inespoir« , Hubert-Félix Thiéfaine apparaît les yeux bandés… comme s’il ne voulait plus voir ce que le monde est devenu !
L’album démarre par un poème « En remontant le fleuve » de Paul Celan, poète roumain naturalisé français en 1955. Superbement mis en musique, sur une mélodie lancinante, prenante. Pas de doute, après une période troublée, un passage à vide, le bonhomme a retrouvé sa voix, sa verve, l’envie de créer, chanter, dire ses tourments et sa vision de ce monde qu’il n’aime visiblement plus.
De l « Angélus », coécrit avec le guitariste Yann Péchin, complice fidèle, à « Toboggan », ce nouvel album est de la pure veine de Mister HFT. En bonus, un « Père & Fils » touchant, émouvant, comme un passage de témoin.
Thiéfaine, depuis longtemps homme de mots, amateur de poésies anciennes ou modernes, nous emmène sur ses pas, en revisitant Trenet « Fenêtre sur Désert », rendant hommage à Sartre, s’inspirant même de Pétrarque. Pour ce nouvel album, il a fait appel à des amis pour partager l’aventure. Ainsi, au gré des titres retrouve-t-on Jeanne Cherhal, JP Nataf, ou Cali, ou Arman Méliès.
Le regard toujours acide sur le monde qui l’entoure, sur la vie, sur le genre humain, Hubert-Félix Thiéfaine nous offre ici un disque de haute tenue, preuve de la forme retrouvée, de la créativité réactivée. Le cru 2015 est grand ! Savourez sans modération !
Guillaume.