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Chez les Marsalis, le jazz est une affaire de famille.
La musique est parfois une affaire de famille : Pour les mélomanes de musique classique, je nommerai Léopold et Wolfgang Amadeus Mozart, Johann Sébastian Bach et ses deux fils Carl Philipp Emmanuel et Johann Christian, Richard Strauss, Johann Strauss (père et fils), qui en sont de célèbres exemples.
Dans l’histoire du rock là aussi les exemples ne manquent pas : John et Julian Lennon, Ike and Tina Turner, Les Jackson Five, Eddie et Alex Van Halen (Van Halen), Michael et Rudolph Schenker (Scorpions, MSG), Steve et Mike Porcaro (Toto), Janet Jackson, Whitney Houston (nièce de Dionne Warwick). En chanson française, la lignée Gainsbourg-Birkin avec Charlotte, sa sœur Lou (également actrice et réalisatrice). Serge et Nicolas Reggiani, Jacques Higelin, sa fille Zia et son fils Arthur H. Louis Chédid et ses 4 enfants de la balle, Mathieu, Joseph, Anna et Emilie. Véronique Sanson et Christopher Stills (fils de Stephen Stills, du groupe Crosby Stills Nash ans Young).
Le Jazz n’échappe pas à cette « règle ». Il y a en effet des familles qui ont marqué ce genre musical de leur empreinte : le bluesman Muddy Waters et son fils Bill Boy Morganfield, le violoniste Didier Lockwood et son frère pianiste Francis, Michel Petrucciani et son frère guitariste Tony, la chanteuse-pianiste Nina Simone et sa fille également chanteuse Lisa, Maceo Parker (saxophiniste) et son rappeur de fils Corey, Boulou et Elios Ferré, la chanteuse Dee Dee Bridgewater et sa fille China Moses, et je pourrais ajouter Johnny et Shemekia Copeland (blues), Luther et Bernard Allison (blues), Jimmie et Stevie Ray Vaughan (blues), Edgar et Johnny Winter(rock, blues-rock)…. Vous le constatez, les exemples sont nombreux !
La famille, et non pas la Famille (avec un grand F, cela renvoie à Famiglia, terme désignant les mafias italiennes et italo-américaines), donc la famille que je vais évoquer aujourd’hui est celle des Marsalis : Ellis Jr., le patriarche (83 ans, pianiste), Branford (57 ans, saxophoniste), Wynton (56 ans, trompette, cornet), Delfayo (52 ans, trombone, producteur), Jason (41 ans, batteur, percussionniste). 2 disques témoignent de l’amour pour jazz profondément ancré au sein de cette lignée. Il s’agit de « A jazz celebration »(2003) sorti sur le label… Marsalis Music fondé en 2002 par Branford Marsalis (on n’est jamais si bien servi que par soi-même), et « Music Redeems » (2010), qui relate un enregistrement en public lors d’une soirée dédiée au Ellis Marsalis Center for Music. L’occasion nous est ici donnée de suivre ces musiciens dans un voyage musical qui mêle tradition, jazz classique, et standards. Un petit bonheur à savourer. L’auditeur a parfois le sentiment d’entendre, d’écouter, au delà de la musique, un dialogue intergénérationnel qui serait codé dont seuls le quintet Marsalis possède la clé. Une façon de prolonger ce lien fort qui les unis, réunis. L’Histoire d’un pays, d’une musique, leur histoire personnelle et collective sur ce sol qui les a vus naître et grandir, devenir des figures emblématiques de la communauté noire américaine dont ils sont issus.
Vous le voyez, que ce soit par le biais de la musique en menant des projets, par l’investissement personnel ou collectif dans des institutions liées à l’éducation musicale, au développement de l’être humain, à l’histoire et la mémoire d’une musique, ou dans le cadre de leurs activités et carrières personnelles respectives, les membres de la famille Marsalis se montrent mobilisés, présents. Aussi quand parfois le temps leur est donné de se réunir pour jouer ensemble, cela donne de jolis moments de partage. L’auditeur s’en trouve privilégié, le sentiment prédominant d’assister à un conseil de famille en musique assez jubilatoire. Au de là de l’évidente connivence qui les relie, c’est le plaisir simple du jeu qui se manifeste. Pour avoir eu l’occasion d’assister à des concerts de Wynton Marsalis dans différentes formules (direction d’orchestre, quartet, quintet) à Marciac à plusieurs reprises ainsi qu’à certains donnés par son frère Branford, en formule quartet, j’ai pu mesurer combien ces valeurs de transmission, de plaisir, d’amour de la musique sont encrées en eux. Malheureusement donc, pour moi, pour nous, le clan Marsalis au complet n’est jamais venu en Europe se produire. L’histoire de Police refermée non sans quelques fracas, Sting engagea Wynton et Branford pour l’enregistrement du sublime album « Englishman in New York » (1987), premier album solo du bassiste blond après la séparation policière. Je fus témoin de leur présence au sein du quintet qui accompagna Sting lors du concert donné à Bercy en 1988. Un régal de voir ces jazzmen aux côtés de Sting.
Alors si un jour prochain, sur Paris ou en province à l’occasion d’un festival de jazz, vous apercevez le nom de Marsalis sur l’affiche (en l’occurrence Branford et Wynton, qui tournent très régulièrement en Europe), n’attendez plus, foncez les voir, car vous aurez l’assurance de passer une très très belle soirée avec des musiciens de haut vol et généreux dans l’âme.
Guillaume.
Wynton Marsalis, du jazz à la musique classique.
A 57 ans, dont plus de 40 ans de carrière, Wynton Marsalis musicien multicartes issu d’une famille nombreuse dédiée à la musique jazz ( j’y reviendrai dans un prochain article), est avant tout connu dans le monde entier pour ses talents de trompettiste hors pair, de compositeur et chef d’orchestre de jazz.
En France, il est devenu une véritable référence, une icône, depuis son premier passage au Festival de Jazz de Marciac, dont il est devenu le parrain en 1991. S’y investissant depuis chaque année, il revient et travaille avec les écoles de jazz du coin, en plus des programmes qu’il présente avec un bonheur toujours égal au public qui vient le voir. Il a pour cela gagné le droit d’avoir une statue à son effigie au centre d’une cour d’école de Marciac. Tout un symbole! Homme très occupé, Il est par ailleurs directeur général et artistique de la grande institution américaine de musique qu’est le Jazz at Lincoln Center de New-York.
Mais c’est du compositeur de musique classique que j’ai décidé de vous parler. Car c’est un aspect méconnu de sa carrière, comme c’est le cas pour le performer vocal Bobby Mac Ferrin. Les musiciens de jazz ont très souvent été influencé par la musique classique (tout comme la musique classique s’est parfois inspiré du jazz, mais nous en reparlerons), pour ensuite s’en inspiré dans la composition de leur œuvre. Les plus marquants sont Duke Ellington, Thelonious Monk, Oscar Peterson, Keith Jarrett, Miles Davis, Nina Simone, ou encore Leonard Bernstein et Chick Corea. Wynton Marsalis donc s’inscrit dans cette lignée.
Dès l’âge de 14 ans, il joue le concerto pour trompette de Haydn, accomagné par le New Orleans symphony orchestra. A 18 ans, bien lancé, le talenteux jeune homme rejoint Art Blakey et ses Jazz Messengers, au seuil des années 80. Il joue ensuite avec Sarah Vaughan, Dizzie Gillespie, Sonny Rollins. De jolis parrains et partenaires de musique. Mais Wynton Marsalis ne contente pas seulement d’être un musicien talentueux capable de s’adapter avec bonheur à différents styles musicaux comme, hormis le classique donc, la country-blues (voir album « Two men with the blues » avec Willie Nelson), le blues encore, avec Eric Clapton, sur le superbe « Wynton Marsalis and Eric Clapton plays the Blues ».
Passionné par les compositeurs de musique classique que sont Johann Sébastian Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Joseph Haydn et quelques autres, il n’hésite alors pas à se lancer dans l’enregistrement d’œuvres classiques. L’alternance entre ses activités liées au jazz et à la musique classique est dès lors effective. En 1983, à 20 ans, il rentre en studio pour enregistrer les concertos pour trompette de Joseph Haydn, Johann Nepomuk Hummel, et Leopold Mozart. En 1997, signe ultime de la reconnaissance de son talent multiforme, Wynton Marsalis reçoit le prix Pullitzer de la musique pour son œuvre « Blood on the fields », un oratorio de jazz.
Si le musicien est très talentueux, Il accorde aussi une très grande importance à l’enseignement, la transmission, l’éducation de l’être humain par la musique. C’est pour cela qu’il mène de front plusieurs carrières, toutes liées à la musique, à l’Humain. : S’il a dirigé le Jazz Lincoln Center de New-York, il est également directeur en charge du Département Jazz de la Juillard School de New-York. Partout où il rend, Marsalis se fait passeur de savoir, transmetteur de mémoire, d’une histoire commune, celle de la musique, comme lien unique et universel entre les hommes. Un pèlerin qui ne baisse jamais les bras.
En tant que compositeur et / ou un interprète du répertoire classique, il a établi un spectre très large, jugez plutôt : le fameux « Three Favorite concertos », avec le violoncelliste Yo-Yo Ma notamment, en 1984 ; le registre baroque et des compositeurs tels Henry Purcell, Georges Telemann, Johann Pachelbel, abordés lors d’enregistrements en 1984 et 1988 ou plus près de nous, en 2016 « The Abyssinian Mass » de Wolfgang Amadeus Mozart, enregistré avec la chorale Le Château. La musique de chambre et la musique symphonique ne sont pas en reste avec respectivement « Ghost Storry, ballet » qui date de 1998, ou « the Fiddler and dancin’ witch », pour orchestre à cordes, en 1999. Côté symphonique, il s’offre l’écriture d’une trilogie : « All rise, symphonie n01 », pour orchestre de jazz et chœur et orchestre symphonique ; « Blue Symphony, n°2 » et « Swing symphony, n°3 ».
Vous le constatez, Wynton Marsalis tisse avec patience et persévérance, une œuvre musicale immense, riche, variée, au sein de laquelle il se promène et donne à ses interlocuteurs comme à ses auditeurs un plaisir sans cesse renouvelé de le côtoyer comme de le voir évoluer, diriger ou juste se fondre dans un collectif pour mieux servir une musique.
Wynton Marsalis est pour moi l’un des grands noms du jazz des 40 dernières années et son œuvre n’est pas terminée… loin de là!
Guillaume.